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Top 14: tout savoir sur "Le Stade", le film évènement sur le Stade Toulousain

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Le 13 avril prochain sortira dans les salles un film retraçant l’épopée du Stade Toulousain la saison dernière, marquée par un doublé et un cinquième titre européen, du jamais-vu en rugby. Comment est né ce projet? À quoi ressemble-t-il? A qui il s’adresse? Et qu’en pensent les principaux acteurs? Après avoir assisté à l’avant-première en compagnie des joueurs et du staff cette semaine à Toulouse, on vous dévoile les coulisses de ce film inédit et son contenu.

Les sourires étaient un poil crispés cette semaine au cinéma Gaumont de la place Wilson de Toulouse. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours que le monde du rugby investit les salles de cinéma. Alors oui, il y a bien "Invictus" et le sacre mondial des Springboks de 1995 qui vous vient en mémoire. Mais là, pas de Matt Damon ou de Morgan Freeman sur le grand écran. Les acteurs n’en sont pas. Ou ne savaient peut-être pas qu’ils allaient le devenir à ce point. "Pff… ce n’est pas facile pour nous de se revoir derrière, il y a plein de choses qu’on aurait peut-être aimé voir différemment", souffle le manager Ugo Mola, personnage central et omniprésent de "Le Stade".

1h47 de pellicule, sans interview, que de l’ambiance pure, en noir et blanc, pour résumer sept mois de compétition version 2020-2021, vécue caméra au poing et en totale immersion au Stade Toulousain par le co-réalisateur Matthieu Vollaire.

Retour en arrière. A la sortie du confinement, au moment où les plateformes tournent à plein régime et les feuilletons comme "The last dance" sur Michael Jordan ou la Formule 1 narrée comme jamais grâce à "Drive to survive" rentrent massivement dans les foyers, adoubée par la direction, la cellule marketing et communication du Stade Toulousain sent ce souffle nouveau et a envie d’ouvrir grandes les portes de son équipe afin de mettre en avant sa "marque". Seulement, à la base, quand la société de production Black Dynamite entame son travail, il n’est nullement question de film. Semaines après semaines, le but est déjà de s’immiscer dans un vestiaire de rugby, sanctuaire souvent hermétique, et de gagner la confiance des joueurs.

"La grande difficulté, c’est de te faire accepter, avoue Matthieu Vollaire. On y va étape par étape. Tu sais que tu ne peux pas aller tout de suite dans certains endroits. Il faut attendre deux, trois semaines de tournage. Donc tous les jours, tu pénètres une nouvelle salle si j’ose dire. Tu avances, tu avances… mais ils ont été fabuleux car ils m’ont fait confiance. Et moi, j’ai été discret et j’ai essayé de comprendre dans les regards quand il ne fallait pas y aller. Et le contraire aussi." Au fur et à mesure, le staff, les joueurs, l’ont quasiment oublié. Ce qui donne à l’écran des tranches de vies d’une équipe en route vers un destin en or insoupçonné.

"On va les raser!"

Ce qui surprend au premier abord, et souvent dans une ambiance de huis-clos du fait des stades vides pendant la pandémie, c’est cet enchaînement presque à l’excès des situations du quotidien de ces athlètes: vestiaires, entraînement, vestiaires, bus, hôtel, vestiaires, matchs, vestiaires, bus. Des visages, des corps qui se serrent comme pour conjurer l’adversité à venir. Et des paroles. C’est là, où les non-initiés y verront simplement de bons orateurs, qui aiment tout de même les jurons (on aurait dû compter le nombre de "p… "), se préparer au combat, les habitués de la balle ovale seront surpris de constater que ce que d’ordinaire staff et joueurs exècrent de dévoiler, pour ne pas laisser une miette de levier de motivation à l’adversaire, est ici la norme. Le marqueur du film.

Morceaux choisis : "Dans le vestiaire de Brive, vous savez ce qu’il y a à chaque place? Il y a un petit papier. Et sur chaque petit papier y est inscrit: Pourquoi pas. "Pourquoi pas? Pourquoi pas mon c… oui!", lâche Ugo Mola avant de jouer les Corréziens. Mola qui renchérit avant la demi-finale de Coupe d’Europe face à l’Union Bordeaux-Bègles: "La différence entre eux et nous, c’est qu’eux ils jouent le Stade Toulousain. Nous on joue une demi-finale de Coupe d’Europe!" Ou le talonneur Julien Marchand, vindicatif en parlant des Rochelais avant la finale de Top 14. "Mais vous les avez vus à rentrer en marchant, à jouer les gladiateurs? Pour qui ils se prennent? Ils croient qu’ils vont à la guerre, mais personne ne va mourir aujourd’hui. On va les raser! On va les raser!"

