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La Rochelle : "On pourrait en faire un film", savoure la révélation Matthias Haddad après le sacre européen

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Révélation rochelaise de la fin de saison, monstrueux en finale de Champions Cup face au Leinster, où il a parfaitement compensé le forfait de Victor Vito, Matthias Haddad confirme tous les espoirs placés très tôt en lui. Champion du monde à 18 ans, champion d’Europe à 21, le flanker né et formé à La Rochelle se confie à RMC Sport avant la folle fin de saison de Top 14 et ce déplacement capital dans la course au doublé, à Lyon, dimanche (dernière journée, 21h05).

Matthias, vous sembliez totalement possédé dimanche, lors de la parade sur le Vieux Port. Vous, l’enfant du club…

J’étais spectateur quand les joueurs avaient paradé sur le port (en 2014, pour la montée en Top 14, NDLR). Depuis tout petit, c’est le genre d’évènement qui me donne envie d’y être. Le fait d’avoir la chance d’être sur ce bus dimanche… Forcément, j’essaie d’en profiter le plus possible. Cette communion avec les Rochelais était puissante et indescriptible. Franchement, je n’ai même pas les mots pour décrire ce soutien qui de, jour en jour, est de plus en plus impressionnant. On ne réalise jamais à quel point ils sont derrière nous.

On vous a vu haranguer la foule, faire des cœurs avec vos doigts. Qu’avez-vous ressenti ?

C’était clairement de l’amour. Tout ce peuple… On nous parle de 35 000 personnes présentes. Le port, c’est un endroit que je fréquente assez souvent. J’aime bien m’y promener, aller prendre mon petit verre toujours au même endroit. Ces lieux-là, les voir bondés de monde parce que t’as gagné un match de rugby, c’est fou, inespéré. Quand j’y repense, je me dis que c’était un rêve, que c’était un des plus beaux moments de ma vie personnelle. J’ai du mal à réaliser. Quand je vois les vidéos, les photos, je suis comme un fou !

Le groupe a bercé dans une bulle euphorique jusqu’à mardi soir…

Ce qui est beau, c’est d’avoir un groupe fort. Que des potes. Demain, je peux manger avec n’importe quel joueur. Ça rend l’histoire encore plus belle. L’année dernière, on perd deux finales, on est au fond du trou, on se dit que ça ne nous arrivera peut-être plus jamais et, là, on se retrouve en finale face au Leinster, l’ogre de la compétition. Tout le monde nous voit perdants. Et, au final, on est là avec nos supporters à y croire et à pousser pour espérer voir quelque chose de magique. C’est ce qu’il s’est passé. On pourrait en faire un film tellement c’était incroyable.

"Il y a deux mois, je recevais un appel pour partir en prêt à Bourg-en-Bresse…"

Et à titre personnel, le fait d’être champion d’Europe à 21 ans ?

Je n’ai pas toujours vécu les meilleurs moments de ma vie cette année. Il y a deux mois, je n’aurais jamais pu y croire, je recevais un appel pour partir en prêt à Bourg-en-Bresse. Et, là, je me retrouve à jouer une finale de Champions Cup, titulaire ! Vous imaginez ? C’est fou ! C’est une anecdote mais c’est pour vous faire réaliser à quel point ça va vite, dans les deux sens. Si je peux transmettre un message – même si je n’ai que 21 ans – tout peut aller très rapidement. Je me retrouve à vivre quelque chose d’inédit. Je savoure.

Inédit et fulgurant comme en 2019, où vous étés sacré champion du monde avec les Bleuets, à seulement 18 ans, en étant surclassé…

J’aurai besoin de temps pour réaliser comme j’ai eu besoin pour la Coupe du monde. Ce n’est pas un problème. C’est aussi bien de ne pas trop prendre de recul avec cette situation-là car ça te pousse à vouloir toujours plus et donc à travailler pour récolter les fruits. Tout ce dont j’ai envie, maintenant, c’est d’être champion de France, d’aller le plus loin possible avec mon club. C’est ce qui nous anime tous et nous a permis de faire ces exploits en coupe d’Europe.

