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UFC: Combien vont toucher Gane et Ngannou pour leur choc (et pourquoi les boxeurs sont mieux payés)

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Opposés ce week-end en Californie pour la couronne des lourds de l’UFC (en direct et en exclusivité sur RMC Sport), Ciryl Gane et Francis Ngannou vont toucher de jolis chèques pour ce combat tant attendu. Mais loin de ce que peuvent gagner les plus grandes stars des lourds en boxe. Explications.

Leur combat pour le trône des mastodontes est très attendu. Mais combien va-t-il leur rapporter? Le week-end prochain, à Anaheim (Californie), Francis Ngannou et Ciryl Gane vont se retrouver dans l’octogone de l’UFC pour se disputer la ceinture de champion incontesté des lourds de la principale organisation de MMA à travers la planète. Le sommet de leur discipline dans leur catégorie, quoi. Mais pas le sommet financier des sports de combat. Loin de là. Si aucun chiffre officiel n’est sorti, leurs bourses garanties seront au moins équivalentes et plus sûrement supérieures à celles de leur dernière apparition dans la cage: 500.000 dollars pour Ngannou dans le combat pour le titre face à Stipe Miocic en mars dernier, 350.000 dollars pour Gane dans celui pour la ceinture intérimaire en août face à Derrick Lewis.

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Les dernières rumeurs autour de l'événement UFC 270 évoquent ainsi 500.000 dollars garantis pour Gane et 750.000 pour Ngannou. Des montants avant impôts auxquels il faut rajouter différents bonus possibles, dont les "points de pay-per-view" (intéressement au pourcentage des ventes de PPV de l’événement) réservés aux champions et aux stars auxquels ils auront droit et qui peuvent bien gonfler le chèque en cas de carton d’audience comme ça se pratique aussi dans la boxe. Mais quoi qu’il arrive, la comparaison avec cette dernière fait mal.

Pour leur troisième combat pour le titre WBC des lourds, en octobre, Tyson Fury et Deontay Wilder ont respectivement gagné au moins (on n’a pas les chiffres exacts) 30 et 20 millions de dollars! Une différence abyssale soulignée il y a quelques mois par Jake Paul, le célèbre YouTubeur-boxeur, dans un post sur les réseaux sociaux adressé au patron exécutif de l’UFC Dana White: "Peut-être est-il temps de payer tes combattants de façon équitable? Pas étonnant qu’ils veuillent tous faire de la boxe. (…) Pourquoi ai-je pris plus dans mon troisième combat que n’importe qui à part deux combattants UFC (Khabib Nurmagomedov et Conor McGregor) dans l’histoire?" Question de structure.

Si le MMA et l’UFC continuent de connaître une énorme croissance populaire, avec des ventes de pay-per-view désormais très souvent supérieures à celles des stars du noble art, l’organisation de la boxe offre une plus grosse part du gâteau aux têtes d’affiche qui peuvent en profiter (ce qui n'est pas le cas de la base, on le verra): un système qui fonctionne comme un marché libre où différents promoteurs et différentes fédérations sont en concurrence et où les athlètes sont pour la plupart liés à des promoteurs-diffuseurs mais peuvent faire monter les enchères au moment de signer un contrat, sans oublier une loi américaine qui les protège financièrement (Muhammad Ali Boxing Reform Act). Certaines stars, comme Saul "Canelo" Alvarez aujourd’hui ou Floyd Mayweather dans le passé, parviennent même à s’affranchir du système pour devenir agents libres et négocier au plus haut de leur intérêt.

De l’autre côté, les combattants UFC appartiennent à une ligue privée et fermée qui détient tout pouvoir sur la façon dont ils sont rémunérés. Ils sont des travailleurs indépendants... mais pas libres, car ils signent des contrats – renégociables, bien sûr – pour un nombre défini de combats avec un montant fixe pour chaque apparition dans l’octogone. L’échelle, même s’il peut y avoir des exceptions, commence de 10.000 à 30.000 dollars le combat pour les nouveaux membres de l’UFC avant deux autres étages: un deuxième niveau entre 80.000 et 250.000 dollars le combat pour les athlètes de milieu de peloton et un troisième entre 500.000 et 3.000.000 (voire plus) pour les champions et les stars. Il faut rajouter, pour les deux premiers niveaux, un bonus de victoire. En gros, si vous combattez pour 50.000 dollars et sortez vainqueur, on rajoute 50.000 dollars en plus à votre chèque.

