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Montpellier: "Le bon timing pour arrêter", les confidences de Fulgence Ouedraogo

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Après 18 ans de loyaux services à Montpellier, Fulgence Ouedraogo s’apprête à prendre sa retraite en fin de saison. Il revient sur sa riche carrière au sein du MHR, avec qui il a tout connu.

Le MHR va tourner une page importante de son histoire en fin de saison: son capitaine emblématique, Fulgence Ouedraogo, a officialisé qu’il disputait sa dernière saison. Joueur le plus capé de l’histoire du club (335 matches disputés, avec un 336ème prévu samedi contre Toulon), il n’aura connu que Montpellier pendant sa carrière. Âgé de 37 ans, il aura été de toutes les premières de l’histoire de son club. En fin de saison, il organisera un jubilé avec François Trinh-Duc et Louis Picamoles, qui raccrocheront les crampons en même temps que lui.

Après 18 années au plus niveau, est-ce que la décision a été facile à prendre ?

Non. C’est un choix difficile parce que c’est tout ce que j’ai connu depuis le début de ma vie d’adulte. J’ai grandi dans ce club, j’ai commencé à 18 ans en équipe première et se dire que le métier va s’arrêter et tourner la page, ce n’est jamais évident. Le changement nous sort de notre quotidien, j’ai un peu d’appréhension. Mais je pense que c’est le bon moment, je ne voulais pas faire la saison de trop, ne plus mettre mon corps à rude épreuve trop longtemps. J’aurais moins bien vécu une saison où j’aurais été mis de côté et où mes performances auraient pu être moins bonnes. C’est un bon timing.

Depuis quand votre décision est prise ?

Depuis l’année dernière. Mais je savais que je ne voulais pas terminer sur l’année Covid, avec personne dans le stade et une année difficile sportivement pour nous. Je savais que je voulais faire une année de plus pour prendre plus de plaisir.

Est-ce que vous êtes déjà nostalgique ?

En rentrant de Brive, je me suis dit que c’était le dernier déplacement en Corrèze et j’étais soulagé de ne plus jamais avoir à faire 5h de bus (rires). Cet été, je me disais que c’était la dernière préparation, le dernier déplacement. Ça me fait sourire, mais je ne fais pas de calcul particulier.

Qu’est-ce qui vous manquera le plus l’année prochaine ?

J’ai commencé le rugby pour l’esprit d’équipe et c’est cela qui va me manquer, les émotions à travers le sport. Quand on est dans le vestiaire avant un grand match, que tout le monde est stressé et qu’on fait bloc, que le stress disparaît pour être une force collective. De jouer des matches comme en 2011, où on est le petit poucet et qu’on renverse des montagnes. Seul le sport procure ces émotions.

Vous êtes resté le joueur d’un seul club, Montpellier, ce qui est plutôt rare. C’était programmé ?

Je n’avais pas de plan de carrière ou de projection à long terme. Je suis arrivé à 17 ans en Crabos (une catégorie jeune) première année. Et à 18 ans, j’ai eu la chance de jouer en équipe première. Mais je n’avais pas de plan de carrière à la Kylian Mbappé. J’ai vécu en fonction de mes émotions, de mon ressenti. Parfois, je me suis dit que je devrais partir ailleurs pour jouer à un niveau supérieur. Mais j’ai grandi avec ce club, on a monté les paliers. J’ai voulu vivre des premières avec Montpellier : se qualifier pour les play-offs, jouer une finale, jouer la H-Cup, gagner un trophée. Il y avait beaucoup de choses nouvelles à réaliser et c’était excitant comme challenge.

Arrêter en même temps que Louis Picamoles et François Trinh-Duc, c’était prévu ?

Notre histoire est belle, on se connaît depuis tout petit. On a joué ensemble, les uns contre les autres, ensemble en équipe de France. Et là on met fin à nos carrières en même temps. On a vécu de bons moments et cela nous a soudé. Je pense que je suis le plus usé des trois, le plus cassé. Physiquement, j’ai ramassé.

Justement, comment avez-vous réussi à tenir pendant 18 ans à ce niveau ?

C’est dur. Il y a 2 ou 3 ans, j’avais des douleurs à la hanche. J’ai été voir un spécialiste à Lyon et il ne pensait pas que je pourrais continuer le rugby. Je joue avec des douleurs, pas à 100%, mais j’essaye de faire attention à mon corps plus qu’avant. Je fais plus d’effort là-dessus dans ma récupération, ma façon de m’entrainer, la gestion de mes douleurs. Il y a un kiné ou un ostéopathe qui viennent chez moi. La gestion de la douleur est différente quand on est plus vieux. Quand on est jeune, on peut faire abstraction de la récupération. Aujourd’hui, je passe du temps à remettre mon corps en état chaque week-end pour pouvoir avoir des prestations de qualité. Ça demande plus d’effort, de rigueur. Le corps ne répond plus pareil et c’est cela le plus frustrant. Je cours moins vite qu’avant.

En 18 ans, est-ce que le rugby a profondément changé ?

C’est un rugby différent. Tout est plus professionnel, il y a deux drones qui filment les entraînements, on est suivi par des GPS et si on ne court pas assez sur le terrain, ils le voient. Tu dois courir 100 mètres de plus pour le match. Ce sont des analyses totalement différentes du rugby que j’ai connu mais on est rentré dans un monde où tout est calculé, mesuré pour être performant chaque week-end. Mais il y a toujours l’esprit : partager des moments en dehors du rugby, boire des bières après match...

Vous avez presque tout connu avec Montpellier. Quel est votre meilleur souvenir ?

La demi-finale de 2011 à Marseille. C’est le changement de cap du club. On est arrivé en 2007 dans notre stade actuel à Montpellier. On quittait le stade Sabathé, où il y avait régulièrement 4000 personnes, pour arriver à Yves du Manoir et ses 14500 places. Et là au Vélodrome quand je lève la tête à l’échauffement et que je ne vois que des drapeaux de Montpellier, je me suis demandé où étaient ces gens avant (rires). C’était incroyable, d’autant plus avec le déroulement du match, où l’on gagne à la fin contre le Racing. C’étaient beaucoup d’émotions, un peu de n’importe quoi. Ça sera gravé dans ma mémoire.

Quel est le joueur le plus fort que vous avez côtoyé ?

François Trinh-Duc. Il m’a marqué parce que l’on se connait depuis l’âge de 6 ans. C’est vraiment un joueur talentueux, l’un des meilleurs que j’ai vus. Capable de gestes, de jouer à un niveau fantastique en attaque ou en défense. François Steyn aussi était incroyable. Il savait tout faire : jeu au pied énorme, passe de 20 mètres à droite à gauche, une bonne vision du jeu. Un OVNI dans le rugby.

Est-ce que vous avez déjà pensé à votre reconversion ?

En 2018, j’avais préparé ma reconversion en reprenant des études après un bilan de compétence. Et le club m’a aussi proposé un projet de reconversion mais pas sur le sportif, plus dans le relationnel, ce qui me plaisait plus, parce que je ne suis pas sûr de faire un bon coach, vu ma patience et ma pédagogie. C’est quelque chose qui me plait, j’avais envie de prendre part à la vie du club et j’en suis heureux. Un domaine est défini, une fiche de poste est prête.

Par Julien Landry