Jo 2024 J-500: "Ici, je ne m’en rends pas trop compte de la pression et de l'attente", sourit Leon Marchand, qui se prépare aux Etats-Unis

Et si c’était lui la star des Jeux olympiques de Paris en 2024 pour l’équipe de France? A 500 jours des JO de Paris, le regard de Léon Marchand n’est pas encore totalement tourné vers la Paris La Défense Arena où se dérouleront les épreuves de natation. Mais vers Minneapolis où il va disputer du 22 au 25 mars avec son université d’Arizona State les finales du championnat universitaire NCAA. La "march madness" avant la folie olympique pour le Toulousain de 20 ans (il aura 21 ans en mai). L’étudiant en informatique s’est parfaitement adapté à sa nouvelle vie américaine. Dans un groupe d’entraînement d’une incroyable densité, et loin des attentes grandissantes autour du nouveau phénomène de la natation française. Avec un entraîneur, Bob Bowman, qui a mené la légende Michael Phelps vers les sommets. Marchand au bon endroit au bon moment.
Ce début de saison est assez exceptionnel, avec plusieurs records universitaires battus, comment l'expliquez-vous?
C'est le travail qui paye. J’ai pris trois semaines de vacances après les championnats du monde et après je me suis remis au boulot début août aux Etats Unis. Et c'est vrai que depuis, j'ai super bien bossé, j'ai réussi à bien équilibrer ma vie, entre guillemets, entre les études et la natation. En décembre, on a fait une grosse période de travail parce qu'on n’avait pas cours et je pense que j'ai beaucoup progressé.
Est-ce que vous pouvez nous parler de cee qu'on appelle donc la "march madness", les finales des championnats universitaires américain?
J'ai fait les championnats du monde, et les NCAA c'est encore autre chose... (rire) C’est le fait d'être par équipe qui fait la différence, je pense. Il y a beaucoup d'ambiance, parce qu'en fait tout le monde se sent concerné par chaque course. Vraiment sur chaque course on a quelqu'un qui va nager et il va falloir le pousser pour qu'il puisse rapporter des points, pour qu'il puisse lancer la dynamique de l'équipe. Après, les relais c'est trop bien… Ce qui est impressionnant avec les relais c'est que dans les quatre nageurs qui vont le constituer, les mecs sont en finale mondiale aussi deux ou trois mois après. Donc c'est quand même le meilleur niveau de natation qui puisse se faire au final. C'est assez impressionnant! C'est aussi du petit bassin (25 yards) donc c'est plus fun à regarder. Il y a plus de virages, ça va plus vite, les courses sont moins longues, ça enchaîne. Il n’y a pas trop de temps d'arrêt. Les NCAA c'est vraiment la meilleure compétition que j'ai jamais faite.
Votre groupe d’entrainement s'est considérablement étoffé depuis la rentrée avec en plus des concurrents directs pour comme Chaze Kalisz, comment ça se passe et qu'est-ce que ça a changé par rapport à l'an dernier? Comment voyez-vous cette concurrence-là?
C'est trop bien! C'est trop bien et je ne m’en suis pas trop rendu compte quand je suis arrivé parce qu’aux championnats du monde j'étais avec ces nageurs, j'avais fait un stage en altitude avec eux. Mais au début du mois de février je me suis rendu compte qu'on était à l'entraînement on était six ou sept nageurs, et tous étaient médaillés aux championnats du monde ou aux Jeux olympiques. Et là je me suis dit, ah ouais quand même, c’est quand même une dinguerie de s’entraîner avec eux tous les jours. De pouvoir faire la course à l’entraînement, de voir comment ils abordent l’entraînement, les compétitions. Et puis ils sont cool! Ce sont mes potes maintenant. Et c'est vrai que c'est super cool de pouvoir s'entraîner avec eux. Et c'est aussi plus facile après de nager en compétition contre eux. Parce que c'est vrai que quand on est Français, on met un peu les Américains sur un piédestal. Pouvoir s'entraîner avec eux change les choses, je trouve ça cool. Et puis un mec comme Chase (Kalisz) il me pousse beaucoup à l'entraînement. Il est toujours très consistant et toujours bon en brasse donc il me pousse beaucoup.
Le risque d’une telle concurrence au quotidien, c'est aussi parfois de se cramer un peu à l'entraînement, à vouloir toujours être devant. J'imagine que Bob fait attention à ça aussi?