Il y a aussi des bonus distribués à chaque événement, pour un "combat de la soirée" et une "performance de la soirée", à hauteur de 50.000 dollars chacun, et les possibles points de pay-per-view. Depuis le partenariat avec Reebok lancé en 2015 et qui a permis de quitter l’époque où chaque combattant venait dans la cage avec ses propres sponsors sur ses habits et/ou sur la bannière dans son coin, un deal poursuivi avec la marque française Venum depuis avril 2021, un système de bonus basé sur l’ancienneté dans l’organisation mais aussi sur un bon comportement lors de la "fight week" (semaine du combat) permet en outre de mettre un peu de beurre dans les épinards: 42.000 dollars pour un champion qui défend sa ceinture, 32.000 pour un challenger pour un titre, 21.000 pour un athlète qui compte 21 combats ou plus à l’UFC et ainsi de suite jusqu’à 4000 pour un athlète qui débute dans l’organisation ou présente entre un et trois combats à l’UFC, des montants tous en (légère) augmentation depuis l’arrivée de Venum.

Le premier "main event" (combat principal d'une carte) de Gane à l’UFC, fin février 2021 face à Jairzinho Rozenstruik, lui avait par exemple rapporté 105.000 dollars: 50.000 pour combattre, 50.000 pour sa victoire, 5000 de bonus sur l’ancienneté. Sur la même carte, l’Américain Alex Caceres, pourtant pas classé chez les plumes alors que Gane appartenait déjà au top 10 des lourds mais qui montait pour la vingt-quatrième fois dans l’octogone de l’UFC où il a commencé en 2011, avait de son côté pris 148.000 dollars, 64.000 pour combattre, 64.000 pour sa victoire et 20.000 de bonus ancienneté, contre… 15.500 dollars pour son adversaire battu, Kevin Croom, qui combattait pour la deuxième fois seulement à l’UFC! Avec tout ça, sur l’année 2020, les combattants UFC ont en moyenne touché 147.965 dollars (38% de l’effectif a touché un montant à six chiffres au moins), une somme qui monte à 1.001.071 dollars pour les quatorze combattants ayant détenu une ceinture, champions intérimaires compris.

Si aucun calcul précis n’existe en boxe, la moyenne pour les champions du monde tournerait entre deux et cinq millions de dollars par combat, même si les écarts entre deux détenteurs d’une ceinture peuvent être énormes. A plus basse échelle, la moyenne pour les boxeurs professionnels de moyen niveau se situerait entre 22.000 et 51.000 dollars. Moins que celle à l’UFC – où il faut noter que les femmes sont sur la même grille de rémunération que les hommes, ce qui est très loin d’être le cas dans la boxe – mais sans doute au-dessus de celle du MMA dans son ensemble si on prend en compte toutes les organisations à travers le monde. Dans les deux cas, certains débutants doivent se contenter de quelques centaines de dollars pour mettre leur intégrité physique en jeu dans le ring ou dans la cage et le grand écart entre les grands noms et cette base qui doit souvent travailler à côté pour s'en sortir est énorme. Avec un constat: l'UFC paye mieux ses athlètes que la boxe quand ils sont dans l'escalier vers les sommets mais moins bien une fois qu'ils sont tout en haut. Mais la règle a aussi ses exceptions.

Il pourrait ainsi paraître paradoxal vu ce qu’on a écrit de voir un certain Conor McGregor au sommet du dernier classement Forbes des athlètes les mieux rémunérés de la planète devant Lionel Messi et Cristiano Ronaldo avec 180 millions de dollars sur l'année 2020. Mais la superstar irlandaise de l’UFC, qui annonce gagner plusieurs dizaines de millions de dollars par combat, ce qui se comprend vu son statut, doit surtout sa position à ses activités hors octogone (sa marque de whiskey en premier lieu). Lorsqu’il dominait ce classement, Mayweather – qui a permis à McGregor de toucher son plus gros chèque sportif en carrière pour leur combat de boxe à l’été 2017 – le faisait plus en accumulant les millions sur le ring après avoir pris le risque (payant) d’être son propre promoteur sur sa fin de carrière.

