"Tout le monde veut venir en Arabie saoudite": coach d'Al Ahli, Matthias Jaissle raconte son expérience en Saudi Pro League et les progrès du championnat saoudien

Matthias Jaissle, comment se passe votre début de saison avec Al Ahli?
Nous venons de battre le record d'invincibilité du club en Ligue des champions asiatique (six matchs sans défaite donc cinq victoires en phase de groupes ndlr) et c'est toujours bien de battre des records. En championnat, le début de saison n'est pas aussi parfait que nous l'espérions (le club est cinquième ndlr) mais les progrès sont visibles ces dernières semaines. C'est encourageant pour la suite, après la trêve hivernale.
Vous qui avez officié en Europe, à Salzbourg, avant de rejoindre Al Ahli, diriez-vous que c'est très différent d'être entraîneur en Saudi Pro League?
Pour être honnête, quand on est entraîneur, ça ne fait pas une grande différence. Vous êtes le manager, vous devez guider l'équipe... on coache de la même manière qu'en Europe. Evidemment les cinrconstances autour sont un peu différentes. Il y a aussi quelques défis supplémentaires dans ce contexte: tout est assez nouveau, ils veulent se développer, faire progresser le championnat. Et ça se voit assez clairement. Cela fait désormais un an et demi que le suis ici. Avec toutes les signatures, la venue de grands entraîneurs comme Pioli, Blanc, Jesus... il y a des top joueurs, des top coachs ici. C'est ça l'approche, la vision de l'Arabie saoudite: l'idée est de développer le championnat, le sport en général. Et ça se voit. Pour être franc c'est difficile de comparer avec des championnats comme la Bundesliga, la Ligue 1... les joueurs sont là, la qualité est là. Ils ont encore besoin de temps. Mais on est sur la bonne voie.
Mais vous constatez déjà les différences en un an et demi...
La vision saoudienne pour le football, c'est un projet global. Ce n'est pas seulement de développer la Saudi Pro League, c'est aussi de faire progresser des joueurs locaux grâce à l'arrivée de grands joueurs internationaux. C'est bien de voir aussi les différentes progressions au sein d'une même équipe.
Certains médias algériens ont fait état de possibles tensions entre vous et votre joueur phare Riyad Mahrez. Qu'en est-il?
Vraiment? Où avez-vous lu ça? Je suis surpris. C'est un joueur de foot fantastique, j'ai une très bonne relation avec lui. Et je pense que si vous lui demandez, il vous dira sans doute la même chose. Je peux seulement dire que je suis vraiment heureux de l'avoir dans l'équipe. C'est un joueur incroyable, il a tout gagné. Et il le montre encore cette année par les différences qu'il est capable de faire pendant les matchs.
En parlant de grands joueurs : est-ce qu'Al Ahli prévoit de se renforcer cet hiver, durant le prochain mercato?
Je ne peux évidemment pas entrer dans les détails. Mais évidemment, le club veut progresser. Nous n'avons pas été très actifs durant les deux derniers mercatos donc on veut l'être cet hiver. On veut renforcer l'équipe et j'ai hâte d'arriver au mercato.
Est-il facile d'attirer de nouveaux joueurs venus de grands championnats européens?
Evidemment il y a toujours des critères très personnels pour un joueur. Mais vous savez bien, en tant que journaliste, qu'il y a de plus en plus de joueurs qui veulent venir. Et pareil pour les entraîneurs d'ailleurs. Pour en avoir parlé récemment avec un grand avocat, il me disait qu'il avait de nombreux joueurs parmi ses clients... et tout le monde, vraiment tout le monde, veut venir. Et pour un joueur qui arrive, jouer avec des joueurs incroyables comme ceux que nous avons, c'est un honneur. Et vous avez, une fois que vous être sur le terrain, c'est du football: il s'agit de jouer, d'entraîner, de soutenir les joueurs et les aider à progresser comme partout ailleurs.
Avant la Saudi Pro League, vous étiez l'entraîneur de Salzbourg: suivez-vous toujours les résultats de votre ancien club?
Evidemment! Et je les regarderai contre le PSG! Le club doit faire face à pas mal de défis, en championnat comme en Ligue des champions. Je croise les doigts pour qu'ils retrouvent leur identité. Quand vous pensez à Salzbourg, même si c'est une plus "petite" équipe, vous pensez toujours qu'ils peuvent créer la surprise, y compris contre de grands clubs. Et j'espère qu'ils le montreront contre le PSG.
Quelle sera la clé pour Salzbourg?
Je ne suis pas inquiet pour eux mais j'espère qu'ils pourront jouer avec le style Red Bull, qu'ils retrouveront l'identité du RB Salzbourg, celle d'une équipe capable de surprendre tout le monde, y compris des équipes comme le PSG. Cela a toujours été dans l'ADN de Salzbourg, comme de faire émerger des jeunes talents. C'est ce qui a toujours fait le sel des performances de Salzbourg.
Regardez-vous les matchs du PSG? Et la Ligue 1 en général?
Oui bien sûr, notamment les top matchs. Je regarde Paris, Marseille, Monaco avec Adi Hütter qui est aussi passé par Salzbourg, les belles affiches. C'est un championnat intéressant et plein de talents. Je regardais déjà quand j'étais entraîneur de Salzbourg, notamment au moment d'acheter Lucas Gourna-Douath (venu de Saint-Etienne en 2022 ndlr). Le PSG, c'est un grand club, je les regarde beaucoup depuis l'arrivée de Thomas Tuchel, qui était mon ancien coach et on a toujours une très bonne relation.
Est-ce un championnat dans lequel vous pourriez exercer à l'avenir?
J'ai pour habitude de ne pas faire trop de plans de carrière. Mais évidemment je suis la Ligue 1, je considère que c'est une ligue intéressante. Je regarde aussi d'autres championnats comme la Bundesliga, la Premier League... c'est important aussi d'être stimulé par d'autres idées en tant qu'entraîneur. Mais vous savez, quand j'étais joueur, j'avais des plans de carrière en tête et d'un coup tout s'effondre à cause d'une grave blessure qui m'a forcé à stopper ma carrière. Depuis ce jour, je me suis promis de ne pas essayer de prédire l'avenir. Mieux vaut se focaliser sur ce qu'il se passe au présent, en essayant de faire du mieux possible et le reste viendra.
A 36 ans, vous faites partie d'une nouvelle génération de jeunes entraîneurs, à l'instar de Ruben Amorim, Julian Nagelsmann, Mikel Arteta, ou Will Still en France par exemple. Voyez-vous un changement de mentalité par rapport à ce qui était perçu, avant, comme un défaut et de l'inexpérience?
L'âge n'a pas d'importance. Rien que dans les noms que vous citez, certains entraîneurs ont déjà connu le succès. Je crois que certains dirigeants sont aussi plus ouverts d'esprit vis à vis de cela et envisagent désormais potentiellement un jeune coach sur le banc de leur club. A la fin, c'est toujours une question de qualité. Evidemment quand vous êtes jeune, vous avez moins d'expérience qu'un entraîneur d'une soixantaine d'années. Mais d'un autre côté, ça vous permet aussi d'interagir peut-être plus facilement avec des joueurs qui ne sont pas si éloignés en âge. Et je crois que c'est aussi important d'avoir de nouveaux visages qui amènent de nouvelles idées.