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Coupe du monde féminine 2025: "Il y a encore du travail, mais...", où en est le développement du rugby féminin en France?

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De plus en plus médiatisé, le rugby féminin suscite un nouvel engouement en France. Le nombre de pratiquantes est en pleine explosion, et la Fédération vise le cap symbolique des 100.000 licenciées dans les prochaines années. Derrière cette vitrine idyllique, la discipline peine encore à se professionnaliser. Pascale Mercier, vice-présidente de la FFR en charge du développement du rugby féminin sur le territoire, estime que la Coupe du monde en Angleterre pourra être un tremplin décisif.

Place au grand boom? L'Angleterre plonge dans le plus grand évènement de l'histoire du rugby féminin avec l'organisation de sa Coupe du monde. Plus de 375.000 billets ont été vendus (un record) et la discipline a atteint une popularité jamais vue outre-Manche.

Derrière la locomotive anglaise, meilleure nation mondiale et invaincue depuis plus de 1.000 jours, le rugby féminin a aussi changé de dimension en France. Longtemps dans l'ombre des garçons, les Bleues remplissent désormais les stades, même pour un simple match de préparation, et les médias se passionnent pour leur parcours. Le dernier Tournoi des Six Nations a notamment rassemblé 1,8 million de télépectateurs en moyenne à chaque rencontre.

Depuis les Jeux olympiques de Paris 2024, le nombre de licenciées a dépassé le cap symbolique des 50.000 (52.689 contre 311.681 chez les hommes) et 1.160 clubs comptent une section féminine. À cela s'ajoute le "plan Marshall", lancé en octobre 2024 par Florian Grill, qui a permis de débloquer 60 millions d'euros pour venir en aide aux petits clubs et rénover les infrastructures, avec un tiers dédié uniquement à la féminisation des effectifs. Les marques aussi s'intéressent à la discipline, comme Adidas, qui a signé un chèque de 2 millions d'euros pour soutenir le developpement de la pratique chez les rugbywomen.

"Il y a un engouement pour le sport féminin en général", souligne Pascale Mercier, vice-présidente de la FFR chargée du développement du rugby féminin sur le territoire, au micro de RMC Sport. "On le voit bien notammenent avec la performance de Pauline Ferrand-Prévot au Tour de France. La Fédération prend aussi ce wagon avec une augmentation nette des effectifs."

Encore loin du monde professionnel

Derrière ce portrait idyllique du rugby féminin en plein essor, la réalité reste beaucoup plus compliquée pour le très haut niveau. L'Élite 1, le plus haut échelon national, qui regroupe des écuries comme le Stade Toulousain, Bordeaux ou Lyon, reste largement amateur. Seules les joueuses du XV de France et quelques unes du Stade villeneuvois disposent d'un contrat se rapprochant d'une professionnalisme. Cette situation rappelle à quel point le chemin est encore long avant de rejoindre leurs homologues masculins du Top 14.

"La solution n'est pas toute simple pour aller vers le haut niveau", ajoute Pascale Mercier, l'une des premières femmes à avoir rejoint les équipes de Florian Grill. "Je pense qu’il ne faut pas aller trop vite... Il faut que cela soit bien préparé. Nous ne pouvons pas dire du jour au lendemain que nous sommes professionnelles. Les problèmes d’argent arrivent trop vite dans le monde du sport. On essaie d’avancer petit à petit avec la Fédération, la LNR et Provale."

La saison passée, le championnat de France a connu une exposition nouvelle grâce à la diffusion de plusieurs rencontres sur Canal+. Une expérience réussie qui devrait être renouvelée pour la saison à venir.

Est-ce qu'un jour nous franchirons le cap du professionnalisme? Je pense que oui. Sommes-nous prêt maintenant? Je pense que non.

Pour rattraper l'Angleterre, dont la majorité des joueuses du championnat sont déjà professionnelles, la FFR a mis un place un projet d'orientation stratégique féminin (POSF) avec trois objectifs majeurs: atteindre la barre des 100.000 licenciées d'ici 2033, féminiser les effectifs, en formant des entraineuses et arbitres, et surtout rester parmi les meilleures nations du monde pour aller chercher des titres.

"On travaille là dessus avec Jean-Marc Lhermet (haut niveau et direction des officiels de match), Ariane Van Ghelue (haut niveau féminin) et Jordan Roux (territoire et filière jeune) pour détecter les jeunes filles à haut potentiel", détaille l'élue au comité directeur de la FFR. "Est-ce qu'un jour nous franchirons le cap du professionnalisme? Je pense que oui. Sommes-nous prêts maintenant? Je pense que non. Il y a encore du travail à faire. Quand nous aurons un fonctionnement à l'image du Top 14-Pro D2, nous pourrons envisager les choses autrement."

Le Mondial comme tremplin

Justement, la Coupe du monde arrive à pic pour passer un nouveau pallier. Avec un taux de fréquentation record et une diffusion complète sur TF1 et France TV, le parcours de l'équipe de France sera scruté de près et pourrait créer des vocations. "Auparavant, on n'en parlait pas ou peu", s'enthousiame Pascale Mercier. "Il y a beaucoup de communication positive."

Dans la peau d'outsider, les Bleues seraient donc bien inspirer de décrocher leur première couronne mondiale cette année. "J'espère qu'elles iront le plus loin possible. Ce sont des filles extraordinaires, sans oublier Aurélie Groiseleau, qui arbitrera lors de ce Mondial. L'ambition est surtout de convaincre ceux qui ne connaissent pas le rugby féminin que c'est un bon sport, complet et accessible à tous. Comme on dit: que tu sois petit, grand, gros ou maigre, tout le monde peut faire du rugby!"

Tao Chardel