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UFC: Mohammed Usman, un nom qui parle et une histoire folle

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Il a joué au foot US en Suède. Il a été un vendeur efficace dans une salle de sport. Il a perdu un fils qui s’est noyé dans une piscine à deux ans. Petit frère de Kamaru (champion des welters de l’UFC), Mohammed Usman a déjà connu plusieurs vies et l’horreur. Portrait avant son combat contre Zac Pauga pour la finale du TUF (The Ultimate Fighter) ce week-end à Las Vegas (en direct et en exclusivité à 4h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 2), après quoi il pourrait rejoindre pour le bon la prestigieuse UFC.

Il est le petit frère. Mais vu son gabarit, le mot "petit" perd son sens. Mohammed Usman, qui combat Zac Pauga ce week-end à Las Vegas pour la finale de l’émission The Ultimate Fighter (TUF), est un beau bébé de 112 kilos pour 1,88 mètre. Bien plus mastodonte que son frangin, Kamaru Usman, champion des welters de l’UFC et considéré par beaucoup comme le meilleur combattant de la planète. "Un modèle à suivre" pour le petit (moins de deux ans d’écart) : "Je me nourris de son éthique de travail et ça se traduit dans ce que je fais". Sans pour autant tirer une parallèle. Car "Mo" Usman n’a pas connu la même trajectoire que Kamaru pour arriver au MMA.

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A l’enfance, les deux ont débarqué du Nigeria au Texas, où papa s’était installé pour offrir un meilleur avenir aux siens. Mais au lycée (Bowie High School), s’il suit les pas de Kamaru en s’essayant à la lutte, Mohammed préfère le combat version foot américain. Defensive end (il avait commencé comme running back), poste où le défi physique est omniprésent, il rejoint l’université des Houston Cougars mais un problème avec ses notes le rend inéligible pour la Division 1 NCAA et l’oblige à rejoindre un junior college (établissement à cycle court de deux ans), le Navarro Community College, où il va notamment croiser la route d’un certain Cam Newton, futur numéro 1 de la draft NFL 2011 alors quarterback au Blinn College, à qui il inflige trois sacks en un match.

Il finit par revenir en Division 1 universitaire, chez les Arizona Wildcats, où il s’amuse à terroriser à l’entraînement le quarterback Nick Foles, futur vainqueur du SuperBowl (et MVP du match) avec les Philadelphie Eagles. Le garçon rêve de NFL et estime en avoir le talent. Mais un manque de chance le jour de son "pro day" à Arizona, quand les scouts de différentes franchises doivent l’observer, s’en mêle: un terrible orage éclate et seul Foles peut se montrer à l’œuvre avant de voir la démonstration annulée. Alors qu’il se prépare pour la draft NFL 2012, où il ne sera pas retenu, Mohammed découvre le MMA via les débuts de Kamaru, qui a quitté la lutte pour se lancer dans la discipline.

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Peu à peu, il va tomber amoureux de ce sport. Mais le foot US reste sa priorité et il rejoint… la Suède, où il va évoluer sous le maillot des Uppsala 86ers, expérience dont il a gardé "des amis pour la vie". Elu "meilleur joueur étranger" en Suède, il retraverse l’Atlantique avec l’idée de trouver un chemin vers la NFL. Alors qu’il s’entraîne à San Diego, où il vit avec le joueur des Chargers D.J. Fluker, sa compagne tombe enceinte et Mohammed doit retourner au Texas. Où il prend un job de manager général assistant dans une salle de sport de la chaîne LA Fitness à qui son bagout rapporte 50.000 dollars d’inscriptions à des cours particuliers (LA Fitness voulait alors lui donner sa propre salle). Mais le sport de haut niveau reste dans un coin de sa tête et il finit par démissionner.

Assigné aux Arizona Rattlers de l’Arena Football League pour la saison 2016, il va pourtant dire adieu au foot US. Et bonjour à la bagarre. Presque sur un coup de tête. "Je m’entraînais pendant une pause repas et j’ai dit à mon coach: 'Merde à ce truc, je veux combattre!'", racontait-il en 2020. En cinq mois, il perd douze kilos pour affûter son corps à son nouveau choix. Il commence à s’entraîner au Texas avec Steven Wright, coach spécialisé en kickboxing, avant de poursuivre dans l’Arizona sous la houlette de Chris Cariaso, challenger de Demetrious Johnson pour la ceinture des mouches de l’UFC en 2014, chez qui il partage les séances des combattants des petites catégories pour améliorer encore sa vitesse et son explosivité.

