Léon Marchand en finale NCAA à Indianapolis: pourquoi le nageur français n'a pas modifié ses plans sur cette année olympique

Il faut encore un peu d'imagination pour se dire que la piscine de l'université d'Indiana va se transformer en chaudron incandescent. S'imaginer "le sol qui tremble pendant les relais", comme l'assure Tommy, nageur du Missouri croisé dans le hall vide. Une piscine posée au milieu de l'immense campus universitaire où seuls les parkings pleins indiquent une présence humaine.
Drôle d'endroit pour une drôle de compétition. Loin de ce que l'on connait en France. Des courses disputées dans un bassin de 25 yards, soit 22,86m. Une compétition par équipe où chaque nageur marque des points pour son université. "Je ne nage pas que pour moi", raconte Léon Marchand. "Je nage vraiment pour quelque chose de plus grand: je nage pour l'équipe!"
La "Marchand Madness"
Le Français va disputer ses troisièmes finales NCAA avec l'université d'Arizona State (ASU). "Une compétition incroyable avec beaucoup d'ambiance et d'énergie", assure-t-il avec émotion. Et en trois années universitaires, le petit Frenchy sous les ordres de la légende Bob Bowman a déjà tout raflé avec cinq titres individuels et les records NCAA sur quatre courses (500 nl, 200 et 400 4 nages et 200 brasse). Il est l'attraction de ce que le petit monde de la natation US a renommé la "Marchand Madness", référence aux phases finales de tournoi universitaire de basket appelée "March Madness", la folie du mois de mars.
Un cadre atypique qui semble aller comme un gant au Toulousain. Dès sa première saison outre atlantique, Léon Marchand a décroché deux titres individuels en NCAA avant remporter ses deux premiers titres mondiaux à Budapest à l'été 2022. Rebelote l'an dernier avec une razzia universitaire pour celui qui est resté invaincu sur l'ensemble de la saison, soit 26 courses au total et trois titres individuels (assortis de trois records), avant de s'octroyer le triplé mondial quatre mois plus tard à Fukuoka au Japon. Pas de raison donc de modifier ses plans, même quand l'objectif de l'été est estampillé "Jeux olympiques"... Et en plus à Paris.
"Se confronter aux meilleurs du monde dans ce championnat universitaire c'est une bonne énergie et une bonne dynamique", analyse Nicolas Castel son entraîneur à Toulouse et qui a passé plusieurs séjours à Tempe dans l'Arizona. "C'est quelque chose qui lui a bien réussi donc il a gardé le même schéma, le même plan. S'amuser sur la première partie de la saison." Et de préciser: "S'amuser, c'est aussi performer!" "C'est toujours bien d'avoir un bon niveau en mars dans cette compétition", poursuit Jacco Verhaeren, le directeur de l'équipe de France. "Ça lui donne une bonne base pour les compétitions en bassin de 50m. Il a les qualités pour faire les deux et ça c'est plutôt rare. Il y a beaucoup de nageurs qui sont très performants en yards, ou en bassin de 50m. Lui peut faire les deux. Ça montre son excellence."
Comme d'habitude donc, Léon Marchand compte briller avec le bonnet de bain frappé du trident d'ASU sur la tête. L'étudiant en informatique passera ensuite ses examens, prendra un peu de repos avant partie en stage en altitude à Colorado Springs pour préparer la dernière ligne droite vers Paris. "J'ai l'impression que Léon s'éclate dans les compétitions universitaires", observe avec un brin de nostalgie Sébastien Rouault dernier Français à s'être imposé, avant Léon Marchand, en individuel dans une finale NCAA (trois titres en 2006 et 2008). "Ça lui permet d'avoir un groupe d'entrainement fort, des compétitions régulières et de qualité dans la saison et surtout de bénéficier de l'esprit d'équipe au quotidien."
Un élément décisif dans ce choix du Français de rester dans les rangs universitaires. "J'aurais pu par exemple passer professionnel cette année pour justement être plus focus sur les Jeux", détaille Léon Marchand. "Pour nager un peu plus en grand bassin, changer un peu mon année pour être plus préparé pour les Jeux. Mais j'ai décidé de refaire les NCAA parce que justement ça m'occupe l'esprit. Toutes les deux semaines j'ai eu des "dual meet" (compétitions entre deux universités ndlr) avec beaucoup d'intensité. J'étais toujours dans une vraie équipe et c'est hyper stimulant pour moi."
Et qui permet - "c'est un peu le but aussi" avoue-t-il - de tenir Paris "toujours dans la tête" mais encore "éloigné grâce à toutes ces compétitions". Et de faire trembler le sol de piscine d'Indianapolis où il compte mener son université d'ASU vers un premier titre historique de champion universitaire: "On est les favoris, ça va être un spectacle!"