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UFC 305: Du Plessis-Adesanya, l’histoire d’une rivalité bouillante sur fond d’Afrique

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Champion des -84 kilos, Dricus Du Plessis défend sa ceinture contre l’ancien roi de la catégorie Israel Adesanya ce week-end en Australie lors de l’UFC 305 (en direct à partir de 2h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 1). Un combat entouré une grosse tension en raison de la forte rivalité entre les deux avec l'Afrique en toile de fond. Récit.

Les deux ont un peu mis le frein avec la même formule: "Rien de personnel." Mais difficile de les croire… L’actuel champion Dricus du Plessis et l’ancien roi de la catégorie Israel Adesanya vont se disputer plus que la ceinture des -84 kilos ce week-end à Perth (Australie) dans le combat principal de l’UFC 305. Il y a aussi l’idée d’une question d’honneur, conséquence d’une rivalité un poil malsaine sur fond d’Afrique à conclure. L’idée? Le Sud-Africain Du Plessis a revendiqué son statut de premier vrai champion africain – sous-entendu: qui vit sur ce continent – de l’histoire de l’UFC. Ce qui n’a pas du tout plu à Adesanya, combattant natif du Nigeria parti s’installer en Nouvelle-Zélande avec sa famille quand il avait dix ans et sacré avant lui dans la plus grande organisation de la planète MMA.

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Une tension qui dure depuis des mois, alimentée par un festival de punchlines qui flirtent plus ou moins avec la limite, et qui a encore trouvé un cadre d’expression ces dernières heures lors de la conférence de presse avant l’événement. Interrogé sur un retour en Afrique avec la ceinture s’il reprend le titre des poids moyens pour la troisième fois, ce qui lui permettrait de rejoindre Randy Couture dans l’histoire, Adesanya dresse la liste de ses voyages à venir: "Je vais au Nigeria mardi. Ensuite je serai en Afrique du Sud vendredi avant de revenir en Nouvelle-Zélande la semaine suivante. Je suis un enfant de la Terre."

Du Plessis attrape la balle au bond pour revenir sur un précédent échange via médias interposés où il avait expliqué que son rival avait grandi avec "des serviteurs pour le laver" au Nigeria en réponse à une déclaration où l’ancien champion avait expliqué que son futur adversaire avait été élevé dans une communauté protégée en Afrique du Sud: "Est-ce que tu amèneras tes domestiques avec toi quand tu vas revenir?" De quoi faire exploser Adesanya: "Ferme-la! Tu ne connais rien de mon histoire. Tu n’as aucune idée de qui je suis. (…) Mon père et moi devions nous lever à 4h du matin pour nettoyer pendant que ma mère étudiait pour devenir infirmière. Ne parle pas de moi si tu ne connais pas mon histoire!"

"Je suis le premier résident africain champion et tu ne peux rien faire pour changer ça", réplique le champion. Le challenger ne cache pas ses émotions et termine en pleurs en regardant ses parents présents dans la salle: "Il a touché un sujet sensible. Je fais ça pour ma famille, pour les gens que j’aime. Je me battrai toujours pour vous, je promets ça devant Dieu. Je suis un homme, un être humain, je peux pleurer mais aussi te botter le cul après. Je ressens l’amour de la foule. J’ai combattu ici pour la première fois en février 2018, à l’UFC 221, et c’était mon rêve qui se réalisait. Ce week-end, je vais tuer tes rêves!"

La genèse de cette chaude rivalité remonte à juillet 2022 avant l’UFC 276, carte où Adesanya défend sa couronne des moyens contre Jared Cannonier et où Du Plessis affronte Brad Tavares. Interrogé sur la possibilité d’un événement UFC en Afrique alors que trois des champions de l’époque sont nés sur ce continent, Adesanya, Kamaru Usman et Francis Ngannou, le Sud-Africain adresse un tir déguisé aux « Three Kings »: "Je représente mon pays chaque jour de ma vie". De retour dans l’octogone pour un combat face à Darren Till à l’UFC 282 en décembre 2022, époque où il ne reste plus qu’un seul champion africain (Ngannou, qui quittera l’organisation peu après), Du Plessis en remet une couche: "L’année prochaine, vous aurez enfin un champion africain qui résidera en Afrique!"

Les graines sont semées. Le Sud-Africain va y aller franco trois mois plus tard, en mars 2023, après avoir mis Derek Brunson TKO à l’UFC 285 pour s’ouvrir la voie des discussions pour le titre. "Est-ce qu’une ceinture est déjà revenue en Afrique? A ce que je sais, ils sont rentrés avec aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, lance Du Plessis. Je vais ramener la ceinture en Afrique. Avec mon compatriote Cameron Saaiman, on respire l’air africain. On se lève chaque jour en Afrique, on habite là-bas, on s’entraîne là-bas, on y est né, on y a été élevé. C’est ça d’être un champion africain. Et c’est ce que je serai."