Oui, c'est clair. En fait, ce qui n’est pas facile avec ce groupe, c'est que s'il y a un moment je vais me lever et je ne vais pas me sentir bien, à l'entraînement je vais me faire éclater (il éclate de rire). Genre, vraiment! Il n’y a pas de seconde chance. Je n’ai jamais vu ça, Il y a un niveau vraiment incroyable à l'entraînement. Et ce n’est pas que les pros mais aussi les "freshmen", les premières années qui arrivent à l'université cette année. Et là cette année, c'est vrai que ça pousse quoi! Il y en a trois ou quatre qui, si moi j'ai un mauvais jour vont me pousser. Il y a beaucoup de diversité dans le groupe. Par exemple, quand on fait des séries en papillon, j'ai toujours un ou deux nageurs qui font la course avec moi. Pareil en dos, pareil en brasse, pareil sur le quatre 4 nages. Du coup, c'est complet.
Comment imaginez-vous ces 500 jours qui restent? Ca vous paraît long ou au contraire ça va arriver vite?
En vrai quand on est dans le système universitaire, on ne se rend pas compte de tout ça parce que j'ai des objectifs à court therme. Là par exemple, en janvier, on a eu un "dual meet" toutes les semaines ou toutes les 2 semaines. On s'entraîne pendant deux semaines, après on se teste avec des petites courses avec de la concurrence. Après on revient l'entraînement pour deux semaines, etc. Et du coup ça fait passer le temps super vite. Après les NCAA, je sais que le temps va ralentir un peu et je vais pouvoir me préparer tranquillement pour les championnats de France, puis pour les championnats du monde et après pour les Jeux. Donc oui je suis pressé d'arriver aux jeux, mais c'est vrai que je prends mon temps pour travailler et pour être meilleur, pour être plus prêt.
Est-ce que vous avez arrêté votre programme avec Bob Bowman pour les Jeux déjà ou toujours pas?
Non… (rire) Déjà, on essaie de savoir ce que je vais faire aux NCAA, après il va falloir qu'on réfléchisse à ce que je fais aux championnats de France et pareil aux championnats du monde puis aux Jeux. Mais on a quand même une petite idée. Aux mondiaux de Fukuoka je ne pense pas pouvoir faire le 200m brasse parce qu’il est juste avant le 200m 4n et ça tombe vraiment mal. Je pense que je ferai comme l’année dernière, les 200 et 400m 4n plus le 200m papillon. Et après, aux jeux de Paris ils ont rajouté deux jours donc j'espère pouvoir faire le 200m brasse aussi en plus. En tout cas j’aimerais nager le 200m brasse un jour ou l’autre et je vais surement le faire aux championnats de France. J’ai pas mal progressé en brasse en plus, donc ce serait cool.
Vous n'êtes pas revenu nager dans une compétition en France depuis un petit moment, et notamment depuis vos deux titres mondiaux. Vous appréhendez un peu le retour sur une compétition en France, avec votre changement de statut et les attentes autour de vous avant les JO à Paris?
Non, je suis hyper content de rentrer en France. Parce que j’ai ma famille, parce que j'ai mes potes et parce que ça me manque aussi. La France, ça manque. Et comme il faut que je me qualifie pour les championnats du monde il faut que je passe par les championnats de France. Il y a quand même pas mal de concurrence avec la nouvelle génération et c'est vrai que j'ai envie de voir ce que ça donne. Et puis ça met une compétition dans un endroit différent. La dernière fois que j’ai fait les championnats de France c’était avant Tokyo (2021), c’est vrai que ça date un peu. Je ne l’appréhende pas trop. Je sais qu'il y a de l'attente et pas mal de pression autour. Parce qu’ici en fait je ne m’en rends pas trop compte de tout ça. Je fais mon travail de mon côté. Mais c'est aussi bien de pouvoir me confronter à ça. C'est un peu aussi un challenge parce qu’il faut que je me prépare pour Paris où ce sera encore plus. Ce sera un peu le "next level" donc c'est plutôt un challenge et je suis content de rentrer en France, de représenter les dauphins du TOEC (son club de Toulouse) et de m'entraîner avec Nico (Nicolas Castel son premier entraîneur) aussi ça va être cool."
Bob Bowman sera là d’ailleurs aux championnats de France. Mais pas avec vous en équipe de France aux mondiaux. Ça change quoi?
