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UFC Paris: Pourquoi Ciryl Gane a changé de dimension en une soirée (et quelle suite pour lui?)

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Attendu au tournant après sa défaite contre Francis Ngannou pour le titre des lourds, Ciryl Gane a plus que répondu présent samedi soir contre Tai Tuivasa dans le combat principal de l’UFC Paris. Malmené comme jamais, "Bon Gamin" a su réveiller la bête et montrer son côté guerrier. Un immense champion, au regard désormais tourné vers une nouvelle chance pour la ceinture.

Dans le sport, il y a parfois des instants qui changent une carrière. Voire presque une vie. Quand on se retournera sur la carrière de Ciryl Gane, le plus tard possible, on le pointera peut-être au samedi 3 septembre, tard dans une soirée à jamais inoubliable pour le MMA en France. C’était la première à Paris dans l’histoire de l’UFC, la plus grande organisation de la discipline, et "Bon Gamin" jouait gros devant une foule acquise à sa cause. Il fallait se remettre de la défaite contre Francis Ngannou pour le titre incontesté des lourds, il y a un peu plus de sept mois, et rappeler qu’il avait bien l’étoffe d’un champion.

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A force de déclarations dans l’autre sens, on avait fini par se questionner sur ce thème. On a eu notre réponse. Eclatante. Ciryl Gane est un immense champion. Mis à terre via knockdown par le puissant Tai Tuivasa dans le deuxième round, après une première reprise où il avait comme d’habitude fait parler la qualité de son striking et de ses déplacements, l’ancien champion intérimaire de la catégorie n’avait jamais connu dans sa carrière pro en MMA. Mais il a su se relever. Et c’est comme si un déclic l’avait touché son esprit. Pas moyen de perdre comme ça, devant les siens. S’il fallait chuter, Gane le ferait les armes à la main. En guerrier.

Alors il s’est lancé à la bagarre, porté par un peuple en fusion qui lui a lancé une Marseillaise à faire frissonner même le moins émotif. Il a tout envoyé pleine patate, ses poings, ses genoux, ses jambes, avec notamment ses puissants front kicks qui martyrisaient le plexus de "Bam Bam" Tuivasa, touchant à la tête et surtout au corps où il construisait son travail de sape coup après coup. Il a plus utilisé son jab et surtout ses jambes qui font si mal. Une prestation "animale" comme jamais jusque-là dans son parcours dans le MMA, jusqu’à terminer son adversaire (tellement valeureux vu ce qu’il a encaissé) dans la troisième reprise, après plusieurs rebondissements parfaits pour le scénario du choc de cette première française de l'UFC, et prendre logiquement le bonus de "combat de la soirée".

Il a aussi été touché mais il a prouvé que son menton savat résister. Et être tombé n’aura fait que donner plus de grandeur à sa prestation. "Il m’a éteint la lumière, je suis tombé, commentait-il au micro juste après sa victoire déjà rentrée dans l’animal. Je suis un guerrier. Peu importe si je tombe, je me relève, il n’y a pas de souci! Les gens doutaient de ça parce que j’avais l’habitude de bouger mais aujourd’hui, je montre que je sais tout faire. J’ai cherché à l’affaiblir au corps. C’est un très dangereux striker et je suis tombé alors que je n’étais jamais tombé dans ma carrière. Ça prouve bien sa dangerosité. Mais j’y ai été étape par étape, je l’ai touché, je lui ai abîmé le visage, j’ai été en bas, en haut, au foie. On a essayé d’être complet."

Si certains doutaient de son âme de guerrier, il les a tous récupérés dans son sillage. Dans cette révolte intérieure qui a mené au succès, on a retrouvé le striking plus agressif et offensif du Gane version muay thaî – son premier sport de combat – et cette nouvelle (mais ancienne) version de lui-même lui offre une palette bien plus large dans l’approche et la gestion des combats. Elle a d’ailleurs beaucoup plu à Dana White, patron de l’UFC, qui l’a félicité via les réseaux sociaux alors qu’il l’avait critiqué en février 2021 pour une prestation jugée trop terne contre Jairzinho Rozenstruik. Elle va aussi faire un peu plus peur encore à ses prochains adversaires, qui devront faire face à un problème de plus pour tenter de résoudre l’équation "Bon Gamin".

La suite, justement. Quel programme? Au micro, et alors que Ngannou était bien assis près de la cage, Gane ne s’est pas caché: "Peu importe qui… Dana, je veux revenir tout de suite à la ceinture! S’il-te-plaît!" Touché à une côte pendant la préparation, blessé à la main pendant le combat, le Français également ouvert à disputer une ceinture intérimaire va d’abord prendre du repos bien mérité et réparer son corps. Mais sa performance face à Tuivasa lui donne beaucoup de crédit pour retrouver une nouvelle chance pour le titre. Tout dépendra de ce qui va se passer dans une catégorie dont les sommets exposent aujourd’hui des contours flous.

Le champion, Ngannou, est encore loin d’un retour dans la cage après son opération au genou des derniers mois. Il a repris le chemin de l'entraînement mais se dit totalement hors de forme. Il est surtout en bisbille contractuelle avec l’UFC et on ne peut pas assurer qu’on le reverra combattre un jour dans cette organisation, même si on rêve bien sûr d’une revanche après un premier combat où Gane n’est pas passé loin du sacre. A côté, il y a aussi Jon Jones, l’ancien roi des lourds-légers en quête d’une ceinture dans une deuxième catégorie, et Stipe Miocic, l’ancien champion des lourds. La rumeur les liait pour un combat pour la ceinture intérimaire en décembre à Las Vegas. Mais rien n’a pour l’instant été officialisé. Et les demandes financières de Jones sont un obstacle qui nécessite beaucoup de travail pour être contourné.

On aurait pu espérer un combat avec Tom Aspinall, l’autre gros talent européen des lourds du moment, mais ce dernier s’est gravement blessé dès le début de son choc contre Curtis Blaydes en juillet à Londres. Blaydes, lutteur dont le style proposerait un joli défi à Gane, pourrait être une solution si "Bon Gamin" doit attendre son tour pour redevenir challenger pour le titre, même s’il n’a rien à y gagner. Il y a aussi le Russe Sergei Pavlovich, dans le top 5 des challengers, mais cela n’aurait pas de sens pour le Français après avoir battu un Tuivasa mieux classé. Les prochaines semaines devraient régler tout ce micmac.

Seule certitude: Ciryl Gane ne va pas quitter les cimes des lourds de l’UFC de sitôt. Il a trop de talent pour ça. Et un sacré mental de guerrier, déjà prouvé dans le passé au TKO (organisation canadienne où il a fait ses débuts pro) ou à l’UFC quand il a remporté des batailles malgré de lourdes blessures (poumon perforé, pneumothorax). Pour son développement, la France du MMA possède "un des meilleurs publics de la planète" selon Gane (et il a bien raison vu que qu’on a vu samedi). Avec lui, elle possède aussi le meilleur porte-étendard possible.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport