Le grand dossier RMC Sport (partie 5) - Luis Campos: Setúbal et le rendez-vous manqué avec le Benfica

A peine viré du Gil Vicente, le nom de Luís Campos fait écho à Leiria. En janvier 2002, il est l’un des pistes pour succéder à… José Mourinho, le nouvel entraîneur du FC Porto, où il va écrire les premières lignes de sa légende auto-proclamée du Special One. L’UDL est finalement confiée à Vítor Pontes. Dans la foulée, Campos est nommé au Vitória FC, à place de Jorge Jesus. La formation de Setúbal qui est tiraillée entre son glorieux passé (elle a alors remporté deux Coupes du Portugal dans les années 1960) et ses récents allers-retours entre D1 et D2 - pointe à l’avant-dernière place de Liga. Jesus prédit qu’il sera difficile de se maintenir, quel que soit l’entraîneur choisi. "Même si je suis jeune, j’ai toujours appris à vivre en démocratie, répond le nouvel élu. Je respecte l’opinion des autres. Jorge Jesus est un grand entraîneur et je respecte son opinion."
Campos débute bien au Bonfim. Un nul (1-1) face au Benfica. Puis une victoire à Salgueiros (2-0). Luís continue de répandre ses idées: "Dans le football, celui qui démontre de la qualité, gagne et convainc, tôt ou tard." Un deuil familial va alourdir un mois de février déjà embrouillé. Natif de Setúbal, sócio du Vitória depuis sa naissance, Mourinho, qui vient de lui en claquer quatre avec ses Dragons, croit au taf de son congénère: "Je suis convaincu que Luís Campos va réussir à tirer l’équipe des dernières places." José a vu juste. Dès avril, les Sadinos assurent leur survie dans l’élite. Record titre: "Campos, le sauveteur" et rappelle son boulot au Gil Vicente lors de la précédente saison. Une fois encore, le Professor le fait avec la manière, à sa manière. "Au Portugal, il y a des entraîneurs qui veulent du spectacle", se félicite-t-il après un 2-2 face au Sporting. Avec lui, plusieurs joueurs se révèlent. Comme Marco Ferreira – bientôt transféré au FC Porto – ou Paulo Ferreira. "C’est le meilleur latéral du pays, je lui prédis une grande carrière", affirme Campos concernant le celui qui portera le maillot du FC Porto, de Chelsea et du Portugal à 62 reprises. "Luís Campos est un entraîneur moderne, communicant et pédagogue", répond Paulo.
"Le maillon faible"
Luís est reparti pour un an au Bonfim. Et ça redémarre plutôt pas mal. Deux victoires et un nul lors des quatre premières journées. Le 1-1 qui suit face au Beira-Mar va tendre l’atmosphère. A l’issue de la rencontre, Campos s’en prend à l’arbitre. Et il prévient: "Si je suis sanctionné, j’irai au tribunal." Il est suspendu lors de la prochaine rencontre face au Benfica. L’entraîneur sadino décrète alors un blackout. Ses joueurs le suivent et expliquent dans un communiqué qu’ils ne s’exprimeront pas pendant dix jours "pour manifester leur indignation". Le VFC arrache le 1-1 à la Luz. Campos sort bientôt de son silence qu’il qualifie "d’appel de démocratie".
Il y a comme un sentiment d’injustice qui envahit le Bonfim. En novembre 2002, le Vitória comptabilise deux défaites, autant de victoires et sept nuls. "Je reconnais qu’on réalise un championnat atypique, concède son entraîneur. Cette oscillation de ne pas gagner à domicile mais aussi de ne pas perdre à l’extérieur, nous porte préjudice au classement." Le FC Porto est l’un de ces visiteurs-bourreaux. Mourinho qui s’en sort avec un petit 1-0 apprécie toujours autant: "Luís Campos a voulu que son équipe fasse le jeu et on voit de plus en plus cela dans le championnat." Mais le syndrome maison du VFC vire à la pathologie.
Les Sadinos attendront le 9 février 2003 avant de s’imposer chez eux. Une série de neuf rencontres sans succès à domicile pour le VFC aussi inédite qu’inexplicable. "Je ne crois pas aux gamineries ni aux superstitions et ça me fait bizarre d’entendre parler de syndromes qui toucheraient notre équipe, s’énerve Campos face à la presse. Je commence à en avoir assez des insinuations sur mon équipe et je conteste qu’on ne soit pas capables de gagner à la maison. Vous oubliez que nous sommes en milieu du classement. Ce serait pire si nous étions en-dessous de la zone de relégation." Son agacement, le corps arbitral le ressent. Campos collectionne les suspensions et, au lendemain d’une défaite au Bessa, il envoie: "Le football portugais est une poubelle! Ceux qui ont vu les matches du Vitória de Setúbal ont compris que le terrain penchait toujours vers le camp adverse."
Sur le terrain, il maintient son envie de "bon spectacle", de "dominer l’adversaire" mais, fin janvier, il y est. Relégable. Son équipe ne marque pas, ne marche plus. Un nouveau revers à domicile, face au Gil Vicente le fait plonger. Campos se dit "spolié" par l’arbitre et présente sa démission. Le président Goes l’en dissuade et l’entraîneur revient sur sa décision, convaincu qu’il va "atteindre [ses] objectifs": "Vu la façon dont le Vitória de Setúbal joue, nous ne pouvons pas descendre." Mais le VFC ne s’en sort pas.
"Tout proche" d’entraîner le Benfica
Le 23 février 2003, Luís Campos n’est plus l’entraîneur des Sadinos. A l’issue d’une réunion avec Goes, ils se séparent d’un commun accord. Un groupe de sócios manifeste sa désapprobation. "J’ai été le maillon faible, soupire Campos. Nous avons été victimes d’erreurs arbitrales, avec un manque de chance et une équipe qui n’a pas réussi à matérialiser son vrai potentiel." La décision intervient au lendemain d’un 6-2 encaissé contre le Benfica. Un comble pour le Professor. Car on l’ignore encore, mais Campos a été approché par le SLB quelques semaines plus tôt. En novembre 2002, Jesualdo Ferreira qui vient de se faire battre par Varzim en Liga et balayé par Gondomar en Coupe est remercié par les Aigles. Et avant d’embaucher Camacho, ils ont sondé Campos. "Je confirme que j’ai eu des conversations très importantes, assurera-t-il en juin 2003. Mais pas la peine d’entrer dans les détails, parce que ça ne s’est pas fait. A l’époque, j’étais convaincu que le projet du Vitória allait porter ses fruits."
En 2016, Luís Campos confirmera ses dires au quotidien O JOGO: "J’ai été très proche d’aller au Benfica. Ce furent des moments d’anxiété, des nuits blanches, parce que les conversations existaient, que c’était sur le point de se faire, mais que ça ne s’est pas fait." Pourquoi? "Ça reste entre moi et les personnes du Benfica qui sont venues me voir. C’était ma première année au Vitória de Setúbal et on a fini par décider que c’était mieux que ça ne se fasse pas." Au final, Campos se fait virer à cause d’un club qu’il aurait pu (dû?) entraîner… Pendant ce temps-là, son pote Mourinho – qui avait décliné une offre du Benfica un an plus tôt - est en passe de remporter sa première Liga et sa première C3 avec les Dragons.
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