Premier League: comment la situation entre Tottenham et Conte est devenue explosive

Entendre un coach fracasser ses joueurs et son employeur de la sorte devant la presse est rarissime. Mais les mots employés par Antonio Conte après le match nul de Tottenham contre Southampton samedi soir en Premier League (3-3) n’auront pas surpris les suiveurs les plus assidus des Spurs au regard de l’atmosphère électrique qui règne dans le club londonien depuis plusieurs semaines.
"Je vois des joueurs égoïstes. Je vois des joueurs qui ne veulent pas s'entraider, qui ne jouent pas avec cœur. Les joueurs n'ont pas montré assez d'esprit, ils ne jouent pas pour l'insigne ou pour les fans, c'est la même chose chaque saison, quel que soit le manager, s’est emporté le coach italien en conférence de presse il y a deux jours. Pourquoi ? Parce qu'ils sont habitués ici. Ils ne jouent pas pour quelque chose d'important. Ils ne veulent pas jouer sous pression, ils ne veulent pas jouer sous stress. C'est facile comme ça. L'histoire de Tottenham, c'est ça depuis 20 ans. Il y a un propriétaire, mais ils n'ont jamais rien gagné."
"C'est la faute du club, de l'entraîneur... J'ai vu tous les managers qui sont passés par ici. Ils préfèrent toucher à la figure du manager mais protéger les autres, a-t-il poursuivi. Le club est responsable du marché des transferts, les entraîneurs viennent ici et sont responsables. Et les joueurs ? Les joueurs ? Où sont les joueurs ? Je suis vraiment bouleversé et tout le monde doit prendre ses responsabilités. Pas seulement le club, mais tout le monde. Il est temps de changer la situation."
Le message est passé. Et il est d’une violence inouïe. Arrivé à Tottenham en novembre 2021 pour prendre la succession de Nuno Espirito Santo, Conte semble bel et bien être arrivé au bout de son histoire commune avec les Spurs. Après avoir réussi à qualifier le club pour la Ligue des champions à l’issue de la saison 2021-2022 en redressant un effectif en perte de vitesse grâce à ses méthodes bien singulières, l’Italien a peu à peu perdu le fil.
16 mois de soubresauts
Car la dernière sortie fracassante de Conte n’est pas un cas isolé. En 16 mois, la relation entre le technicien et Tottenham a connu de nombreux soubresauts. En février 2022, un peu plus de trois mois après avoir pris la tête des Spurs, Conte était à deux doigts de mettre sa démission sur la table. "Je veux faire une évaluation avec le club, je dois parler avec lui. Je veux prendre mes responsabilités. Je suis ouvert à toute décision parce que je veux aider Tottenham", avait-il lâché après une défaite de Tottenham sur la pelouse de Burnley (1-0).
Rebelote près d’un an plus tard, en janvier dernier, après une autre déconvenue à domicile contre Aston Villa (0-2). Habitué à se battre pour le titre que ce soit à la Juventus, à Chelsea ou à l'Inter, Conte a expliqué que sa tâche avec les Spurs était "différente". Ce qui n’avait pas l’air de le combler. "Lorsque j'ai signé mon contrat en novembre 2021, j'ai trouvé le club dans un position difficile pour de nombreuses raisons. J'ai compris que mon rôle était d'essayer d'aider le club à revenir dans la bonne direction, sur les choix des joueurs, sur le travail, pour être mieux organisé et bâtir des fondations. Maintenant, si je veux rester ici, alors je dois l'accepter. Sinon, si je ne veux pas accepter cela, alors je dois m'en aller."
Il faut dire que, cette saison, Conte et ses hommes n’ont jamais semblé en capacité de garnir l’armoire à trophées du club. Éliminés en 8e de finale de Ligue des champions par l’AC Milan (1-0, 0-0), dès son entrée en lice en League Cup et au cinquième tour en FA Cup par un pensionnaire de D2 anglaise (Sheffield United), les Spurs n’ont plus que le championnat à jouer. Actuels quatrièmes de Premier League et virtuellement qualifiés pour la prochaine Ligue des champions, les Londoniens restent toutefois sous la menace de Newcastle, 5e à seulement deux points mais avec deux matchs en retard. La perspective d’une saison complètement blanche combinée à une non qualification à la prochaine C1 existe.
Lâché par son vestiaire et une partie de son staff ?
Ces dernières semaines, la perte de Gian Piero Ventrone, son préparateur physique décédé d’une leucémie foudroyante, ainsi qu’une longue absence dûe à une opération à la vésiculaire biliaire peuvent expliquer une certaine usure mentale de Conte. Mais le mal semble plus profond et, désormais, le technicien a vraisemblablement perdu l’adhésion d’une grande partie de son vestiaire, comme en témoignent les vives critiques de Richarlison sur son temps de jeu après l’élimination en Ligue des champions.
"Tout allait bien, on était dans une bonne séquence avec des victoires contre West Ham et Chelsea. Tout à coup, il (Antonio Conte) m'a mis sur le banc contre Wolverhampton et m'a fait rentrer pour cinq minutes. Je lui ai demandé pourquoi, mais il ne m'a pas répondu (...) Ils m'ont demandé de faire un test à la salle et si j'étais en forme, je serais titulaire (en 8e retour de C1 contre l’AC Milan). Mais au moment du match, il m'a laissé sur le banc. C'est ce genre de choses là que je n'arrive pas à comprendre." En interne, Conte est également la cible d’attaques de son propre staff. Selon la presse anglaise, dont le Daily Mail, certains de ses collaborateurs seraient "démotivés".
Dans ce contexte, difficile d’imaginer le voir continuer l’aventure sur le banc des Spurs. En fin de contrat à la fin de la saison mais avec une année en option, il aurait d’ores et déjà laissé de côté une prolongation en janvier dernier. Mauricio Pochettino, Thomas Tuchel, Roberto De Zerbi (Brighton), Thomas Frank (Brentford) ou encore Marco Silva (Fulham) sont les noms qui reviennent le plus souvent outre-Manche pour prendre sa succession l’été prochain. En attendant, il y a une saison à finir. Et, si rien ne change, les prochaines semaines pourraient encore être sacrément animées dans le Nord de Londres.