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Coupe du monde: qui est Jérôme Garcès, premier Français à arbitrer une finale?

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Jérôme Garcès a été désigné pour diriger samedi la finale de la Coupe du monde de rugby entre l'Angleterre et l'Afrique du Sud. Une première pour un arbitre français, et une dernière pour le Béarnais, qui prendra sa retraite dans la foulée.

On disait le rugby français au fond du trou? On lui promettait l’enfer lors de la Coupe du monde au Japon? Et pourtant, l’heure est au cocorico: l’un des acteurs principaux de la grande finale, samedi matin à Yokohama (10h), sera un représentant tricolore. A 46 ans, l’arbitre Jérôme Garcès a en effet été désigné pour officier lors du choc Angleterre-Afrique du Sud, assisté de son compatriote Romain Poite, et des deux Néo-Zélandais Ben O’Keefe et Ben Skeen. "Je suis honoré et ravi", a brièvement réagi l’intéressé dans un communiqué de World Rugby, parlant d’un "rêve", mais aussi d’un "travail d’équipe".

Heureux, fier, Garcès peut l’être. Sa nomination est une première: en neuf Mondiaux de rugby, jamais un Français n’avait eu l’opportunité d’arbitrer la plus belle des affiches. Parce que le XV du Coq s’est hissé en finale à trois reprises (1987, 1999, 2011), excluant de fait les arbitres hexagonaux, mais aussi parce que ces derniers, pendant longtemps, n’ont pas été considérés parmi les meilleurs de la planète. Une première, donc, et une dernière: après la finale, Garcès va ranger le sifflet, et clore un chapitre personnel d’un demi-siècle, pour prendre la charge de l’arbitrage professionnel auprès de la Fédération. Le départ à la retraite peut se faire sans regrets. En plus de ces adieux japonais, le Béarnais d’origine a déjà pu officier cette saison lors de la finale de la Champions Cup, et celle de Top 14. Une apothéose. Une reconnaissance.

Un papa qui lui a transmis le virus

Pour l’enfant d’Arudy, dans la vallée d’Ossau (au sud de Pau) tout a commencé ballon en main. Comme tout bon gamin du sud-ouest, le petit Jérôme a d’abord manié la gonfle à l’ESA – l’Etoile Sportive Arudyenne. Jusqu’à une fracture du scaphoïde. Pas de quoi déprimer: depuis l’âge de 20 ans, influencé par son père René, lui-même arbitre, Jérôme Garcès avait déjà pris l’habitude de prendre le sifflet le dimanche. La fin de sa carrière de joueur l’a poussé à s’investir à fond dans son nouveau rôle. Et à franchir les étapes les unes après les autres.

En 2006, Garcès intègre à 33 ans la liste des arbitres de Top 14. En 2010, il acquiert le statut professionnel, et peut définitivement abandonner son poste de chargé de la qualité fournisseur, à l’usine Turbomeca de Bordes. En 2010 toujours, il débute comme juge de touche dans le Tournoi des Six Nations, avant une première apparition au centre l’année suivante… inattendue. Lors d’Angleterre-Ecosse, le 13 mars 2011, Garcès profite de la blessure de Romain Poite en pleine rencontre pour prendre sa place sur le pré. Sa prestation est saluée, sa carrière internationale lancée. L’automne suivant, le natif de Pau est retenu parmi les juges de touche pour le Mondial en Nouvelle-Zélande. En 2015, il s’illustre déjà en devenant le premier Tricolore à diriger une demi-finale de Coupe du monde (Afrique du Sud-Nouvelle-Zélande). Pour la petite histoire, Garcès aurait pu louper cette compétition à cause d’une blessure quelques semaines plus tôt lors d’un improbable Japon-Uruguay. Le sort en a décidé autrement, et lui a donné l’occasion de briller.

Salué pour son relationnel et son humilité

"Il est très rigoureux, mais aussi capable de s’effacer, par son comportement et sa communication, pour ne pas trop peser sur un match, disait alors de lui Didier Mené, patron des arbitres tricolores. Il est apaisant dans un contexte de grande tension. Et possède aussi un certain goût du jeu." Un "goût du jeu" qui lui a valu quelques accusations de laxisme par le passé. Mais que ce père de deux enfants a corrigé, à force de travail et de vidéo. "Vous savez, on ne fait pas ce métier pour être aimé, on doit être objectif, glissait-il dans une interview à Sportsland Béarn en 2013. Sur le terrain, on se retrouve seul face à ses décisions. C’est parfois compliqué… Mais on reste des hommes. On peut faire des erreurs. On s’aperçoit souvent de ses fautes le lundi matin lors du visionnage du match. Alors, on prend sur soi et on analyse."

Salué pour son calme, pour son humilité, et pour son relationnel, aussi bien avec les joueurs qu’avec ses confrères, Jérôme Garcès était déjà l’un des candidats les plus sérieux à l’arbitrage de la finale, avant même le début de la Coupe du monde 2019. L’Anglais Wayne Barnes ayant été mis hors-jeu par la qualification du XV de la Rose, le Béarnais a finalement été préféré au Gallois Nigel Owens. Sans que personne n’y trouve rien à redire. Sauf, peut-être… les supporters sud-africains.

80 minutes pour faire (partout) l'unanimité

Clin d’œil du destin, Garcès, pour son dernier match, va effectivement arbitrer l’équipe avec laquelle il a l'histoire la plus "tumultueuse". Avant la demi-finale entre le Pays de Galles et les Springboks, dimanche dernier (16-19), un match déjà dirigé par le "frenchie", Garcès avait fait l’objet d’une véritable campagne de dénigrement de la part des fans sud-af’, et une pétition pour qu’il soit écarté avait même recueilli 13.000 signatures. Pourquoi? Parce qu’avant la demie, l’Afrique du Sud avait perdu 10 de ses 14 matches avec le Béarnais au sifflet (dont l’historique revers face au Japon en 2015), et que sa performance du premier tour, face aux All-Blacks, avait déplu du côté de Johannesburg.

La victoire contre les Gallois semble toutefois avoir calmé les esprits, les discours des joueurs et du staff aussi. "C’est un bon arbitre, il n’est pas partisan, a commenté le demi de mêlée Faf de Klerk. Si on le laisse faire son travail, le jeu devrait bien se passer." Et s’il reste quelques sceptiques, Garcès aura 80 dernières minutes pour les convaincre.

Clément Chaillou