Ça va être différent forcément, c'est une autre approche de la compétition. Mais en même temps pas vraiment, parce que Nicolas Castel, je me suis entraîné sept ou huit ans avec lui donc il sait comment ça marche. Bob et Nico communiquent pas mal. Avant les championnats du monde de Budapest l’an dernier il y a eu un petit feeling et ils commencent à comprendre chacun leur fonctionnement. Du coup ça va bien se passer ! Et puis moi je peux aussi me préparer super bien avec Nico. Je pense que Bob m'enverra quand même les entraînements, enfin, c'est ce qu'il m'a dit. Et puis on sera toujours en contact. Et à Fukuoka il ne sera pas loin et je pourrais très bien aller le voir et lui parler. Et puis je le connais Bob, il sera toujours là à me surveiller (rire). Il ne sera jamais trop loin il n’y a pas trop de soucis avec ça.
Être loin de la France, tranquille aux Etats-Unis loin des attentes qui vont grandir à mesure que les Jeux olympiques vont approcher c’est une bonne chose pour toi ?
Oui c'est exactement ça. L’université d’Arizona State, c'est vraiment mon lieu de travail. Que ce soit dans l'eau pour les entraînements et en cours pour mes études. On n'a pas trop le temps de faire autre chose ici. Mon diplôme me demande beaucoup de travail en dehors de la classe aussi, j'ai beaucoup de devoirs. Du coup c'est vrai que c'est rythmé et que les semaines passent super vite! Je n’ai pas trop le temps de faire autre chose. Même si je profite bien sûr de mes potes. En plus on est dans une maison cette année, donc c'est hyper cool et c'est un peu le folklore, ça se passe bien. Mais c'est vrai que les semaines passent très vite et je travaille beaucoup ici. J'ai une bonne productivité (rire) ! C’est vrai que je suis tranquille ici. Je me concentre vraiment sur ce que j'ai envie de faire, de m'améliorer dans ce que je sais faire, dans ce que je ne sais pas faire et d'apprendre encore plein de trucs tous les jours. Que ce soit en anglais, que ce soit au niveau social, que ce soit dans l'eau, que ce soit des virages... Enfin bref, il y a plein de trucs que j'apprends encore et ici c'est facile parce qu’effectivement il n’y a pas trop d'attente. Des médaillés aux championnats du monde ici il y en a plein. Il y en a une dizaine dans le bassin qui s’entraînent avec moi tous les jours. Donc c'est vrai que c'est c'est différent.
Vous étudiez dans quel domaine?
Je suis en "Computer Science", c'est de l’informatique en gros. Les deux premières années c'est un peu les généralités donc on apprend à coder, on apprend plein de langages différents pour coder etc… Mais dans les deux prochaines années je vais devoir me spécialiser soit en intelligence artificielle soit en cybersécurité, soit en développement de logiciels. Il y a plein de trucs.
Et donc la vie en université américaine, vous vivez dans une maison en collocation?
Oui on est tous nageurs là dans la maison, c'est un peu international. Il y en a qui viennent d'un peu partout. Il y a des Américains, il y a des Irlandais, il y a un Australien, un Portoricain… Il y a un peu tout. Mais c'est vrai que c'est cool et ça se passe bien. On est tous dans le groupe d’ASU, on fait les mêmes choses, on se lève tous à 5h pour aller à l'entraînement en même temps. Il n’y en a pas un qui reste à jouer aux jeux vidéo tu vois, c'est une bonne motivation d'être toujours avec des gens qui font la même chose.
Il y a les championnats du monde cet été on en parlait, et dans quelques jours la "march madness", les finales NCAA du championnat universitaire américain… C’est quoi le plus fou? De gagner un titre mondial ou une victoire aux NCAA?
Alors ça dépend… Un titre NCAA en équipe je pense que c'est plus fou qu'un titre individuel aux championnats du monde. Parce que je l'ai déjà fait la médaille d’or aux championnats du monde tout simplement. Je l'ai déjà vécu et c'était incroyable! Je ne dis pas que ce n’était pas incroyable, c'était vraiment une expérience de dingue. Mais là maintenant je cherche vraiment un truc par équipe cette année avec ASU parce que je pense qu’on peut le faire cette année ou l'année prochaine. Et puis par équipe, c'est vrai qu’on partage beaucoup plus de choses. Là je suis avec des nageurs que je vois tous les jours, 24h/24. Je m'entraîne avec eux, je fais les compétitions avec eux, je vais en cours avec eux. C'est vrai que gagner des courses ensemble, faire des relais, c'est un sentiment un peu différent, ça change un peu de la natation qui est quand même un sport très individuel. Je pense que dans une vie, c'est vraiment une bonne expérience de pouvoir gagner en équipe.
Mais du coup si le titre mondial c’est déjà fait… Un record du monde aux championnats du monde de Fukuoka ce serait plus fou non?
(rire) Ouais ça c'est encore autre chose! Ce serait une expérience de dingue. Mais ça, c'est pour la suite (rire).