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"Un combattant comme lui peut y parvenir": Mauro Caviezel, gravement accidenté, veut croire en un retour de Cyprien Sarrazin après sa terrible chute

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Victime de deux graves chutes durant sa carrière, le Suisse Mauro Caviezel aborde pour RMC Sport le parcours du combattant qui attend Cyprien Sarrazin, opéré d’un hématome intracrânien il y a quelques jours.

À Bormio, Cyprien Sarrazin a lourdement chuté lors d’un entraînement de descente. Il a depuis été opéré d’un hématome intracrânien et a été transféré à Lyon pour commencer une longue période de récupération et de rééducation, notamment pour réapprendre des gestes du quotidien, comme s'asseoir, se lever…

Sa saison est évidemment terminée et un retour sur les skis est encore bien loin. Des chocs à la tête, d’autres skieurs en ont subi dans leur carrière. C’est le cas du Suisse Mauro Caviezel. Le 10 janvier 2023, il décide de ranger ses skis et met un terme à sa carrière. Une décision prise à la suite de deux graves chutes, lui causant une commotion cérébrale puis un traumatisme crânien. "Après ma récente blessure, je ne me sens à nouveau bien, malheureusement, pas assez bon pour revenir au ski de compétition", avait-il annoncé sur ses réseaux sociaux à l’époque. Pour RMC Sport, le Suisse s’est confié sur cette fin de carrière, sa remise en forme à la suite de ses blessures et sur le rétablissement de Cyprien Sarrazin.

Mauro Caveziel, le 7 janvier 2021, après une lourde chute à Garmisch lors d’un entraînement, vous avez subi une commotion cérébrale. Quelles ont été les séquelles après cette grave blessure?

C'était une période difficile pour moi. Je ne savais pas ce qui était normal et ce qui ne l'était pas. J'avais la Coupe du monde en perspective et je n'avais pas beaucoup de temps pour récupérer (il est revenu aux mondiaux de Cortina d’Ampezzo, seulement cinq semaines après sa lourde chute, mais il s’est finalement retiré de la compétition ne se sentant pas à l’aise). Comme on ne voit pas ce qui se passe dans ma tête de l'extérieur, c'était difficile de prendre les bonnes décisions. J'avais entre autres des problèmes de vision - vision double en position accroupie - mais nous n'avons pu le montrer que lors des tests après la saison. Je savais juste que quelque chose n'allait pas...

Vous êtes revenu à la compétition par la suite, mais le 27 novembre 2022, lors du Super G à Lake Louise, nouvelle chute. Vous tapez la tête au sol, restez inconscient quelques minutes. Vous êtes victime d’un traumatisme crânien. Après cela, il a été impossible pour vous de revenir au plus haut niveau?

J'ai toujours tout essayé pour revenir sur les pistes de course. Je n'ai jamais voulu me reprocher à l'avenir de ne pas avoir tout donné pour ma passion. Après la dernière blessure, c’était le bon moment pour moi d’arrêter.

Encore aujourd’hui, avez-vous encore des séquelles liées à ces blessures?

Je me porte très bien pour mener une vie normale et j’apprécie vraiment cela. Malheureusement, c’est encore trop de stress pour pratiquer ma passion à ce niveau, être un coureur professionnel.

Avez-vous des appréhensions à remonter sur les skis, même pour le plaisir?

Le ski normal ne me pose aucun problème, comme je n’ai plus à dévaler les pistes à plus de 140 km/h en position accroupie.

On sait que le ski peut être dangereux. Quel regard portez-vous sur le ski actuel? On a vu récemment de graves blessures comme celles d’Aleksander Kilde, Cyprien Sarrazin…

Ça fait toujours mal de voir des athlètes tomber. Qu’il y ait autant de skieurs qui se soient blessés ces dernières années, c’est inhabituel. En tant qu’ancien athlète, on sait exactement ce qu’ils vivent. D'un côté, on sait que c'est un sport à risques et que quelque chose peut arriver, mais on s'y prépare bien en été et on entraîne toutes les compétences possibles. De l'autre côté, on pousse tout à la limite pour réussir. Si, par exemple, le temps est mauvais et que les pistes sont préparées différemment, tout devient encore plus difficile à calculer et à trouver le bon équilibre entre tout faire pour aller chercher la victoire et la sécurité. À mon avis, il est désormais important de trouver le bon dialogue entre les athlètes et toutes les personnes impliquées afin de rendre les courses de ski plus sûres, mais toujours aussi attrayantes.

Quand vous êtes devant votre télé, quand votre frère en particulier prend le départ (il s’est blessé à l’épaule et au genou à Bormio, NDLR), dans quel état d'esprit êtes-vous? Avez-vous peur pour vos anciens coéquipiers, adversaires en Coupe du monde?

Je suis et j'ai toujours été plus nerveux quand mon frère est au départ que quand je le suis moi-même. Cela fait encore plus mal quand des gens proches de toi se blessent que quand tu dois le vivre toi-même. Dans ma tête, je suis encore un peu dans le feu de l’action lors d’une course, donc je suis excité comme tout le monde, mais je n'ai pas peur, je pense toujours positivement.

La semaine dernière à Bormio, c'est Cyprien Sarrazin qui a été victime d’une lourde chute lui causant un hématome au niveau du cerveau. Aux dernières nouvelles, il va devoir réapprendre certains gestes du quotidien comme s'asseoir, manger... Vous qui avez eu des blessures graves comme ça, pensez-vous qu'il pourrait remonter sur les skis?

J'espère vraiment que Cyprien pourra retrouver une vie "normale". Ce serait encore plus merveilleux s'il parvenait à revenir sur les pistes et au sommet du monde. Je crois profondément qu'un combattant comme lui peut y parvenir. Cependant, son esprit et son contrôle doivent coopérer pleinement pour prendre les bonnes décisions dans les situations les plus extrêmes. Je souhaite de tout cœur que tout se passe comme il le souhaite!

Quand on est un skieur de haut niveau, qu'on aime la compétition, après un tel choc, que se dit-on dans sa tête? Besoin de s'arrêter? Besoin d'essayer de revenir?

Je pense que c'est très personnel. Pour moi, il n'y a jamais eu de pensée directe d'arrêter pendant toutes mes blessures. Je me suis donné à fond avec le prochain objectif en tête. Certaines conditions de base doivent être réunies, comme une tête saine et fonctionnelle. Sinon, les sports extrêmes comme la descente ou le super-G peuvent provoquer des risques incalculables que je ne prendrais pas. Il y a trop de choses dans la vie qui sont encore plus importantes.

Propos recueillis par Léna Marjak