Zverev, Tsitsipas, Tiafoe… Pourquoi les récents pétages de plomb sont révélateurs d’un profond mal-être dans le tennis

Comme si le ciel de Shanghai, où la pluie est tombée en abondance ces derniers jours, avait décidé d’épouser l’état psychologique de certains joueurs du circuit. Sous la grisaille chinoise, ils sont nombreux à avoir perdu les pédales depuis le début du Masters 1000. Alexander Zverev, Frances Tiafoe, Stefanos Tsitsipas… En moins de 24 heures, trois pétages de plomb ont fait les gros titres. Un simple vent de révolte contre les arbitres de chaise, à chaque fois pris pour cible? Sans doute bien plus que ça.
Au milieu des reproches sur les décisions arbitrales, un profond mal-être peut être décelé. Comme si les arbitres n’étaient au final que les victimes collatérales d’un circuit mondial éprouvant. "Trois putains d'heures que je me bats et que je m'arrache, que je joue ma vie", a par exemple lâché Frances Tiafoe après avoir insulté Jimmy Pinoargote. "Tu es assis sur une chaise confortable. Moi, je me tue à la tâche à 21 heures. Et je le fais depuis neuf mois cette année", a de son côté pesté Alexander Zverev lors de sa prise de bec avec Mohamed Lahyani.
Tsitsipas: "Une sorte d'épuisement professionnel"
Les joueurs apparaissent donc à bout de nerf, épuisés par la longueur d’une saison de tennis interminable. "Un des rares sports où les joueurs sont à droite et à gauche au moins 35 à 40 semaines par an", souligne Christophe Bernelle, ancien joueur et responsable du pôle mental à la FFT, dans les colonnes de L’Équipe.
Sport solitaire, le tennis apparaît ainsi comme une lessiveuse. Récemment, Iga Swiatek, N°1 mondiale, a utilisé l’image d’un "tourbillon sans fin qui ne laisse aucun instant de repos" pour décrire la saison. Des mots qui font forcément écho au témoignage poignant de Caroline Garcia.
Fin septembre, la Française, à bout mentalement, a décidé de mettre fin à sa saison. "J’ai besoin de faire une pause. J’ai besoin de m’éloigner de la routine constante du tennis, de prendre de vraies vacances, de me reconnecter avec ma famille et mes proches, et de me permettre de respirer sans la pression de la performance", a confié la demi-finaliste de l’US Open 2022 sur ses réseaux sociaux. Désormais 36e mondiale, Garcia se dit "épuisée par l’anxiété, les crises de panique, les larmes avant les matchs" mais aussi "fatiguée de vivre dans un monde où ma valeur est mesurée par les résultats de la semaine dernière, mon classement ou mes fautes directes".
Après son élimination dès le premier tour de l’US Open, fin août, Tsitsipas a fait part d’un mal-être similaire. "Je n'ai plus rien à voir avec le joueur que j'étais avant", s’est attristé le Grec. "Je me souviens de moi lorsque j'étais plus jeune et que je jouais avec de l'adrénaline. J'avais l'impression que ma vie dépendait du match, mais ces choses se sont estompées. J'ai l'impression qu'il y a une sorte d'épuisement professionnel à long terme." Et les arbitres du Masters 1000 de Shanghai en sont les premiers témoins.