RMC Sport

Top 14: un an après avoir soulevé un arbitre, Raisuqe ne fait plus rire

L’ailier fidjien Josaia Raisuqe avait créé la sensation en janvier 2021, en soulevant de joie l’arbitre de la rencontre Béziers-Nevers. Un an plus tard, désormais sous le maillot du Castres Olympique et reconverti troisième ligne aile, il ne fait plus rire les gens. Bien au contraire, ses prestations font même le bonheur du CO. Explications d’une reconversion.

L’image avait fait le tour de la planète rugby. Il y a un an, le 8 janvier 2021, à l’issue de la fin de match entre Béziers et Nevers, un ultime arbitrage vidéo donnait la victoire aux Nivernais (25-30). Fou de joie, l’ailier fidjien Josaia Raisuqe attrapait par derrière l’arbitre du match, Laurent Milotte, sous les bras et le décollait littéralement comme un trophée, avant de le reposer à terre. Ce dernier n’avait d’autre choix que de l’expulser… très en colère au départ, Xavier Péméja, le manager de Nevers avait sermonné Raisuqe.

"Je lui ai parlé, avait-il dit sur l’antenne de RMC. Je ne suis pas content. Après, on ne va pas le tuer. D’abord, il va y avoir la commission de discipline de la Ligue, on va attendre ça. Et après, c’est sûr que nous, au niveau du club, on ne peut pas accepter ça." Lui-même désolé et dépassé par les conséquences de son geste, Raisuqe avait finalement écopé de cinq semaines de suspension. Encore une anicroche dans la carrière du joueur, ponctuée de frasques que ce soit en dehors du terrain au Stade Français (condamné à du sursis pour agression sexuelle lors d’une soirée trop arrosée en compagnie de Waisea et licencié) ou sur le terrain à Nevers (huit jaunes et trois rouges en 67 matchs).

Mais Raisuqe, dont Péméja disait de lui qu’il était "un gosse", est aussi un joueur de rugby hors norme, capable de marquer jusqu’à 15 essais dans une saison (2018-2019). Alors Castres n’a pas hésité à la faire venir, en flairant le bon coup et persuadé d’une possible rédemption.

Seulement, le manager Pierre-Henry Broncan et son staff ne se doutait pas que l’ailier Raisuqe allait se transformer… en troisième ligne. "Déjà, on a eu de la casse en troisième ligne ces derniers mois, explique Broncan, avec les blessures de Mathieu Babillot, Stéphane Onambele et Baptiste Delaporte." Il y avait donc pénurie de joueurs à ce poste. Mais une nouvelle règle cette saison a peut-être changé la donne…

"Martyrisé par la règle 50/22"

Je pense qu’il a été martyrisé cet été par la règle 50/22 en amical contre Montauban, ajoute le Gersois. Contrairement à ce qu’il faisait à Nevers, il ne se déplaçait plus. Il ne bougeait pas de son aile et ne touchait plus de ballon! En plus il arrivait dans un nouveau club et n’était pas en confiance."

Alors fin novembre, lors du déplacement à Montpellier, il remplaça Kevin Kornath pour les treize dernières minutes. Idem lors de la victoire bonifiée sur le Racing la semaine suivante, mais c’est en Champions Cup, face aux Harlequins, qu’il allait débuter à ce poste. Une prestation remarquée malgré la courte défaite (18-20) et un essai en récompense, son premier sous le maillot tarnais.

Laissé au repos au Munster puis à nouveau titulaire lors de la victoire à Perpignan, il ne quitte plus l’équipe. Mais samedi, face au Stade Français, il a été de tous les bons coups. En "piquant" notamment un ballon à la sortie d’une mêlée parisienne à cinq mètres de la ligne castraise, il s’est offert un sprint de plus de 80 mètres! Puis en sauvant le dernier ballon, toujours sur une mêlée menaçante des soldats roses, avec en prime, quelques tampons distillés dans le petit périmètre que lui permet son physique hors-normes (1m93, 113 kilos).

"C’est un athlète, il est très costaud, abonde Broncan. Mais en plus, c’est un joueur de rugby. Il est fantasque par moments, mais c’est un véritable joueur de rugby. Il pige, il se met en 3e rideau car il comprend quand l’adversaire va jouer au pied. C’est une forme d’intelligence. Il y en a beaucoup qui restent dans le premier rideau et qui ne comprennent pas ça."

"La France rigolait de lui la saison dernière"

Sur le site internet du club, Raisuqe est maintenant classé parmi les troisième lignes. Avec Ardron, Champion de Crespigny, Ben Nicholas et en attendant le retour des blessés nommés auparavant, la concurrence va être énorme et il va falloir déloger le phénomène. Lequel, international à sept pour les Fidji, a peut-être un coup à jouer, à vingt mois de la Coupe du monde. "Il est aujourd’hui en reconversion, dit le centre Thomas Combezou. Il a encore besoin de travailler mais a énormément de qualités. S’il continue à faire de telles prestations et qu’il comprend qu’il peut devenir très, très performant, il atteindra peut-être l’équipe nationale de son pays."

En attendant, le CO et Pierre Henry Broncan se réjouissent de de l’avoir accueilli: "Il a fait 80 minutes de très haut niveau samedi. Et pour un joueur très indiscipliné, il est passé de soulever des arbitres à ne pas prendre de pénalités. Je suis très heureux de son recrutement. En plus, c’est un super garçon à entraîner, qui avait une très mauvaise image dans le rugby français, mais qui est en train de se faire un nom et une place dans le Top 14, alors que la France rigolait de lui la saison dernière, sur un geste qui était toutefois de bonne humeur, de joie. Mais aujourd’hui, c’est l’image de notre club, c’est un mélange de jeune, d’anciens, qui ne lâchent pas. Et on a besoin de joueurs atypiques comme lui." Qui fait maintenant plus peur aux adversaires qu’aux arbitres.

Wilfried Templier