Riolo: "La méthode Zidane..."

Parler de Zidane ? Quelle folie. Pourquoi tenter le diable avec Dieu ? On ne parle pas de Zidane. On le loue, on le prie, mais en parler non. Ça serait comme mettre un "mais" dans une phrase. Et un "mais", parfois, ça efface le début d’une phrase. Comme on dit aux USA, tout ce qui précède un "mais" = bullshit !
Rassurez-vous, je ne veux évoquer aucun "mais". Je ne veux pas blasphémer. Juste parler de l’exploit, de la performance, des trois Ligue des champions de suite. Et d’avance pardon à ceux qui se sentiront offensés dans leur culte.
Père Hermel, gardien du temple madrilène, disait récemment qu’on semble rechigner à employer le mot génie pour qualifier le travail de Zidane. Visiblement, à ses yeux, le culte n’est pas assez fort. L’idole n’est pas assez couverte d’or. Et après ce nouveau sacre européen, la place de Zidane dans le Panthéon des entraîneurs doit être réévaluée.
Où se situe donc ce Real, et son coach, par rapport à l’Ajax des 70’, à Kovacs, à Michels, au Milan de Sacchi, à Guardiola ? Mais aussi par rapport à Mourinho, l’ex-entraîneur du XXIe siècle ? A Ferguson ? Aux autres qui ont gagné trois fois, Paisley, Ancelotti ?
Zidane va tellement vite qu’il brûle toutes les étapes. Au début de sa carrière, il pousse déjà à se poser des questions de fin de parcours.
Se lancer dans ce débat, c’est poser toujours les mêmes questions. Sur le style, l’importance des victoires, du résultat, le contexte…
Ceux qui se demandent toujours si Guardiola ferait aussi bien avec une pauvre équipe, se posent-ils la même question avec Zidane ? On va évacuer cet argument. C’est mieux.
Tentons alors une explication de la méthode Zidane. Ce coach est encore tout frais et finalement sans recul sur ce qu’il fait. L’un des problèmes de taille pour comprendre son travail, c’est qu’il ne l’explique pas. Tous les grands coachs de l’histoire ont expliqué leur travail. Tous les grands champions aussi. A travers des livres, interviews, documentaires, films, ils ont donné, transmis, échangé. Lui, non. Pas encore. On espère qu’il le fera. Il a le temps.
On doit donc se fier à ce qu’on voit et aux quelques mots que disent les autres de lui. Même s’il a travaillé la théorie en passant tous les diplômes, c’est plus de son expérience qu’il semble tirer son savoir. Son intelligence semble plus intuitive. Il se fie à son instinct. L’intelligence intuitive permet de prendre des décisions plus rapidement, de s’adapter, de libérer la créativité au sein de son équipe. L’intuition fournit une définition qui convient parfaitement à Zidane : "action de deviner, pressentir, comprendre quelque chose d’emblée, sans parcourir les étapes de l’analyse, du raisonnement ou de la réflexion".
David Bettoni, son fidèle adjoint, disait après la finale : "Il excelle dans le management, le rapport humain. Et il demande aux joueurs de prendre du plaisir".
Ça semble quand même super simple, non ? Basique, même. C’est à se demander à quoi bon préparer une tactique ? C’est peut-être pour ça qu’on n’arrive pas à donner un style à cette équipe du Real.
Elle semble avoir réduit au minimum son moyen d’expression. Elle est minimaliste. Une simplicité qui, portée par le talent, le don de soi et la confiance, débouche sur des performances hors norme !
Paradoxalement, et alors que le Real est l’un des clubs les plus attendus, exigeants, au monde, Zidane y est à l’aise et dans le confort ! Aucun autre entraîneur dans l’histoire de club n’y a été à ce point à l’aise. Alors, évidemment, si le premier succès ne vient pas aussi vite, ce confort disparaît. Mais lui, fort de son premier titre, a su garder et entretenir un très haut niveau de performance en donnant le sentiment que tout est simple.
C’est le chef d’un groupe respecté qui base sa relation avec les joueurs sur la confiance. "Je ne vais pas recruter, on va rester entre nous. On est fort comme ça". Dans le foot moderne, qui voit des clubs avec des effectifs souvent chamboulés, le Real de Zidane ressemble à une équipe du passé !
Des tauliers (Ramos, Marcelo, Modric) une star (Ronaldo), des très bons joueurs autour, une hiérarchie claire et une adhésion totale à la cause, voilà, c’est parfait !
Quand on a ça, que fait-on du style ? La question mérite-t-elle toujours d’être posée ? Il y a toujours eu différentes façons d’envisager le foot. Zidane ne sera jamais un architecte façon Michels, Sacchi, Guardiola, Lobanovski, Herrera ! Et alors ? On doit forcément choisir entre les deux camps ?
Zidane décidera de son avenir et de sa place dans l’histoire. Même si je ne suis pas sûr que ça soit l’une de ses préoccupations majeures. Pour toujours au Real, façon Ferguson ? Ou recherchant le défi ailleurs ? Très rares sont ceux, parmi les grands, qui n’ont pas voulu aller se mettre en danger. Zidane voudra-t-il sortir de sa zone de confort, risquer de se salir ? Est-ce que réussir ailleurs, c’est ce qui le fera basculer dans les "génies" chers à Père Hermel ? Je prends le pari que oui, il partira. Reste juste à savoir quand…