Judo: la mise au point de Romane Dicko, désormais quintuple championne d'Europe

Romane Dicko s’est fait une spécialité de serrer ses adversaires au sol après les avoir jetées en makikomi (technique d’enroulement). En finale contre l’Israélienne Raz Hershko, elle avait raté son enchaînement. Elle croyait même que l’arbitre avait annoncé l’immobilisation. Elle a alors basculé son corps, changé de bras de contrôle, saisi le genou de la vice-championne olympique et cette fois-ci bien fignolé son affaire jusqu’au ippon.
Une petite phase technique qui a ravi sa coach Jane Bridge. En sortant du tatami, la Britannique l’a félicité spécialement pour avoir réussi cette manœuvre bossée depuis peu avec elle et Baptiste Leroy, son entraîneur au PSG. "C’est une tête de championne. Quand il faut hausser le tempo elle sait le faire", apprécie sa référente.
"Je me suis dit que ce n’était pas possible que l’arbitre décide de la fin du combat"
Sourire XXL, signe cinq avec les doigts puis accolade avec ses parents qui avaient ramené de pompons bleu-blanc-rouge. "Je voulais ramener cette 5e médaille d’or européenne. J’ai vraiment fait une belle journée. L’objectif était de ne perdre aucune séquence, de faire l’effort à chaque fois", a détaillé Dicko. Cette implication mentale de chaque instant est sortie de ses discussions avec son préparateur mental. C’est peut-être cette application qui a fait changer la journée.
Sa route a commencé par un enchaînement makikomi-immobilisation face à l’Israélienne Mishiner. Puis face à la Russe Ivanova, elle a montré un ko uchi-gari (petit fauchage intérieur) rare. Puis là-aussi terminé en contrôle au sol. C’est face à sa compatriote Léa Fontaine que le travail mental a fait basculer le combat. Malmené par sa compatriote qui l’a privé d’un kumi-kata efficace, tractée au lieu de tracter, Dicko se fait ligoter avec deux pénalités contre elle. Déclic: "Je me suis dit que ce n’était pas possible que l’arbitre décide de la fin du combat. J’avais l’impression de subir. Je me suis dit ‘vas-y, ouvre, livre-toi’".
Elle accélère et place son makikomi en accrochant un bout de cheville. L’arbitre donne un petit yuko qu’elle va garder comme un trésor en évitant la fatale troisième pénalité. "Ce ne lui arrive pas souvent d’être menée, remarque avec justesse Jane Bridge. Elle a montré qu’elle est capable de sortir de cette situation".
Une domination exceptionnelle en Europe
Depuis 2016 et un Euro cadettes à Vantaa en Finlande, Dicko n’a jamais perdu le moindre combat en championnat d’Europe. Tout compris cela fait 7 couronnes dont 5 en senior. Elle rejoint le cercle des quintuples vainqueurs continentaux. Elle y arrive dès ses 25 ans. "J’égalise mais certaines filles n’ont pas terminé leurs carrières. Elles sont encore en feu. Je ne me compare pas. Si je les bats tant mieux mais ça restera des grandes sœurs", pose-t-elle avec respect.
Ce samedi à Podgorica, Dicko a mis la manière pour confirmer qu’elle est, de loin, la meilleure lourde du continent. Le Vieux Continent c’est son jardin. Encore fallait-il le faire. Les tourments traversés après sa médaille de bronze olympique ont été de lourds partenaires. À l’écouter, ils semblent quitter son judogi. Comme elle l’explique, "elle avance".
Dans six semaines elle aura rendez-vous avec la Brésilienne Souza championne olympique et les Asiatiques pour le vrai test de sa saison: le championnat du monde. Elle visera une deuxième couronne après 2022. "On va continuer à travailler sur ses appuis dynamiques, des attaques des deux côtés, explique Jane Bridge. Elle a envie de faire du judo, de projeter. Avec cette mentalité ouverte d’esprit, d’apprendre, elle peut faire de grand progrès". En avant! Dicko ne se retourne plus.