Bref, le constat est clair: il faut savoir "se vendre", dans tous les sens du terme, le sportif comme le reste, pour toucher le jackpot promis aux plus grands boxeurs de la planète quand on est un combattant UFC. Le reproche fait à cette dernière – qui peut vous enlever jusqu’à 30% de la bourse pour une pesée ratée ou décider de ne pas vous payer si un combat est annulé à la dernière minute pour une raison ou une autre – touche en fait au pourcentage des gains sur un événement qui leur est reversé. Il serait autour de 18%. Loin de ce que versent les principales ligues du sport US comme la NFL ou la NBA à leurs acteurs du jeu. Et pas équitable de la part d’une organisation qui bat ses records de revenus année après année au point de dépasser le milliard de dollars sur ce plan en 2021.

Le Bellator, deuxième organisation de MMA à travers la planète, lâcherait par exemple beaucoup plus. Corey Anderson, ancien combattant UFC passé au Bellator, avait même lâché il y a quelques mois sur les réseaux sociaux: "En deux combats au Bellator, j’ai touché le double de ce que j’ai pris en quinze combats (onze victoires, deux bonus) à l’UFC". S’il dit vrai, ce dont on peut vraiment douter vu les bourses pratiquées par son organisation, alors la possibilité de prendre des sponsors personnels au Bellator est un immense plus financier et les combattants UFC peuvent maudire les deals avec les équipementiers Reebok puis Venum. Mais alors, que faire pour permettre aux combattants UFC, dont beaucoup ont déjà pointé leurs difficultés financières (car il faut payer le camp d'entraînement, le manager, etc) au point de voir certaines combattantes lancer un compte OnlyFans pour joindre les deux bouts, d’être mieux payés ou en tout cas à leur juste valeur? Un Ali Act version MMA aiderait sans doute, mais il modifierait tout dans le milieu (l’UFC n’aurait plus le droit de sanctionner un combat pour un titre en tant que promoteur, il faudrait une entité au-dessus).

Il faudra sans doute un syndicat des athlètes, comme en NBA ou en NFL, pour présenter une force collective dans les négociations. Il faudra peut-être aussi que les stars de l’UFC fassent bouger les lignes. Plusieurs ont exprimé des plaintes à ce sujet, comme Jorge Masvidal ou Jon Jones, qui aurait selon White réclamé 30 millions de dollars l'an dernier pour affronter Ngannou pour la ceinture des lourds. En fin de contrat avec l’UFC après le choc contre Gane, avec une clause de renouvellement automatique pour un an ou trois combats s’il conserve son titre, le Camerounais s’est lui aussi lancé dans cette bataille: "The Predator" annonce qu’il ne signera pas de nouvel engagement à l’UFC aux mêmes conditions, qu’il annonce "autour de 500.000 ou 600.000 par combat", et souhaite inclure une clause lui permettant de se frotter au monde de la boxe, son rêve d’enfance, où il ne viendrait pas seulement pour la gloire comme il l’a expliqué au site bjpenn.com: "A un moment donné, je vais aller chercher cet argent ailleurs. Ce n’est pas normal que je doive emprunter de l’argent pour mon camp d’entraînement."

Cette dernière phrase, dont il faudrait vérifier l’exactitude, paraît terrible pour l’UFC. S’il mériterait sans doute mieux vu ses performances, elle peut aussi pointer le fait que le garçon ne gère pas au mieux ses finances. On finit par une phrase de Fernand Lopez, patron du MMA Factory et coach de Gane, qui explique son discours au combattant français quand il a fallu le convaincre de faire la transition du muay-thaï au MMA en 2017: "Il me dit qu’il fait les combats pour gagner un peu d’argent. Je lui réponds: 'Tu n’es pas un mec qui a vraiment besoin d’argent, tu as besoin de réussir, je te garantis que tu as le potentiel pour devenir millionnaire dans quelques années. Mais tu vas manger du pain noir pendant un an où tu n’auras pas grand-chose.'" Boxe ou MMA, et même si c’est plus simple dans la première, il faut surtout devenir une star pour faire grossir son compte. Et Gane est en train d’y arriver.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport