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"On a une meilleure version de Phelps avec lui", Bousquet se confie sur la Marchand-mania avant les finales NCAA

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Plongé dans l'univers particulier des finales NCAA au début des années 2000, Fred Bousquet raconte à RMC Sport cette expérience "hors du commun" qu'il a vécu par-delà l'Atlantique. L'ex-nageur se montre aussi dythirambique au sujet de Léon Marchand, devenu phénomène mondial grâce à une aventure américaine qui lui sera bénéfique en vue des JO de Paris.

Fred Bousquet, est-ce que vous pouvez nous raconter vos souvenirs des finales NCAA?

C'était juste incroyable. De vivre des moments aussi intenses, avec l'ensemble de l'équipe universitaire d'Auburn. En 2003, on avait un peu créé la surprise en remportant le titre la première année où je suis arrivé. C'était juste phénoménal de pouvoir vivre ça de l'intérieur. C'est, à titre comparatif, ce que tu peux ressentir quand tu vis les Jeux olympiques pour la première fois. Quand tu rentres à la maison, tes parents, tes proches, tes amis, tous te demandent: alors, comment c'était? Bah, c'est magique, c'est un peu hors du commun. C'est quelque chose de véritablement unique en termes d'expérience humaine et sportive. C'est une compétition par équipe, donc tu ne nages pas pour toi, tu nages pour ton équipe, pour ton université pour amener un maximum de points à tes coéquipiers. C'est c'est ça qui rend la chose si belle. On sort complètement de l'aspect sport individuel qu'est la natation à la base.

Il y a des choses que tu vois très rarement en compétition, ce sont les groupes de supporters qui viennent spécialement t'encourager et suivre ton université. Dans les gradins, tu as une quarantaine ou une cinquantaine de parents, amis, proches. Ils viennent, ils sont tous habillés aux couleurs de l'université, s'organisent dans les tribunes pour faire des chants, des tenues, des pancartes... Quand tu montes sur le plot, tu n'as pas du tout l'impression d'être seul au monde. Tu as l'impression d'être cent à nager.

Une finale NCAA, c’est quelque chose que l’on ne connaît pas vraiment en France. Pouvez-vous nous décrire à quoi cela ressemble, en terme d’ambiance, d’énergie, d’équipe, de pression...

Ca dure sur trois jours. Tu enchaînes un nombre de courses assez impressionnant. Le niveau de performance est très, très relevé dès le matin. Si tu ne te qualifies pas en en finale A ou en finale B, tu rapportes zéro point pour ton équipe. Ce n'est pas ce que tu veux. Donc l'intensité est là dès le matin. A mon époque, les séries commençaient vers 10h30. Et pour autant on se levait vers 5 heures, on allait une première fois à la piscine faire un "wake up swim" aux alentours de 6 heures. Pour réveiller le corps, l'activer un peu et qu'on soit déjà dans l'atmosphère physique des finales. L'intensité commence dès 6 heures du matin, tu te réveilles en équipe, tu sors, tu vas dans le bus avec tes coéquipiers... Chacun est avec l'autre, on s'encourage. On a les les cris de guerre, les chants qui nous animent. Tu as une atmosphère incroyable.

Quelles sont les spécificités du bassin de 25 yards? On dit parfois que ce n’est presque pas le même sport...

Ca a la particularité d'être vraiment explosif. Ca se rapproche énormément du bassin de 25 mètres. Il n'y a que 1,40 m ou 1,60 m d'écart. Évidemment, c'est encore plus dynamique et explosif qu'en bassin 25 m. Ça explose de tous les côtés, ça rebondit. Tu as encore moins la place à l'erreur, à la possibilité de te louper et de rattraper. Tu as des gars qui nagent quasiment aussi vite en pap' que d'autres en crawl. Ça bouillonne de partout, c'est juste phénoménal à voir. C'est vraiment quelque chose de particulier. On peut presque dire que c'est un autre sport.

Comment voyez-vous le parcours de Léon Marchand en universitaire? Qu’est-ce qui vous impressionne le plus dans ce qu’il fait?

Sur son parcours, il n'y a rien à dire. Je ne connais pas son niveau scolaire, mais il suffit juste d'écouter le niveau de ses interviews et la manière dont il a de répondre aux différentes questions... Cette manière de s'exprimer, son calme, son intelligence de course à tous les niveaux, son intelligence en tant qu'athlète... Il ne doit pas avoir de difficultés.

Et sur le plan sportif, c'est juste idéal. Il est en train de réaliser un sans-faute. Il arrive à être performant sur toutes les courses qu'il aborde. Même celles sur lesquelles on pourrait imaginer qu'il soit un peu moins à l'aise. Mais non. Les 500 yards il y a deux semaines l'ont prouvés. Le gars te claque un record NCAA alors qu'il n'est pas spécialiste de cette distance à la base. C'est juste incroyable. Quand on parle de Léon, on reparle de Phelps. Et la comparaison est trop facile. Moi, j'aime me dire qu'on a une meilleure version avec Léon. Déjà parce qu'il est Français, mais aussi parce qu'il est beaucoup plus ouvert, beaucoup plus humain, beaucoup plus abordable. J'aime le voir évoluer dans dans ce milieu-là.

Ce qui m'impressionne le plus, c'est son temps qu'il a fait l'an dernier au NCAA. J'ai toujours pris Léon pour un nageur de 200 m et 400 m 4 nages principalement, 200 m brasses également, 200 m papillons... Et puis je l'ai vu claquer un 18 et des brouettes dans le relais 4x50 crawl. Là je me suis dit: non seulement le gars tient la distance, mais en plus il a l'explosivité et le talent des sprinteurs. Je ne suis pas sûr qu'un Phelps à son époque ait été capable de lâcher un 18 secondes sur un 50 yards, même en relais.

Léon Marchand a fait le choix de rester universitaire cette année alors qu’il aurait pu passer "pro". Comment analyez-vous ce choix?

Je comprends tout à fait le choix. Il faut rappeler que la ligue NCAA est une ligue 100% amateur. Tous les nageurs qui sont en université ne sont pas supposés avoir des revenus extérieurs liés à des partenariats ou des sponsorings. Lui a fait le même choix que bon nombre de nageurs américains. Il s'est complètement américanisé sur le principe. Gagner de l'argent, évidemment c'est toujours intéressant. Mais vivre ce qu'il a vécu ces trois premières années... Bah, qu'il continue de vivre ça! C'est quelque chose de tellement particulier et unique. Rien ne vaut la perdre de s'en priver.

Qu’est-ce que les NCAA lui apportent en vue des JO? D'autant qu'il n'aura pas beaucoup nagé en grand bassin avant les JO...

C'est une très bonne répétition avant des Jeux olympiques, de faire face à cette adversité, à cette intensité de la compétition. C'est peut-être très proche de celle qu'il va vivre aux Jeux. C'est vrai qu'on a pour habitude en France de s'inquiéter... Préparer une compétition en grand bassin et ne pas s'entraîner en grand bassin, ce n'est pas quelque chose dont les Américains se préoccupent, par exemple. Je pense qu'il aura largement le temps de se régler, de se réadapter au grand bassin et de faire quelques sorties en grand bain. Il n'y a absolument rien de négatif au fait qu'il se soit entraîné en yards la majeure partie de cette saison. Au contraire. Je n'ai aucune inquiétude sur le fait qu'il n'ait pas fait de sorties majeures en bassin de 50 m depuis le début de la saison. Ce n'est pas bien grave, ça ne l'empêchera pas d'être encore un phénomène cet été.

Propos recueillis par Julien Richard (avec Romain Daveau)