La Rochelle: "Je ne suis pas une star, je suis un joueur parmi cet effectif XXL", assure Teddy Thomas

Comment vous sentez-vous en jaune et noir, Teddy Thomas, après huit saisons en ciel et blanc ?
Pour le moment, super bien. Le groupe m’a bien intégré. Je suis très heureux d’avoir rejoint cet effectif. Nos débuts se passent bien, ça fait maintenant cinq semaines que l’on bosse tous ensemble. L’atmosphère est très satisfaisante. J’espère que ça va continuer. C’est top.
Vous rejoignez un club qui a souvent brisé les rêves de titre du Racing ces dernières saisons…
Ce n’est pas forcément parce qu’ils nous ont coupé l’herbe sous le pied. C’est simplement parce qu’ils ont un effectif qui s’étoffe d’année en année, des objectifs élevés à juste titre. J’avais à cœur de changer d’air. C’est un club qui fait partie du Top 6 depuis quatre à cinq ans. Mon envie de nouveauté m’a fait aller vers La Rochelle. J’ai beaucoup travaillé avec Ronan O’Gara (manager de La Rochelle, ndlr) au Racing et c’était aussi important pour moi de continuer à ses côtés.
Avez-vous éprouvé des regrets en quittant le Racing, à l’intersaison ?
Bien sûr. Avec l’effectif en place durant mes huit années, on aurait espéré avoir plus de titres. Malheureusement, on n’en n’a qu’un. C’est déjà bien, certains clubs en ont zéro… Maintenant, c’est derrière moi. Je souhaite tout le meilleur au Racing parce que j’y ai passé de superbes années. C’est grâce à eux que j’ai connu mes premières sélections avec l’équipe de France, ils m’ont énormément apporté. Le groupe est extra, l’encadrement sportif également.
Vous évoquez le titre de Champion de France 2016 que vous dites souvent ne pas avoir l’impression d’avoir remporté. Vous n’étiez pas sur la feuille de match…
Beaucoup me disent que c’est important de le dire car c’est écrit sur mon CV mais je n’ai pas la prétention de dire que j’ai un titre. J’ai connu l’euphorie mais de façon un peu éloignée. Quand on n’est pas sur le terrain, on ne ressent pas les mêmes émotions. Bien sûr, on a fait la fête, on a bien rigolé, mais je n’avais pas les crampons à ce moment-là. Je ne peux pas dire que j’ai été champion.
Comment avez-vous vécu le sacre européen des Rochelais, juste avant votre arrivée ?
J’étais content pour eux. En plus, j’étais invité au stade (Vélodrome, à Marseille). Après, mes ambitions pour venir à La Rochelle étaient de faire partie d’un groupe qui pouvait ramener le premier titre majeur dans cette ville. Ils m’ont devancé ! Tant mieux pour eux, ils le méritaient. Cela faisait deux années de suite qu’ils étaient en finale de la Champions Cup. Maintenant, ce que j’ai pu voir, c’est qu’ils ne se contentent pas uniquement de ce premier titre de champion d’Europe. Ils en veulent encore plus. C’est ça qui me donne envie. J’espère pouvoir les aider.
Il manque encore un Brennus. Un trophée, quelque part, encore plus symbolique pour un club qui n’a jamais été champion de France, non ?
On pourra toujours retourner la question. Est-ce qu’on préfère avoir le Brennus ou la coupe d’Europe ? (sourire). Ça, s’est propre à chacun. Je pense que La Rochelle peut avoir les ambitions d’avoir les deux titres. On va travailler pour cela.
"Quand je suis arrivé au Racing, j’étais extrêmement jeune. J’étais fou-fou et ce qui m’attirait, uniquement, c’était d’avoir le ballon et marquer. Je n’avais pas conscience des attentes que les gens avaient envers moi"
Que vous inspire le fait d’être présenté comme la principale tête d’affiche d’un mercato rochelais XXL ?
Très sincèrement, je fais abstraction de ça. J’arrive sur la pointe des pieds. Encore plus dans un effectif champion d’Europe. La tâche est encore plus compliquée. On est nombreux à arriver, on est tous sur le même piédestal. On a des noms différents, des parcours différents. Quand t’es nouveau, tu observes, tu suis le mouvement, tu t’adaptes, tu écoutes. Si tu peux apporter des choses positives ou nouvelles au groupe, tu les apportes. Mais je ne me dis pas que j’arrive comme une star.
C’est pourtant la perception générale, dès lors que votre nom est cité…
Bien sûr. Après, c’est mon poste qui est lié à ça. Je suis ailier, je suis un finisseur et tu te dois de concrétiser les actions de tes coéquipiers, qui font un boulot encore plus important. J’ai le bon rôle. J’ai le mauvais rôle, aussi, parfois. Je ne suis pas une star, je suis un joueur parmi cet effectif XXL, comme vous l’avez dit.
Cela fait bientôt dix ans que vous avez fait vos premiers pas en pro. Est-ce que lors de cette saison 2012-2013, au Biarritz Olympique, vous auriez imaginé un jour évoluer à La Rochelle, club qui évoluait alors en Pro D2 ?