"C’est sûr qu’on va se faire chambrer, avoue l’intéressé à la sortie de la projection, un léger sourire en coin et l’air presque gêné. C’est évident! Après, on montre celui-ci (de vestiaire), mais c’est pareil dans tous les clubs." Pas faux. Et Toulouse a plutôt bien assumé cette ouverture sur son intimité en allant au bout des deux compétitions. Ce qui, au fur et à mesure, a changé la donne concernant la finalité du projet. "Ce qu’il s’est passé, explique le co-réalisateur Eric Hannezo, c’est quand on a vu la matière qu’on avait, et parce que c’est le Stade Toulousain, et parce qu’on a vu son parcours, on s’est dit: ce n’est pas possible, il faut qu’on réfléchisse autrement."

Ça tombe bien, le groupe Pathé vient frapper à la porte et s’intéresse au projet. Pour lui donner une autre dimension. Hannezo poursuit: "Et là où on était parti sur un documentaire au sens classique du terme, on s’est dit deux choses: d’une, on est convaincu qu’il faut que le sport investisse les salles de cinéma. Au moment où le cinéma cherche des relais de croissance, même si ça fait bizarre de dire ça… car le sport se vit de manière collective, on peut y aller en groupe, etc. Et jusqu’à présent, ça a été peu fait en salle. Or, le deuxième point, c’est que le rugby, le Stade Toulousain, ce parcours-là, ce groupe-là, cette âme-là, à un moment, ça s’est imposé à nous." Il y en a pour tous les goûts dans cette chronologie. Mola et Lacroix qui, dans le bus, conversent au téléphone avec Thomas Pesquet, alors dans la station spatiale internationale. Ou la fête totale chez le 2e ligne Joe Tekori après une victoire, bouteilles de bière et cigarettes au bec.

Le club fait bouger les lignes

Mais aussi des moments de doutes du sportif de haut niveau, avec la grave blessure de l’ailier Yoann Huget, qui signifiera sa fin de carrière, ou les tourments d’un Thomas Ramos, qui, blessé, ronge son frein avant les phases finales. "On se rend compte de notre quotidien, avoue le demi de mêlée international Antoine Dupont. De la réalité d’une saison, qu’il n’y a rien de linéaire. Il y a des hauts, des bas, des blessures, des suspensions, des défaites… c’est ce qui nous forge aussi. C’est vrai qu’avec le son du cinéma, les chocs résonnent aussi (sourire)! ça pourra peut-être choquer quelques non-initiés, mais il ne faut pas s’en faire." C’est ce public que ce film vise.

Pour Hannezo, "dans le contexte actuel, c’est un film qui fait du bien. En tous cas nous, à fabriquer, ce qui nous a fait du bien, c’est de voir l’aventure d’un groupe humain. Un groupe avec une âme très forte. Une expérience de gens qui se réunissent, avec des valeurs, et de voir les ressorts, les ressources qu’ils arrivent à déployer en permanence pour aller au bout de leurs objectifs. C’est ça qui est intéressant. Et ça, ça s’adresse à tout le monde, c’est universel." La curiosité récompensera peut-être le côté précurseur du projet. En tous cas, encore une fois, le Stade Toulousain cultive son avant-gardisme et fait bouger les lignes.

"C’est vrai que c’est dur d’imaginer un film sur le rugby, sur nous, qui va sortir dans tous les cinémas de France s’interroge Dupont. On se demande ce qu’on fait là, on sort de nos sentiers battus mais c’est bien parce que ça fait évoluer notre sport. C’est des nouveaux moyens de communication d’aujourd’hui et c’est ce que les gens ont envie de voir. Donc c’est sympa aussi." Quitte, dans ce que les détracteurs appellent de la fausse modestie, à ce que le club paraisse parfois trop sûr de lui et à aiguiser la motivation des autres. Mola conclut: "Est-ce que c’est bien ou pas bien? Ce qui est sûr, j’ose espérer que les gens qui nous aiment, nous aiment un peu plus. Et que ceux qui nous détestent, ils risquent de nous détester un peu plus. Mais ça, c’est la vie de tout club. De toute concurrence ou émulation qu’il peut y avoir dans notre championnat. On n’a pas à être mal à l’aise avec ça. Et dans tous les cas on aura été les premiers. Ce club a cette vertu-là. Comme souvent essayer d’enfoncer des endroits ou des lieux où on n’a pas l’habitude d’aller."

Wilfried Templier