Virtual Regatta, J9: "François Gabart n’arrête pas de me suivre alors que je ne sais pas naviguer"

Nous sommes plus de 800.000 à user nos nerfs sur les vents capricieux de Virtual Regatta, et il a fallu qu’il choisisse mon sillage. Ça fait six jours maintenant que son bateau rose me renifle la poupe, s’éloignant tout au plus de quelques degrés. Honneur… et malédiction. Avoir le vrai François Gabart derrière soi quand on distingue tout juste son bâbord de son tribord, c’est cool, mais ça change quand même pas mal la donne.

Avec ce bon vieux François, on vient de passer au large du Cap Vert. On était dans le groupe de tête après le passage de la tempête Thêta, avant de rétrograder au classement en choisissant une option moins à l’ouest que les actuels 20.000 premiers pour toucher des vents plus favorables (enfin, surtout lui j’imagine, moi j’ai surtout fait comme mes voisins qui avaient l’air forts). La bonne nouvelle, c’est que choisir la même option qu’un ancien vainqueur du Vendée Globe, c’est plutôt rassurant. La mauvaise, c’est que ça use… Vous voyez ce sentiment d’école primaire, quand le maître regarde par-dessus votre épaule alors que vous écrivez une réponse dont vous n’êtes absolument pas sûr?
Ce dimanche soir, plutôt confiant sur mon cap à 130° tribord pour passer la nuit, je jette un œil nonchalant (pour la 300e fois en deux jours) au cap de mon suiveur préféré. Et là, le drame… 124° tribord. Pourquoi? Comment? Qui suis-je? Où vais-je? Où cours-je? Dans quel état j’erre?
Au lieu de me coucher, me voilà en train d’enchaîner les lectures d’articles des spécialistes pour saisir les phénomènes météo des trois prochains jours, sans comprendre un traître mot de ce que je lis. Le problème de ces foutues cartes météo, c’est qu’on ne voit pas où est mon bateau… Ni même où sont les terres, d’ailleurs. Le bordel, quoi.

Après avoir renoncé à déchiffrer la lecture de la pression isobarique pour trouver la porte des Alizés… je capitule, et opte pour un honorable 125 degrés bâbord (un petit degré d’écart avec François quand même, histoire de garder la face. Après tout, c’est lui qui me suit depuis le début).
Evidemment, une heure plus tard, en me relevant pour-vérifier-mon-cap-parce-que-le-jeu-a-pris-possession-de-moi, j’ai constaté que le petit bateau rose avait basculé sur mon 130 bâbord initial, et je l’ai évidemment imité avec ce mélange d’humilité et de honte du marin d’eau douce vidé du peu de personnalité maritime qui lui restait.
Bref, j’ai suivi François Gabart, alors qu’il est derrière moi.
Les Chroniques :
- Episode 2 : "Franchement, ils auraient pu mettre un panneau"
- Episode 3 : "Génies ou escrocs, que valent les trois premiers du classement"
Pour participer à cette chronique...
Cette chronique vous fera vivre la course virtuelle sous différents angles au fil des jours. Parfois techniques, parfois anecdotiques, parfois isobariques (si on finit par comprendre ce que cela signifie). Si vous voulez partager des témoignages, vous pouvez contacter le bateau Paprika3000 via le chat Virtual Regatta. Et si vous êtes François Gabart, dépassez-moi s’il vous plaît, que je puisse enfin vous suivre convenablement).