Très sincèrement, je n’avais jamais trop porté mes yeux sur La Rochelle. Je ne vais pas mentir. À l’époque, j’étais focalisé énormément sur Biarritz parce que je suis né là-bas, j’ai toutes mes attaches là-bas. Quand j’ai décidé de quitter le BO, le Stade Rochelais n’était pas en Top 14, je n’avais pas de proposition de leur part, je souhaitais rester en Top 14. Mais plus les années passent, plus le club à grandi. J’ai pu côtoyer des joueurs passés par le Stade Rochelais comme Rémi Talès, avec qui j’ai énormément de liens. Il m’a toujours parlé de ce club et des années vécues ici. Il avait adoré. Je me suis un peu plus penché sur le Stade Rochelais. L’apport de certains internationaux et de stars a fait évoluer sa cote de popularité. Leur jeu a évolué, il est devenu de plus en plus attractif. Mes attentes étaient élevées et le club a répondu présent. Les joueurs qui ont rejoint l’effectif m’ont donné aussi envie de jouer à leurs côtés. C’est pour ça que j’ai choisi de rejoindre le Stade Rochelais. Et puis, tout est nouveau pour moi, je n’ai aucune attache ici. C’est ce que je cherchais.
Ronan O’Gara a visiblement terminé le travail de séduction, non ?
Pas que Ronan. Ronan n’est pas avec moi sur le terrain. Mais j’aime échanger avec lui. Ce n’est pas tous les jours faciles car on a des caractères forts, lui comme moi. Mais c’est ça qui est attractif pour moi. Parfois, on n’est pas d’accord mais on peut discuter. Et on arrive à trouver un terrain d’entente.
Quels souvenirs gardez-vous de votre collaboration au Racing ?
La constance était hyper importante aux yeux de Ronan. Quand je suis arrivé au Racing, j’étais extrêmement jeune. J’étais fou-fou et ce qui m’attirait, uniquement, c’était d’avoir le ballon et marquer. Je n’avais pas conscience des attentes que les gens avaient envers moi. Plus l’âge passe, plus tu prends de la maturité, plus tu écoutes les anciens. Ronan a su avoir les mots justes pour me donner confiance en moi. Malgré les apparences, je n’ai pas forcément confiance en moi à 100%. Du moins sur un terrain. Avec "ROG", on a pu trouver un terrain d’entente qui me semble le plus bénéfique pour moi.
Il nous disait juste avant cet entretien "qu’il n’y avait beaucoup de joueur dans le monde" avec votre "potentiel" mais que vous étiez "un peu perdu" dans le sens, justement, où vous manquez de constance. "Hyper fort une semaine, un peu dodo l’autre semaine", pour reprendre ses mots…
Ce qui m’attire à La Rochelle et dans le projet de jeu qu’ils veulent mettre en place, c’est la continuité des choses. C’est bien de jouer. Le plus dur, c’est de rester sur le terrain. Ma carrière a souvent été en dents de scie. Des blessures, des contre-performances… J’arrive à un âge où j’ai envie de passer à autre chose, mettre un "step" supplémentaire. J’espère pouvoir trouver cette continuité dans cet effectif. Je me donnerai tous les moyens possibles pour évoluer tous les week-ends, si on me le permet. C’est à moi d’être le meilleur.
Reconnaissez-vous des "erreurs", par le passé ?
Pas forcément des erreurs. Ça fait partie de ma vie, de ma carrière, de mon personnage. C’est ce qui m’a permis aussi d’apprendre. Je n’ai pas de regrets sur certaines choses que j’ai pu faire. On n’évolue pas tous à la même vitesse. Ou à la vitesse que les gens espèrent pour toi. Ma carrière a été faite de hauts et de bas. Mais il faut toujours ne retenir que le positif. Il y a toujours la place pour apprendre, c’est ce que j’essaye de faire.
"Une saison réussie? Une saison avec deux titres!"
Le Stade Rochelais est réputé pour la justesse de ses recrutements. Très peu de "flop". Cette donnée a-t-elle comptée, dans votre choix ?
C’est un club extrêmement familial. Il ne m’a pas fallu énormément de temps pour m’intégrer dans ce groupe. Si vous demandez à chacun des nouveaux, ils répondront la même chose. J’espère qu’on ne sera pas la génération des recrues qui feront mentir les statistiques (rires). Je n’y pense pas.
Que serait une saison réussie ?
Une saison avec deux titres ! Mettre le Stade Rochelais à la place où il doit être, c’est-à-dire en haut de l’affiche. Ce club le mérite et se donne les moyens. L’effectif montre que l’on peut jouer sur les deux tableaux.
Et sur un plan davantage personnel ?
Avoir le moins de blessures possibles, être compétitif. Et surtout rendre heureux le public rochelais, leur montrer qu’ils ne se sont pas trompés. Que je leur procure de l’émotion et de la joie. C’est ce qui me fait vibrer tous les week-ends.
Est-ce votre dernière chance de participer à une coupe du Monde (France 2023) ?
Je le prends comme ça. Après, je pense que je n’aurai plus l’âge et que je devrai passer à autre chose. Oui, c’est ma dernière chance… J’ai loupé deux coupes du Monde. Maintenant, il y a des étapes à ne pas brûler. D’abord, se fondre dans le moule de La Rochelle. Peut-être que plus tard, on pourra reparler de l’équipe de France mais, pour l’instant, ce n’est pas le sujet.
Gardez-vous contact avec le staff des Bleus ?
Oui, c’est hyper rassurant. Même si je n’étais pas du Tournoi des VI Nations gagné, ils m’ont quand même appelé. On a pu échanger. C’est cool.
Un mot sur la première journée de Top 14, et ce choc face à Montpellier, samedi 3 septembre. Le champion d’Europe face au champion de France…
Grosse affiche ! De toute façon, maintenant, on a cette étiquette sur les épaules, il va falloir l’assumer. Toutes les équipes qui vont venir jouer à Deflandre vont vouloir nous "casser la bouche", comme on dit. Quand tu es champion, tu es jalousé. Donc c’est un super défi. Ça va nous mettre dans le bain dès la première journée. Il n’y a pas mieux pour commencer une saison.