JO 2022: mobilisation et volonté de changement autour des inégalités hommes-femmes dans le saut à ski

"On en reparlera quand il faudra porter quelque-chose de lourd", répondait avec dérision le personnage interprété par Jean Dujardin dans le film 'OSS 117 Rio ne répond plus' lorsque sa partenaire sur une mission d’espionnage réclamait l’égalité homme-femme. Dans le monde du sport aussi, la question de la parité suscite encore le débat . Notamment lors des épreuves de saut à ski des Jeux olympiques de Pékin, où les Bleues n’ont pourtant besoin de personne pour s’envoler dans les airs du site de Zhangjiakou en Chine.
Si la France n’a pas réussi à qualifier de représentant masculin sur les trois épreuves chinoises, deux sauteuses tenteront de réaliser l’exploit de monter sur le podium de l’unique épreuve féminine dans leur discipline: Julia Clair et Joséphine Pagnier. Le rendez-vous olympique donne aussi l’opportunité aux deux Françaises de mettre en lumière les nombreuses inégalités sexistes dont elles sont victimes au quotidien.
Moins d’épreuves pour les femmes que pour les hommes
La première inégalité homme-femme tient au sportif pur. Si les athlètes masculins disposent de quatre épreuves pour s’illustrer en saut à ski (en comptant la compétition mixte par équipe), les femmes ne participeront au maximum qu’à deux épreuves: celle sur tremplin normal et la mixte. Contrairement aux garçons, les filles n’auront pas le droit à une épreuve sur gros tremplin ou par équipe non-mixte. Une inégalité criante aux JO de Pékin, où les Françaises ne concourront qu’en individuel en raison de la non-qualification des Bleus chez les hommes.
"Oui on va être médiatisées aux Jeux. On va avoir une compétition supplémentaire avec le mixte par équipes. On n’y participe pas mais il y a une compétition en plus pour les féminines, a estimé Julia Clair lors d’un point presse ce jeudi. On espère qu’il y aura un beau spectacle pour que cela donne envie de rajouter une épreuve aux prochains Jeux. Ils ne peuvent pas tout mettre d’un coup, on ne peut pas avoir quatre épreuves comme les garçons. Ce serait bien de rajouter une épreuve sur gros tremplin lors des prochains Jeux. Cela a été le cas sur les Mondiaux, où on est au même nombre que les garçons. J’espère par la suite que l’on arrivera à avoir les mêmes Jeux olympiques qu’eux et les mêmes épreuves sur les mêmes tremplins."

Un point de vue partagé par le staff français présent à Pékin, totalement au soutien de l’engagement de ses athlètes.
"Il n’y a pas d’épreuve sur le gros tremplin. L’année dernière, pour la première fois aux Championnats du monde (à Oberstdorf en Allemagne), il y a eu une épreuve sur le gros tremplin, a expliqué Jérôme Laheurte le directeur de l’équipe de France de saut et combiné nordique. On espère bien évidemment qu’il y aura aussi une épreuve sur le grand tremplin aux prochains JO et une parité quasi parfaite."
Pagnier: "Beaucoup beaucoup d’inégalités dans notre sport
Joséphine Pagnier, l’autre sauteuse française qualifiée pour l’épreuve individuelle qui sera disputée ce samedi (12h35), a également abordé le sujet polémique de cette absence de parité aux JO de Pékin, et plus généralement dans sa discipline. Si bien que l’athlète de 19 ans a rejoint un mouvement pour promouvoir l’égalité dans le saut à ski "The girls want to fly".
"J’ai rejoint ce mouvement parce qu’il y a beaucoup beaucoup d’inégalités dans notre sport et j’aimerais que cela change, a lancé la médaillée d’argent des derniers Jeux olympique de la Jeunesse. Notamment que l’on ait des épreuves de vol à ski et aussi que l’on ait les mêmes épreuves que les hommes aux Jeux olympiques. Et plein plein d’autres choses qui ne sont pas égales."
Et la cadette du duo de sauteuses tricolores engagées à Pékin de détailler: "C’est vrai qu’il y a plusieurs domaines dans notre sport où il y a encore beaucoup de différences entre les garçons et les filles. Par exemple, le nombre d’épreuves aux Jeux olympiques, le salaire, le vol à ski, le nombre d’épreuves aussi sur la saison qui est un petit peu moins important que pour les garçons."
Bientôt le vent du changement?
Derrière l’adhésion de Joséphine Pagnier au mouvement The girls want to fly", porté notamment par les stars de sa discipline comme la championne olympique norvégienne de Pyeongchang Maren Lundby, se trouve la volonté de rapidement faire évoluer les choses dans le saut à ski.
"Cela montre que l’on est toutes motivées. En tout cas celles qui y sont. On est motivées pour que les choses changent et surtout pour qu’ils voient que l’on est capables d’être aussi fortes que les garçons, a conclu la Française de 19 ans. Qu’ils voient aussi un peu comment cela se passe pour les autres sports. C’est pour qu’il y ait une prise de conscience."
Un besoin de changement partagé par l’encadrement tricolore, comme l’a confirmé Damien Maitre: "Ce sera l’un des combats majeurs, a assuré l’entraîneur de l’équipe de France féminine de saut à ski. On a un athlète qui se présente en tant qu’athlète représentant pour les Jeux olympiques et j’espère qu’il défendra aussi cette cause de la parité pour qu’il y ait le gros tremplin dans quatre ans en Italie."
Si le saut à ski figurait déjà au programme des premiers Jeux olympiques d’hiver en 1924, il a mis 90 ans avant d’avoir son épreuve féminine lors des JO de Sotchi en 2014. Huit ans après le rendez-vous russe, les Jeux de Pékin doivent à nouveau servir de tremplin pour les sauteuses. Avec l’espoir d’une vraie parité d’ici les JO 2026 à Milan et Cortina d'Ampezzo.