Tennis: une faveur donnée aux meilleurs joueurs pour les tests anti-dopage ?

Il semblerait que le monde du tennis ait violé l’esprit, sinon la règle, du code de l’agence mondiale antidopage, selon une enquête du Daily Mail. Celle-ci révèle que la Fédération internationale de tennis (ITF) laisse depuis plusieurs années les joueurs organiser leurs propres contrôles antidopage. Dans le viseur des journalistes: Nicole Sapstead, l’ancienne directrice générale de l’agence antidopage britannique (UKAD), qu’elle a quitté en 2021 pour prendre la direction du programme antidopage de l’ITF, géré par l'Agence internationale pour l’intégrité du tennis (ITIA), un organisme indépendant.
Le Daily Mail a obtenu des preuves que Sapstead a écrit aux joueurs pour les informer qu'ils seraient testés dans les jours précédant le Masters 1000 de Miami. Les joueurs ont ainsi été invités à réserver des créneaux horaires pour des tests de dépistage avant le début du tournoi. Les joueurs pouvaient ainsi être prévenus jusqu'à quatre jours à l'avance de leur test. "Les rendez-vous pour fournir votre échantillon de PBA (ndlr, Passeport biologique de l’athlète) auront lieu entre 9h et 18h chaque jour (entre le 19 et le 22 mars 2022) et seront attribués selon le principe du premier arrivé, premier servi", indique un mail dévoilé par le Daily Mail.
L'ITF accusé de gonfler les chiffres des contrôles effectués
Selon le Daily Mail, l’ITF aurait procédé de la même manière avant Roland-Garros en 2019 et l’US Open en 2022, avertissant les joueurs qu'ils devraient soumettre un échantillon de sang dans le cadre du passeport biologique de l’athlète. "Sauf circonstances exceptionnelles et justifiables, aucun préavis ne sera donné pour le prélèvement des échantillons", spécifie pourtant le code de l’AMA, dont la dernière mise à jour a été effectuée en 2021. Le but étant de ne pas permettre aux tricheurs potentiels d'échapper à la détection en les avertissant qu'ils devront fournir un échantillon. D'où les contrôles inopinés.
Accusée de laxisme, l’ITIA défend sa politique permissive en expliquant que cela lui permet d’effectuer davantage de tests. L'objectif étant de "recueillir des données auprès du plus grand nombre de joueurs possible afin de disposer d'un ensemble de données le plus large possible", a déclaré l'ITIA dans un communiqué transmis au Daily Mail. Si les scandales y sont moins fréquents que dans d’autres sports, le tennis n’échappe pas à tout soupçon, en raison de l’opacité du sujet et du faible nombre de contrôles effectués chaque année.
Le Daily Mail accuse justement l'ITF de gonfler les chiffres de ses tests, après avoir constaté que la fédération internationale comptait chaque échantillon prélevé lors d'un contrôle comme s'il s'agissait d'un test unique à chaque fois. Jean-Pierre Verdy, ancien responsable de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), entre 2006 et 2015, décrit très bien dans son livre Dopage, ma guerre contre les tricheurs, les rapports de force en coulisses, dans le monde du tennis.
"Travailler avec l’Association des tennismen professionnels (ATP) et la Fédération internationale de tennis (ITF) a toujours été très compliqué", confirme-t-il dans son ouvrage. Il y raconte comment l’AFLD s’est attirée les foudres de l’ITF et de Rafael Nadal pour avoir souhaité réaliser des contrôles inopinés avant le tournoi de Bercy: "C’est la seule et dernière fois que nous avons pu procéder à des contrôles inopinés, et ciblés par nos soins, sur ces grands tournois de tennis en France."