Il passe aussi par la Floride et la salle des Blackzilians, l’équipe dans laquelle s’entraîne son frère, où il se lie d’amitié avec Tyrone Spong, ancien kickboxeur et combattant de MMA passé à la boxe, et Rashad Evans, ancien champion des lourds-légers de l’UFC. Le premier lui donne de précieux conseils. Le second fait une prédiction qui met de l’essence dans son moteur: "Si tu mets autant d’efforts dans le MMA que dans le foot US, tu deviendras champion du monde". Plus prudent, son frère lui rappelle que ce chemin est synonyme de prendre des coups pleine force dans la poire. Mais malgré un essai à la WWE, où il réalise que le catch professionnel n’est pas fait pour lui, son choix est fait, renforcé par la réussite de son frère qui rejoint l’UFC en 2015 et remporte… l’émission TUF. En cas de victoire ce samedi, les Usman marqueraient ainsi l’histoire en devenant la première paire de frangins tous les deux sacrés au TUF.

Pour Mohammed, les débuts professionnels arrivent en mai 2017, lors de l’événement Tachi Palace Fights 31 en Californie. Pas de passage par les amateurs car le garçon sait déjà ce qu’il veut, tout sauf hypocrite: "C’est un sport mais c’est aussi du business. Tu ne veux pas te faire frapper sans gagner de l’argent." Après deux victoires en autant de combats chez TPF, un entraînement va gonfler sa confiance: Usman sparre pendant près de quarante minutes avec Francis Ngannou, pas encore champion des lourds de l’UFC mais déjà machine surpuissante, pour une séance de grappling de plus en plus intense. "Personne n’abandonnait car on voulait montrer qui était le plus fort, se souvenait-il en 2020. Tout le monde nous regardait dans la salle et j’ai gagné leur respect. Après ça, je savais que j’avais le niveau."

"Tu es devenu un combattant"

Mais il faudra attendre deux autres combats et sa première défaite, sur décision unanime contre le futur combattant UFC Don’Tale Mayes au Victory Fighting Championship 60 en avril 2018, pour que son frère le considère comme "un vrai": "Pour lui, jusque-là, j’étais toujours un joueur de foot US. Ce n’est pas le fait que j’avais perdu mais le fait que je m’étais battu et relevé jusqu’au bout. Il m’a dit: 'Tu es devenu un combattant, je suis fier de toi'." A l’époque, il se bat pour la garde de son fils et n’est "pas assez concentré", "trop rempli de rage". Il en tire une leçon, "ne rien apporter dans la cage à part (s)a concentration". "Je me suis dit que je n’allais plus perdre", se souvient-il. Une prédiction fausse mais signe d’un état d’esprit conquérant.

La suite l’envoie au Titan FC, une organisation régionale, où il signe trois victoires en 2019, dont la dernière via un KO en quarante-huit secondes. Une année où celui dont le père est alors encore enfermé en prison va croiser l’horreur: son fils de deux ans, Nash, décède en juillet après s’être noyé accidentellement dans une piscine. "Certains jours sont meilleurs que d’autres, avoue-t-il à l’évocation de son fils disparu, mais je ne peux pas revenir en arrière ou rester sur place, car les gens avancent et font ce qu’ils ont à faire pour nourrir leur famille. Tout arrive pour une raison et Dieu m’a mis sur ce chemin pour une raison. Je veux montrer aux gens qu’il ne faut pas abandonner dans sa vie mais continuer à aller de l’avant."

Les frères Mohammed (à gauche) et Kamaru Usman
Les frères Mohammed (à gauche) et Kamaru Usman © DR/Instagram

Quelques mois plus tard, Kamaru dédiera sa victoire par TKO sur Colby Covington lors de l'UFC 245 à ce frère présent dans son coin – comme chaque fois l’un pour l’autre, sauf empêchement comme lors de l’UFC 262 où Kamaru a dû le remplacer par Ngannou pour son combat remporté par KO face à Jorge Masvidal car Mohammed était déjà en quarantaine pour la "bulle" sanitaire du PFL. Alors à 6-1 en carrière et vu comme un bel espoir, "Mo" attise les convoitises. UFC, Bellator, ONE: toutes les plus grosses organisations de la planète le contactent. Il pense rejoindre Kamaru dans la plus grande mais le PFL arrive à la dernière minute et le fait changer d’avis, un choix validé par le frangin. "Ils sont venus avec une meilleure offre, c’est aussi simple que ça", expliquait-il fin 2020.

La formule du PFL, organisé en saisons avec des playoffs et un million de dollars au vainqueur du tournoi de chaque catégorie, parle aussi à cet ancien du foot US: "C’était la meilleure plateforme pour permettre à ma carrière de continuer à grandir". Usman doit participer à la saison 2020 du PFL. Mais l’organisation annule tout son programme en raison de la pandémie de Covid. Ce qui ne l’empêche pas de dénicher un combat : son équipe de management convainc le PFL – qui lui donne alors aussi un peu d’argent tous les mois pour "nourrir (s)a famille" et "survivre" – de le libérer pour aller se défouler dans un retour vers le passé au Titan FC 63, en août, pour une victoire par décision unanime sur Terrance Hodges.

