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Judo: "Une seule équipe de France avec les mêmes maillots", le président de la Fédération salue l’accord avec Riner pour les judogis

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Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo, a réagi pour RMC Sport ce mercredi à l’annonce d’un accord avec Teddy Riner autour de l’équipementier de l’équipe de France. Le triple champion olympique portera le même judogi que les autres athlètes de France Judo.

Stéphane Nomis, quelle est votre réaction après cet accord entre la Fédération de judo et Teddy Riner concernant le judogi? Est-ce du soulagement ou finalement acter un choix logique?

En un, je suis très heureux de la décision de Teddy. On ne va pas se le cacher, je suis très très content. Après cela reste un choix logique dans mon objectif à moi qui est de souder une équipe de France. Teddy, c’est le capitaine de l’équipe de France, il est exemplaire depuis des années. Je sais qu’il était attaché au maillot bleu, il a été porte-drapeau de la France. On a eu de longues discussions mais elles ont toujours été constructives. Pour moi c’est vraiment une super nouvelle dans la projection et dans l’ambition que j’ai pour la Fédération française de judo pour le futur.

Concrètement, quelles concessions ont été nécessaires de la part de l’instance et de Teddy Riner pour parvenir à cette solution?

Non, on a eu aucune concession à avoir. Teddy est athlète de la Fédération depuis très longtemps. Il est en convention avec la Fédération depuis très longtemps. Dans cette convention, depuis 2018 il avait le droit de porter un équipementier sportif différent du nôtre. Il avait Under Armour après il a eu Fight Art. Les sommes en jeu dépassent les sommes que pouvait lui proposer la Fédé de judo ou que lui aurait proposé la Fédé de judo donc il avait fait son choix et c’est normal.

Pour nous, Teddy c’est une personne qui a permis à la Fédération de grandir et qui nous a aussi fait découvrir de nouvelles choses. On avait eu David Douillet mais il n’y avait pas encore tous ces médias à son époque. Cela a été un grand champion mais il n’y avait pas tous ces médias. Teddy, c’est deux fois plus de médailles et des sommes dépensées par ses partenaires qui sont gigantesques par rapport à notre monde du judo. Donc c’était difficile. On a essayé, mes prédécesseurs ont essayé différentes voies. C’est normal d’essayer. Et c’est plus difficile, c’est pour cela que c’est hyper respectable de la part de Teddy d’avoir pris le parti de revenir en arrière. Concéder un acquis alors qu’il sait très bien que la Fédération ne pourra jamais lui donner les montants de Under Armour ou de qui que ce soit. Il a fait ce choix car il a vu que la situation était compliquée, que l’on a essayé quelque chose qui n’a pas marché et que sinon cela mettrait à mal la Fédération. J’ai essayé de lui expliquer que quand il était athlète chez les cadets et juniors, il était bien content de mettre le judogi Adidas. C’est vrai et il a toujours fait preuve de bonne volonté et on a réussi à trouver un accord. Mais pour lui, le maillot est important et pour nous aussi. L’équipe de France c’est hyper hyper important et au sein de la Fédération on n’a pas beaucoup de sponsors.

Quels sont ces sponsors de la Fédération française de judo?

Aujourd’hui, on a un seul sponsor qui est le Crédit Agricole. Et on a un équipementier qui est Adidas. Et voilà, aujourd’hui ce ne sont pas des sommes colossales et cela ne représente pas grand-chose dans notre budget. Donc je suis hyper content que Teddy Riner revienne parce qu’en termes de principe de solidarité, ce qu’il montre aux jeunes c’est incroyable.

En quoi était-ce important pour la Fédération d’uniformiser la tenue des judokas de l’équipe de France ?

Un, on n’a pas beaucoup de sponsors, je le rappelle. Et les sponsors qui sont avec nous, ils nous permettent de sortir toute l’équipe de France. Que cela soit l’équipe de France olympique, paralympique ou toutes les catégories d’âge. Les cadets, les juniors, les seniors, garçons et filles, ils sont tous équipés par Adidas. Pour nous, si on perdait Adidas c’est beaucoup d’argent que l’on perdait et cela mettait à mal… On n’aurait pas pu subvenir aux besoins de tous les athlètes et on aurait dû limiter encore plus les voyages. On aurait dû faire des choix.

Est-ce pour cela que c’était plus simple de convaincre Teddy Riner de mettre fin à son exception plutôt que d’en faire une autre pour Clarisse Agbégnénou?

Eh bien oui! De toute manière, moi je suis pour une seule équipe de France avec les mêmes maillots. Il n’y a pas de sens à avoir un maillot différent. Cela voudrait dire que l’on traite différemment les champions des non-champions. Quand on parle d’équité c’est aussi dans l’autre sens, c’est dans tous les sens. Les champions pourraient vendre leur marque et leur image et les non-champions auraient moins de choses? On est quand même une Fédération non-professionnelle, dite amateur même si les athlètes s’entraînent de manière professionnelle. Que tout le monde ait le même maillot et que tout le monde puisse avoir les mêmes chances de réussite, c’est très important pour moi.