Vous rendez-vous compte de votre ascension fulgurante ? Jusqu’en avril et ce huitième de finale retour face à Bordeaux-Bègles, vous n’aviez jamais joué en Champions Cup

C’était inattendu et une grosse marque de confiance de la part du staff. J’essaie de leur rendre à chaque fois de la plus belle des manières en m’envoyant à 100%. J’ai peut-être fait des erreurs mais je peux me regarder dans une glace. J’ai tout fait pour rendre au club ce qu’il m’a donné. Malheureusement, "Vic" (Victor Vito) se blesse contre le Stade Français. Il ne faut pas oublier le joueur qu’il est, il aurait été titulaire en finale, il a une plus grande légitimité pour l’être. Maintenant, je suis content d’avoir fait des bonnes performances même s’il y a encore du travail et des erreurs à gommer. Des erreurs moins visibles aux yeux du grand public, avec tout le respect que j’ai pour ceux qui ont commenté mes performances. J’espère que ce n’est que le début. Il ne faut pas que je me repose sur mes lauriers, je n’ai que 21 ans (sourire).

Depuis le retour à l’entraînement ce mercredi, sentez-vous que tout le club a basculé en mode Top 14 ?

Du moins, on essaye de le faire. C’est vrai que la finale européenne qui intervient entre deux matchs cruciaux pour le club, c’est un peu dommage mais ça n’a pas gâché la fête (sourire), comme on a pu le voir dimanche et les jours d’après. Maintenant, le chapitre est clos pour l’instant. On est tous tourné vers la rencontre de dimanche face au LOU et on a vraiment envie d’envoyer le message comme quoi on peut jouer, à fond, sur les deux tableaux. Ce serait mentir de penser l’inverse et de faire une croix sur cette folle compétition. Encore plus cette année puisque tout va se jouer sur cette dernière journée.

Tous les scenarios restent envisageables, en effet…

Que ce soit une demie directe, un barrage à domicile ou même un barrage à l’extérieur, on prend parce qu’on est parti de très, très loin. Avec le scénario de cette saison, des défaites parfois difficiles à supporter ou des victoires folles, on prend une qualification.

"Maintenant il n’y a pas de malédiction. Les superstitieux peuvent dormir tranquille"

Les doublés Champions Cup-Top 14 sont rares. Toulon l’a fait en 2014. Toulouse, pas plus tard que l’an dernier. Ça doit vous inspirer, justement ?

On est obligé de s’en inspirer (sourire). Sinon, ça veut dire qu’on part défaitiste. Après, il faut garder la tête sur les épaules. Certes, on est champions d’Europe mais en face, il y a des équipes mortes de faim, qui ont eu des semaines pour se reposer et bien travailler ce sprint final. On va tout faire pour aller le plus loin possible. On a du pain sur la planche.

Qu’est-ce que titre européen peut vous apporter, dans la perspective d’un doublé ?

L’expérience, la confiance. Il y a aussi ce mythe que tu casses. On avait perdu trois finales auparavant. Je lisais dans le media qu’on serait le "nouveau Clermont", le chat noir ou autres. Maintenant il n’y a pas de malédiction. Les superstitieux peuvent dormir tranquille et dieu sait qu’il y en a dans l’équipe, moi le premier (rires). Là, on ressent beaucoup de sérénité et on peut avancer, maintenant.

Imaginez-vous que vous pourriez revivre les émotions du week-end passé à la fin du mois ?

Non, je n’imagine pas. Déjà, je pense au match de dimanche, très compliqué. Après, on verra. Je vais sortir le vieux classique "on prend les matchs un par un". Désolé (rires). Après, bien sûr qu’on aimerait bien revivre ces émotions vécues dimanche. C’était tellement fou et impensable qu’on va se dépatouiller pour aller chercher un deuxième dimanche-parade sur le port.

Romain Asselin