"Je visualise la ceinture autour de ma taille"

Place ensuite à la saison 2021 du PFL et son tournoi des lourds, où il s’incline dès son premier combat contre l’Américain Brandon Sayles malgré une préparation en altitude auprès de son frère dans la salle de l’Elevation Fight Team à Denver (Colorado), où s'entraîne d'ailleurs son adversaire de ce week-end. A l’époque, le membre de l’équipe Fortis MMA de Dallas (Texas) assure ne pas vouloir rejoindre l’UFC avant d’avoir gagné le titre au PFL. Mais il a déjà la plus grande organisation de MMA en tête. Avec une image. "Avant chaque séance d’entraînement, je visualise la ceinture autour de ma taille, confiait-il en 2019. Et je visualise mon frère à mes côtés avec sa ceinture. Tout ça va devenir réalité."

Cette défaite au PFL va accélérer le rapprochement. Le Nigérian rejoint le casting de la trentième saison du TUF, où il fait partie de l’équipe de Julianna Pena (opposée à celle d’Amanda Nunes). Deux victoires par décision plus tard, sur Mitchell Stipe et Eduardo Perez, le voilà en finale. Où il peut s’ouvrir pour de bon les portes de la prestigieuse UFC en cas de victoire, et peut-être même en cas de défaite vu son nom.

Moins orienté lutte que Kamaru, plus puncheur de nature même si le grand frère s’améliore de plus en plus en striking, Mohammed se sert dans la cage de son passé sur les terrains, dont il a tiré le surnom "The Motor" car il ne s’arrêtait pas de faire des efforts "jusqu’au coup de sifflet final, et c'est pareil en MMA". "Je suis un bagarreur mais j’ai joué au foot US et dans mon esprit, personne ne va m’empêcher de l’amener au sol, sourit-il. Je ne suis pas un combattant à une seule dimension. Je peux tout faire."

S’il compte trois KO/TKO en carrière, il présente également deux soumissions (kimura à chaque fois) sur un C.V. au bilan professionnel de 7-2. Alors qu’il se définissait comme "un bulldozer qui rentre dedans et met l’autre sous pression" à ses débuts, il est devenu "moins prévisible" mais reconnaît devoir encore s’améliorer partout. Comme son frère, avec qui il "(s)’amuserai(t)" en cas de combat tant la différence de gabarit est grande, il veut marquer son passage dans la discipline et devenir un des meilleurs. Comme Kamaru et Kash, l’autre membre de la fratrie devenu pharmacien comme papa, il souhaite aussi être un exemple: "Que les gens prennent notre histoire et sachent que si tu crois vraiment en toi et que tu fais les efforts, il n’y a rien que tu ne puisses accomplir".

"Nés pour combattre"

Surtout quand on vient d’où ils viennent. "Nos esprits marchent différemment car nous avons vraiment connu la misère, racontait-il en 2019. Beaucoup disent cela mais ils ne comprennent pas car ils n’ont pas vécu dans un pays du tiers-monde. Ils n’ont pas eu à marcher entre huit et dix kilomètres avec leur mère pour qu’elle puisse vendre des habits pour bébé et que vous ayez de quoi manger ce jour-là avant de revenir dans un village sans électricité. Je porte sur mes épaules l’envie d’y arriver pour mes coaches et ma famille mais aussi mon héritage. Pour nous, ça va au-delà de combattre. On essaie de montrer au monde que nous, les Africains, les Nigérians, sommes faits d’un autre métal." Et encore plus la fratrie Usman: "Nous sommes nés pour combattre".

Avec des catégories très différentes, les comparaisons avec Kamaru n’ont aucun sens. Mais elles sont inévitables. "J’adore ça, a-t-il répondu ces derniers jours e conférence de presse. C’est un Usman. C’est notre nom de famille. Je suis ici grâce à mon frère dans le sens où il a commencé tout ça avant moi. J’ai dû travailler dur pour en arriver là. Se battre, c’est se battre. Ce n’est pas genre: 'Oh, Kamaru est ton frère, alors on va juste te pousser jusqu’au sommet'. Comme si je n’avais pas à affronter des monstres de 120 kilos pour être ici… Dire qu’on me met ici juste parce que mon frère est Kamaru Usman, c’est faux."

A trente-trois ans, "Mo" a encore un avenir doré possible dans une catégorie à maturation tardive. Ce diplômé en études générales de l’université d’Arizona regarde déjà loin. "Je ne vois pas un seul poids lourd me résister une fois que j’aurai de l’expérience", lance-t-il comme un défi. Il y a déjà un Usman sur le trône. Maman et papa (sorti de prison), qui ont aidé les frères à s’endurcir mentalement car le second ne voulait pas les voir "revenir à la maison avec une défaite", seraient ravis d’en accueillir un autre à la maison dans le futur.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport