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Natation: "Une nouvelle moi!", après l'argent olympique, comment Anastasiia Kirpichnikova a repris son chemin vers les Mondiaux

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Anastasiia Kirpichnikova s'est qualifiée pour les championnats du monde de Singapour (27 juillet-3 aout) sur le 400m nl et le 1500m nl. Avec l'absence de Léon Marchand dispensé et l'incertitude sur la suite de la carrière de Florent Manaudou, elle était la seule médaillée individuelle aux JO de Paris l'été dernier présente à Montpellier pour les championnats de France. L'élève de Philippe Lucas qui, après avoir longuement fêté sa médaille d'argent olympique, a eu une énorme frayeur en février dernier. Avant de reprendre le fil de sa carrière avec les yeux désormais rivés vers les JO de Los Angeles en 2028.

La médaille d'argent est exposée dans son appartement de Martigues. "J'ai mis une photo des JO avec mon bonnet, la combinaison et la médaille à côté, décrit Anastasiia Kirpichnikova. Ça fait un mini musée (rire). Et je le regarde tous les matins, tous les soirs. Je me dis "c'est moi qui ai fait ça!" Des fois j'oublie que j'ai fait ce travail pour avoir cette médaille. Mais c'est vraiment moi!"

Avant de la poser, elle l'a beaucoup célébrée. "J'ai fait la fête deux mois, lâche la nageuse d'origine russe et naturalisée il y a deux ans. Et c'est normal et il le fallait" Et encore la fête aurait pu durer plus longtemps s'il n'avait pas fallu replonger à la demande de son club pour les championnats de France en petit bassin fin octobre. 

Une période où son entraîneur Philippe Lucas l'a laissée tranquille. "C'était prévu qu'elle fasse une année vraiment tranquille, indique l'ancien mentor de Laure Manaudou. Et qu'elle reprenne normalement en janvier ou février. C'est une fille qui a énormément travaillé donc c'était normal qu'elle fasse une année tranquille."

"Tu dois arrêter ou tu vas mourir"

Mais alors qu'elle est de retour à l'entraînement à plein temps en février, Anastasiia Kirpichnikova est inquiète. "Je nageais bien j'étais très motivée, précise la nageuse qui fêtera ses 25 ans la semaine prochaine. Mais je sentais que j'avais des problèmes de cardio. J'étais tout le temps rouge après les séries, ma bouche était un peu violette. C'était bizarre et j'ai commencé à avoir un peu peur." 

Alors elle fait le choix de rejoindre sa famille en Russie pour y effectuer un bilan de santé. Et la visite chez le cardiologue va tout bouleverser. Il s'alarme devant la taille du cœur de la nageuse "Il m'a dit tu dois arrêter ou tu vas mourir." Elle répète une deuxième fois. "Il m'a dit directement "tu dois arrêter ou tu vas mourir pendant que tu nages"... J'ai commencé à pleurer, j'étais avec ma mère qui était choquée. J'ai pleuré pendant sept jours à me demander ce que j'allais faire et devenir. C'était très dur."

De retour en France elle réalise des examens à l'INSEP. "Le docteur m'a dit que tout allait bien ! Un docteur (en Russie) n'a pas le droit de dire ce genre de chose avec un seul examen. Mon cœur est énorme à cause de mon entraînement en natation. Il l'est beaucoup plus que la population normale."

Un mal pour un bien

Une énorme frayeur comme un déclic. "A ce moment j'ai compris que je voulais changer quelque chose dans ma vie pour être plus forte qu'avant. C'est une nouvelle période qui s'ouvre. Après ça, je suis revenue à l'entraînement et j'ai fait tout ce que me disait Philippe sans problème. Et je veux tout faire pour mes résultats. J'espère que ça paiera dans trois ans. "

Des mots constatés à son retour dans l'eau par Philippe Lucas. "On n'en a jamais parlé, mais je pense que là elle a compris l'importance de la natation pour elle. On lui a dit tu ne pourras plus nager, c'est fini, t'as un cœur de quatre-vingt-dix piges. Je pense qu'elle a pris peur et qu'elle a surtout pris conscience de ce que représentait la natation pour elle. Ça a été un mal pour un bien. Elle a vraiment pris conscience."

Délestée de quatre kilos, Anastasiia Kiprichnikova a retrouvé une motivation et une implication à l'entraînement qu'elle avait progressivement perdues à l'approche des Jeux de Paris. "Une année très difficile" admet Lucas." C'était dur mentalement, poursuite la nageuse licenciée à Montpellier. Des fois je pleurais dans l'eau. Je disais, les JO dans un mois mais je n'arrive pas à nager. J'arrivais à côté du bassin et je commençais à pleurer parce que je n'avais pas envie de plonger dans l'eau pour faire encore 10 km. Je ne sais pas comment j'ai réussi à faire cette deuxième place... Enfin si je sais j'ai beaucoup travaillé." Et de conclure : "Aujourd'hui c'est une nouvelle moi !"

Anastasiia Kirpichnikova a levé pied sur les soirées. "Je sors bien sûr, mais je me suis beaucoup, beaucoup calmée par rapport à avant. Hier par exemple (ndlr: à la fin de ses épreuves des championnats de France) je suis sortie, mais j'ai seulement pris un mojito sans alcool et je me sentais bien au réveil ce matin! C'est beaucoup mieux que faire la fête et boire beaucoup! Je préfère ma vie maintenant comme ça un peu plus tranquille mais je suis en forme pour nager dans les prochains jours au lieu d'arriver morte."

"C'est maintenant ou jamais"

Si Philippe Lucas demande à voir dans le temps. "Cet été elle va mettre un coup de première on ne va pas rester comme ça. Ne t'inquiète pas, elle va repartir sur des bons rails! Mais c'est comme ça. Tu ne peux pas l'empêcher de sortir parce que déjà elle à 25 ans bientôt. Et puis qu'est-ce que tu vas lui dire? Tu ne sors pas? Ce serait une erreur parce qu'elle a besoin de ça. Elle est comme ça, qu'est-ce que tu veux que je te dise... Si toutes les finalistes olympiques se mettaient ce qu'elle a pris, je peux te dire qu'elle gagnait avec trente mètres d'avance! Moi ce que je lui demande c'est d'être sérieuse et impliquée à l'entraînement. Après le reste, elle fait ce qu'elle veut." 

Parti trois semaines en stage en altitude en Arménie, seule avec des membres du staff Lucas qui se relayaient, elle a débarqué à Montpellier pour les championnats de France dans l'inconnue sur son niveau. Après une première qualification sur le 400m le premier jour, elle s'est totalement libérée sur le 1500m et réalisé la cinquième performance mondiale de l'année (15mn55s27c). "Je suis déjà contente d'être qualifiée car c'était ça mon objectif il y a un mois et demi et Philippe aussi pensait que je n'allais pas me qualifier. Je suis déjà fière de moi de faire ce bon chrono sur le 1500m. L'année dernière j'avais nagée moins vite alors que j'étais en forme. Ca veut dire que je peux faire quelque chose aux championnats du monde."

Anastasiia Kirpichnikova a le regard tourné vers les championnats du monde à Singapour du 27 juillet au 3 aout prochain. Et même un peu plus loin. "Le temps est passé très vite! Ça fait déjà un an que les JO ont eu lieu j'ai l'impression que c'était hier. Et il ne reste que trois ans avant Los Angeles. Donc c'est où maintenant ou jamais."

Julien Richard