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Judo: petits poids mais grosses ambitions mondiales pour Revol et Valadier-Picard

Romain Valadier-Picard (en bleu) au Grand Slam Paris 2022

Romain Valadier-Picard (en bleu) au Grand Slam Paris 2022 - Icon Sport

Luka Mkheidze, le médaillé de bronze de Tokyo, est en phase de reprise après une blessure aux ligaments croisés en début d’année. L’équipe de France envoie à Tashkent deux athlètes en moins de 60 kilos lors des Mondiaux de judo. Deux garçons aux parcours différents. L’expérimenté et revenant en équipe de France Cédric Revol, 28 ans. L’impétrant et junior brillant, Romain Valadier-Picard. Ils tenteront de prendre cette médaille planétaire qui fuit les Tricolores en super-légers depuis 1991 avec le regretté Philippe Pradayrol.

Cédric Revol, retour en force (Etoile sportive Blanc-Mesnil)

L’arrivée d’un petit Manoa vers la fin de l’été dans le foyer de Cédric Revol et de sa compagne, Lola, ex-judoka de haut-niveau, n’a pas trop bouleversé la préparation des Mondiaux de l’Isérois: "Jusqu’à Tashkent, j’ai la carte pour ne pas me lever la nuit, sourit-il. Je prends ça comme un bonus, une petite force supplémentaire."

Le moins de 60 kilos peut tenir une sacrée puissance de son parcours. En 2017, il devient le super-léger titulaire de l’équipe de France (défaite au deuxième tour des championnats d’Europe) puis retrouve l’ombre. Il réussit quelques belles médailles en tournois mais devant, Walide Khyar et Luka Mkheidze se battent pour la sélection olympique. Tokyo passé, il réussit un sans-faute: champion de France, bronze à Abou Dhabi puis bronze aux Europe 2022 à Sofia.

Cédric Revol (en bleu) lors des Championnats d’Europe de judo en avril 2022
Cédric Revol (en bleu) lors des Championnats d’Europe de judo en avril 2022 © Icon Sport

"Je mérite ma place pour ces Mondiaux, répète-t-il. Je veux briller, aller remporter une médaille. Je savais qu’il fallait que je devienne plus fort pour revenir en équipe de France. C’est ça qui est excitant, d’avoir de nouvelles armes."

Plus carré et moins fougueux de son propre avis. Il a accroché quelques jolis scalps comme celui du Géorgien Chkhvimiani, champion du monde 2019, au bout d’une action pleine d’une farouche volonté de faire chuter. Le 29e mondial est le 3e français de la ranking-list derrière Mkheidze et Valadier-Picard, mais rien d’affolant dans la quête du Graal olympique.

"Après beaucoup d’années d’attente, j’ai faim", clame-t-il. Avec le sourire, il prévient le jeune Valadier-Picard: "C’est un très bon judoka qui arrive très fort. Il a un très bon état d’esprit, on s’entend bien. Je vais essayer qu’il reste le petit jeune encore quelques années et je lui donnerai la place dans quelques années."

Cédric Revol ne carbure pas à l’acrimonie d’avoir été laissé sur la touche. Il prend chaque compétition comme la montagne la plus élevée à grimper ou la piste la plus raide à dévaler. Ces Mondiaux 2022 seront remplis de pièges, sans camp de base protecteur. En bon skieur, Revol sait tout ça.

Romain Valadier-Picard, jeune et ambitieux (AC Boulogne-Billancourt)

Membre de la génération juniors surnommée "Forces spéciales" lorsqu’elle était coachée par Stéphane Frémont, Romain Valadier-Picard est déjà passé à l’étape au-dessus. A Paris en octobre et en juillet à Budapest, il a signé deux médailles de bronze dans ces tournois estampillés Grand Chelem, le must chez les grands. Si Cédric Revol sélectionne ses attaques avec minutie, RVP lance, beaucoup. C’est son petit péché, il l’avoue.

"Il a un judo gourmand, dit de lui Christophe Gagliano le patron des masculins. Il a envie de bien faire, il a une envie de perfection et cela peut le desservir à certains moments. C’est un gamin très exigeant vis-à-vis de lui-même, très cohérent, je pense qu’il a de très grosses ambitions."

Le boss ne se trompe pas. Le judoka de l’ACBB essaye de manger à toutes les tables. Deux médailles mondiales juniors et ses incartades réussies chez les seniors. Avec son mouvement signature, tai-otoshi (barre avec la jambe droite), il tient sa dague mortelle. Ce sera réjouissant de le voir face aux cadors de la plus petite catégorie comme le Japonais Takato, champion olympique.

"Je n’ai rien à perdre, tout à gagner, lance-t-il avant les Mondiaux à Tachkent. J’y vais avec envie, plus que tout. Ma carrière ne fait que commencer alors autant commencer fort." Si Cédric Revol a fini ses études, Romain Valadier-Picard est en plein cursus en école d’ingénieur.

Bachelier mention très bien, il a obtenu à la demande de sa mère, médecin, une chambre individuelle à l’Insep pour ne pas être dérangé dans ses révisions. Là-aussi il vise haut et parle d’un avenir dans les biotechnologies. Numéro 21 mondial, ce petit gabarit peut sembler un poil frêle face aux mastards de l’Est. Au printemps, il a un peu lâché le tatami pour trois mois de préparation physique afin de mettre ce corps au niveau réclamé par les compétitions seniors. Romain Valadier-Picard est pressé. Il sait très bien que pour ce galop d’essai dans un grand championnat il y a beaucoup à gagner: "Je me suis rendu compte que c’était les avants-derniers Mondiaux avant les JO, si je veux espérer faire les JO faut que je performe." Le rendez-vous est pris.

Morgan Maury