Le grand dossier RMC Sport (partie 4) - Luis Campos, la découverte de l’élite

Novembre 2000. Moins de deux mois après sa rupture avec le FC Penafiel, c’est une autre surprise qui attend Luís Campos. Tout aussi soudaine mais bien plus joyeuse. Le technicien de 36 ans va diriger son premier club dans l’élite du foot portugais. A 15 bornes de chez lui, le Gil Vicente vient de se faire larguer par Álvaro Magalhães. "Magalha" sort de deux énormes saisons avec les Gilistas. Champion de D2 1999, il termine cinquième de Liga l’année suivante. Du jamais vu à Barcelos. Et, en cette fin d’année 2000, il succombe à l’appel du Vitória de Guimarães. Mais au moment où il se barre, la situation du Gil est bien moins excitante. L’équipe est avant-dernière de Liga et ne compte que six points après 12 journées. Campos, lui, est enthousiaste: "J’ai eu une carrière avec plus de joies que de peines et j’aime les projets difficiles, quand les objectifs ne sont pas simples. Je sais que je viens des divisions inférieures mais je sais aussi que je suis dans une équipe qui a lancé beaucoup d’entraîneurs venant d’en bas."
"Un modèle de jeu intelligent"
Pour beaucoup, la barque de Barcelos déjà condamnée, prête à couler. Et le Professor va vite comprendre qu’il navigue à vue. Sa première séance ne dure que 50 minutes. Personne n’a jugé bon d’anticiper l’allumage des projecteurs du modeste terrain d’entraînement de Carvalhal et, en cette fin d’après-midi d’hiver, le soleil se fait capricieux dans le Minho. Pour son baptême en Liga, Campos s’incline à Amadora (1-2) mais il entend imposer sa vision: "A partir de maintenant, celui qui ne sera pas courageux ne jouera pas. Pour gagner, il faut prendre des risques. On peut perdre un match mais, à la fin, il faut avoir le sentiment qu’on a tout fait pour gagner." Au début des années 2000, ce genre de discours dénote dans la bouche d’un entraîneur d’un "petit" club portugais dont l’ambition est, le plus souvent, de ne pas perdre.
S’en suit une nouvelle défaite face au Boavista (0-2). Le Prof décide encore de rompre avec les habitudes du club en envoyant ses joueurs au vert. Deux jours à Ofir, l’une des plages les plus connues de Fão. Un bon bol d’air avant un déplacement dans l’antre du Benfica. Le Gil en revient avec un point (0-0). Le quotidien Record publie le lendemain: "Luís Campos s’est présenté dimanche à la Luz avec un modèle de jeu intelligent et moderne (…) Un système de base en 4-5-1, transformable en 4-3-3, manifestant toujours une préoccupation de défendre le plus loin possible de son but et de contre-attaquer avec un nombre significatif d’éléments." Un match à l’image de la saison des Aigles: sans inspiration.
En 2000-2001, le Benfica terminera sixième de Liga, le pire classement de son histoire. Trois entraîneurs s’y succèderont: de Heynckes à Toni, avec un intermède d’un certain José Mourinho. Beaucoup l’oublient mais c’est avec les Encarnados que le Mou a débuté sa carrière d’entraîneur principal. Et à deux journées près, José et Luís, les deux trentenaires, les deux anciens élèves de l’ISEF, auraient pu s’affronter (ce sera pour bientôt).
"La force du peuple va vaincre celle du capital"
Le Gil version Campos obtient dans la foulée ses deux premiers succès. Une élimination en Coupe face à Famalicão – alors en D3 – va néanmoins réanimer les sceptiques. Certains vont jusqu’à réclamer la tête de l’entraîneur. Le Gil est encore fragile et son Mister va multiplier les mises au vert au cours des semaines suivantes, privilégiant le souffle marin d’Ofir ou de Póvoa de Varzim. Début avril, les Barcelenses sortent enfin la tête de l’eau. Ils ne sont plus relégables. "Ces joueurs auraient les jambes brisées face à tant de critiques, ironise Campos. On disait qu’ils n’avaient pas de qualité mais ces jambes sont bien plus solides maintenant. On a même parlé de l’entraîneur: 'Mais qui est ce gars-là?'" Un mois plus tard, il se fait définitivement un nom en claquant le Benfica 3-0.
Mais son destin en D1 ne se décide que lors de la dernière journée. Tension et émotion. Le président du Campomaiorense qui joue aussi sa survie admet publiquement qu’il paiera grassement les adversaires de ses concurrents pour les aider à se maintenir. "C’est le moment pour le peuple de Barcelos d’avoir un rôle déterminant et de démontrer que la force du peuple va vaincre celle du capital", scande Campos.
Le poing levé, il remporte les trois points et se maintient. Un succès qu’il dédie à sa femme et ses deux filles (devenues médecins), ses "deux plus beaux trophées", vous dira-t-il aujourd’hui. Il s’en remet aussi au divin: "Au cours de ce parcours je suis sûr que, par moments, il y a eu un petit coup de main de Dieu. Je l’ai senti, parfois. Mais Dieu n’aide que celui qui travaille et il a aidé le travail sérieux et digne d’un groupe exceptionnel." Dieu n’a pas fini de le surprendre.
Viré à Noël
Campos repart pour une nouvelle saison à Barcelos. "J’ai le vice de la victoire", lance-t-il, en promettant "un Gil Vicente compétitif, joyeux, avec le plaisir de jouer tout au long de la saison". Sauf que sa saison va tourner court. Après un bel envol, les Coqs s’écrasent. Après sa première défaite de la saison face au Sporting, Campos se fait voler dans les plumes. Aux remarques de certains journalistes, il réplique: "Lorsque les entraîneurs portugais des équipes de plus petite dimension jouent l’attaque et ont pour ambition de gagner et qu’ils perdent, ils sont considérés comme des demeurés et on leur conseille de jouer défensif. Mais quand ils gagnent, ce sont les meilleurs et la tactique a été parfaite. Personne ne changera ma mentalité."
Le 15 décembre 2001, deux entraîneurs vont faire honneur à cette tirade. Le Leiria de Mourinho affronte le Gil Vicente de Campos. Les deux potes de fac s’affrontent enfin et c’est José qui s’impose (2-1). Pour Luís, les décisions de l’arbitre ne passent pas. "Le football portugais est pourri", balance-t-il.
Peu après, au lendemain d’une déroute à Salgueiros (0-3), c’est l’ambiance qui est pourrie. Le président Magalhães annonce un changement d’entraîneur. Luís Campos est viré. "Je devais agir, se justifie-t-il. Je vois le Gil proche de la zone de relégation et je ne veux pas revivre ce que j’ai vécu la saison dernière." Magalhães dévoile même déjà le nom de son successeur: Vítor Oliveira. Le paquet était déjà emballé. "Je viens d’avoir un cadeau auquel je ne m’attendais pas", fustige Campos. A deux jours de Noël (comme le père de Mourinho lorsqu’il entraînait le Rio Ave et comme son fils avec Chelsea, bien plus tard), Luís peut avoir les boules. Le Gil Vicente est, certes, mal classé mais pas largué. Campos convoque la presse à Esposende et dégaine: "En 14 ans de professionnalisme, c’est la première fois qu’on me fait passer aussi vite du statut de génial à médiocre. Quand je suis arrivé, la vache était maigre, elle n’avait pas de lait ; maintenant que je pars, je la laisse avec beaucoup de lait à donner…" Campos ne va pas tarder à reprendre le taureau par les cornes.
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