Comment France Judo compte-t-elle aider les athlètes non-professionnels à être rémunérés ? Parce que finalement, la problématique liée au judogi et à l’équipementier personnel des sportifs est liée à cette question…

Je rappelle que l’on donne quand même beaucoup. On a des conventions avec beaucoup d’athlètes. On est un sport amateur, c’est-à-dire que l’on paye les déplacements de tous les athlètes, on paye l’équipementier, on paye l’INSEP, on paye les études. On paye quand même beaucoup de choses. Au final ce ne sont pas des petits montants. Donc nous ne sommes pas dans une Fédération comme l’Athlétisme où les gens sont livrés à eux-mêmes et se débrouillent. Nous, on aide tout le monde. Nos cadets et nos juniors sont dans des pôles Espoirs ou des pôles France. Et les seniors sont à l’INSEP et on a qu’une seule équipe de France où on s’occupe de tout le monde.

Voilà l’objectif de la Fédération, de France Judo. On trouve aussi des partenariats que l’on développe avec des partenaires privés pour que l’on arrive à financer des athlètes. On a aussi des partenaires étatiques et je pense par exemple que dernièrement on a signé un beau partenariat avec l’armée qui soutient nos athlètes et qui soutient la Fédération par l’intermédiaire des athlètes. Mais en premier lieu, elle soutient la Fédération et les valeurs du judo. Après on met en place des partenariats entre des athlètes et l’armée. Et ça on le fait aussi pour d’autres sociétés. On aide aussi à travers le pacte de performance de la fondation du sport. Cela permet de financer les athlètes. On fait le maximum et on essaye de développer au maximum pour améliorer le quotidien de chaque athlète. D’ailleurs on a lancé cette année une ligue professionnelle, la Judo Pro League, qui je l’espère va nous permettre de rémunérer à terme les 300 sportifs de haut-niveau que l’on a dans le judo. On comprend les besoins des athlètes d’être rémunérés, on est dedans et Teddy par exemple est toujours dedans car on doit évoluer. La réponse que l’on fait via l’aide qui peut venir des sponsors ou de la Judo Pro League cela va permettre de rémunérer les athlètes et faire qu’ils puissent subvenir à leurs besoins pour s’entraîner sereinement. C’est tout l’enjeu d’avoir créé cette Judo Pro League. On a de grosses ambitions pour le judo français. On a eu beaucoup de médailles à Antalya (au Grand Slam entre le 31 mars et le 2 avril) alors que l’on n’avait pas toute l’équipe de France. On a eu des médailles chez les garçons et chez les filles. On a remis une dynamique et on va aller à Doha pour les Championnats du monde (7 au 14 mai). Après on aura les JO à la maison. C’est bien d’avoir une équipe soudée, avec les mêmes maillots et les mêmes avantages sans exception.

Cette problématique et polémique autour des judogis est-elle désormais derrière la Fédération ou est-ce que le sujet reviendra sur le devant de la scène après Paris 2024?

Celui qui veut combattre avec l’équipe de France, il combattra avec la tenue de l’équipe de France. Il n’y a pas de sujet. Après, quand ils font leurs compétitions avec les clubs, ils combattront avec les tenues des clubs. C’est un autre sujet. Nos plus gros concurrents, le Japon, ils combattent tous avec une seule marque qui est Mizuno. On ne va pas se mentir. Avec Mizuno, une entreprise japonaise.

Avez-vous eu Clarisse Agbégnénou avant de valider ou d’officialiser l’accord avec Teddy Riner pour lui expliquer les choses ou la prévenir?

Les discussions avec Teddy Riner, elles ne concernent que Teddy Riner. Les discussions avec Clarisse Agbégnénou, elles ne concernent que Clarisse Agbégnénou. Celles avec les autres athlètes concernent les autres athlètes. On est très respectueux de la confidentialité de nos accords avec chacun d’entre eux et c’est logique.

Envisagez-vous à terme de consulter les athlètes de l’équipe de France dans les discussions avec un nouvel équipementier?

L’équipementier de la Fédération, il appartient à la Fédération. Ce ne sont pas les athlètes qui vont choisir l’équipementier de la Fédération. Chacun à son rôle, chacun sa place quand même. En-dehors de l’équipe de France, ils peuvent faire ce qu’ils veulent mais en équipe de France on a un équipementier.

Avant de signer les conventions… À date, tout le monde a signé sa convention sauf Clarisse Agbégnénou. Mais en fait, on les a consultés les athlètes. Ils sont venus avec deux représentants pour signer les conventions. C’était Amandine Buchard et Reda Seddouki. Et ils nous ont fait changer des choses. Ils sont venus avec des propositions. Ce qui était logique pour nous ne l’était pas forcément pour eux et on a changé. On a compris leur logique et on a changé des choses. On discute avec eux, ils ont des représentants. On est une Fédération bienveillante avec nos athlètes, on a envie qu’ils réussissent. On les respecte. En fait, on les consulte même si j’ai dit non on les consulte.

L’objectif reste de faire briller l’équipe de France dans les compétitions…

Oui! Pour eux comme pour nous. Évidemment que parfois on n’a pas les mêmes sujets car on les entraîne mais on les sélectionne aussi. On a parfois deux visages différents et cela peut les agacer. Mais au final on est quand même dans la même équipe de France, pour que tout le monde gagne.

Propos recueillis par Jean-Guy Lebreton