Adesanya a pris note. Et le retour de bâton va être explosif dès le mois suivant. "The Last Stylebender" (son surnom) reprend la ceinture des -84 kilos en mettant KO son rival Alex Pereira à l’UFC 287. En conférence de presse, il sort la sulfateuse quand un journaliste met le sujet Du Plessis sur la table: "Je veux tellement lui botter le cul… Je veux le faire en Afrique du Sud ou au Nigeria. Je vais lui rappeler l’histoire. Il faut bien choisir ses mots quand on parle des gens qui sont passés avant vous et qui vous ont ouvert la voie. S’il continue de gagner, et je prie pour que ce soit le cas, je serai heureux de traîner sa carcasse à travers l’Afrique du Sud…"

Adesanya pousse encore un peu plus le bouchon sur sa chaîne YouTube, ultra motivé à l’idée de défendre sa ceinture contre Du Plessis pour "l’emmener à l’école, celle de la cage et celle de l’histoire": "Je n’ai jamais remis en question qu’il était africain car il est né en Afrique. Mais qui est-il pour me dire qui je suis? Qui est-il pour dire qui sont Usman ou Ngannou? Tu es un produit de la colonisation et tu essaies de me dire qui je suis. Tu peux enlever le garçon de l’Afrique mais tu ne peux jamais enlever l’Afrique du garçon. Ça m’a beaucoup énervé, et c’est pour ça qu’il sera mon prochain combat. Je ne veux affronter personne d’autre. (…) Je veux faire ce combat en Afrique du Sud ou quelque part en Afrique. Il pense que les gens là-bas vont le soutenir. Il ne comprend pas qui je suis. (…) Il a créé de la division et je n’aime pas ça. Il n’avait pas à le faire. Je vais détruire ce type. Je vais le torturer. Tu aurais pu avoir ce combat sans dire toutes ces merdes. Mais il faut faire attention à ce qu’on désire. Je vais le tabasser jusqu’à ce qu’il devienne noir."

Du Plessis est un Afrikaner, issu de la communauté blanche d’origine européenne (française pour sa famille), et le Nigérian exilé en Nouvelle-Zélande va en jouer plus d’une fois. Le summum de la tension arrive en juillet 2023 à Las Vegas à l’occasion de l’UFC 290. Pas favori, Du Plessis éteint l’ancien champion Robert Whittaker en moins de deux rounds et devient un challenger logique pour le titre. Mais Adesanya décide de monter dans l’octogone pour un face-à-face enflammé. Provocateur à souhait, le champion joue sur la couleur de peau du Sud-Africain en lançant plusieurs fois le mot "n****" et en évoquant son "frère africain" dans un discours qui titille ses origines: "Je n’ai pas besoin de test ADN pour savoir d’où je viens. Si je faisais un test, il dirait que je viens du Nigeria. Fais un test, il te dira d'où tu viens."

Du Plessis répond en conférence de presse: "Il est passé pour un clown. Un champion ne se comporte pas comme ça. Un homme ne se comporte pas comme ça. Il agit comme un gamin. Comporte-toi en champion, il y a des gens qui s’inspirent de toi…" Tout le monde les voit régler leurs comptes en septembre 2023 lors de l’UFC 293 organisé à Sydney (Australie). Mais le timing est trop court et le Sud-Africain, qui s’annonçait pourtant chaud après Whittaker, préfère remettre sa chance à plus tard. L’UFC le remplace par Sean Strickland, qui détrône Adesanya à la surprise générale avant de perdre son titre dès sa première défense en janvier dernier lors de l’UFC 297 contre… Du Plessis.

Un nouveau champion bien conscient de qui se trouvera face à lui pour le titre quelques mois plus tard. "Adesanya? Rien de personnel. C’est juste le combat que les fans veulent voir. Je veux affronter les meilleurs et il y a beaucoup de hype autour de ce combat. Les gens vont être très excités." Les paroles et les provocations ont été nombreuses, à l’image d’un tweet ultra graveleux signé Adesanya au sujet de son anatomie ces derniers jours. Ce week-end, il sera enfin l’heure de laisser place aux actes. "Ce n’est pas personnel car je ne le connais pas", tentait de désamorcer Adesanya ces derniers jours dans le podcast The Rock.

Avant de vite replonger: "Ce qu’il a dit sur Kamaru, Francis et moi, c’est du blasphème. Il ne serait pas champion sans nous. Nous lui avons ouvert la voie. On a rendu ça possible pour lui. Et la seule raison pour laquelle il peut le faire depuis son pays, c’est à cause de ses ancêtres et de ce qu’ils ont fait. Il ne le reconnaît même pas. Il a pu faire et dire ça car il peut vivre confortablement dans sa communauté, derrière une clôture. Et tu essaies de te moquer des gens qui ont tenté d’aller chercher une meilleure vie alors que tu ne connais pas leurs conditions de vie… Ce n’est pas personnel mais je veux juste lui arracher la tête pour ma paix mentale. Je me fous de la ceinture, ce sera mon trophée pour ce combat."

"Ce gars a besoin d’une source de motivation pour revenir dans la cage, lui a répondu Du Plessis. Il a ce fuel émotionnel car il est motivé par moi. De mon côté, je suis motivé par la grandeur." Il n’y a plus qu’à s'expliquer sportivement. Avec deux questions. Le Sud-Africain conservera-t-il sa couronne pour rêver d’un futur événement UFC dans son pays comme Dana White lui a promis ces derniers jours? Favori même si les cotes se sont resserrées au fil du temps, Israel Adesanya infligera-t-il à Dricus Du Plessis sa première défaite à l’UFC pour retrouver le trône des moyens (que le vainqueur devra ensuite défendre contre Strickland)? Seule certitude: quoi qu’il arrive, et peu importe ce qu’ils en disent, l’Afrique pourra bel et bien toujours revendiquer un champion UFC.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport