F1: qu’est-ce que le marsouinage, nouveau phénomène qui fait rebondir les monoplaces ?

"Je pense que c’est un sujet de conversation majeur aujourd'hui mais j'imagine qu'au fil de la saison, les équipes le comprendront de plus en plus et ça deviendra de moins en moins un problème et un sujet de discussion". Simple interrogation d’avant-saison ou véritable inquiétude? Valtteri Bottas lance le débat autour du marsouinage.
D'où vient le marsouinage?
Le mot marsouinage n’est pas encore dans le dictionnaire. L’expression dérivée de l’anglais 'purpoising' a fait son retour dans le paddock lors des essais libres de la nouvelle saison de Formule 1, après l'apparition de voitures "rebondissantes" sur d’asphalte de Barcelone ou de Sakhir. Tentons de définir ce phénomène et d’en mesurer ses conséquences, à quelques jours de la première extinction des feux de l’année à Bahraïn, ce week-end.
L’expression, initialement connue pour décrire le phénomène qui touche les ailes d’avion, ravive des souvenirs aux moins jeunes, puisqu’elle a été utilisée de la fin des années 1970 au début des années 1980, selon la F1 elle-même. À l’époque, les roues des monoplaces se soulevaient de la route, à la manière d’un dragster. 40 ans après,le vocabulaire de la Formule 1 retrouve le marsouinage et si le dernier week-end d’essais de pré-saison à Bahreïn a quelque peu pu restreindre le phénomène, il n’a pas totalement disparu et pourrait à nouveau jouer un rôle au cours du premier Grand Prix.
Lié à la nouvelle règlementation entrée en vigueur pour cette saison et redessinant tous les contours de la discipline, le marsouinage n’a pas pu être anticipé par les écuries. "La plupart d’entre nous ont sous-estimé le problème", a même récemment concédé le patron de Ferrari Mattia Binotto. Les drôles d’images de voitures se soulevant sur la piste se sont pourtant succédées depuis plusieurs semaines.
Comment expliquer ce phénomène? Pour faire simple, les nouvelles monoplaces sont aspirées vers le sol en ligne droite (et donc en pleine vitesse), en raison du retour de l’effet de sol: le fond plat crée un appel d’air puissant mais l’espace manquant sous la monoplace l’empêche de s’introduire, et l’air remonte. La voiture est alors plaquée vers le sol, une séparation des flux d’air la fait ensuite rapidement remonter. Ce mouvement à répétition entraîne ces petits rebonds.
Les pilotes s’inquiètent-ils?
Le paddock est partagé. Certains, comme Valtteri Bottas, ne semblent pas plus inquiets, jugeant d’abord le purpoising "pas du tout un problème pour le confort ni pour la fiabilité". Mais au fil des journées d’essais libres, le nouveau pilote Alfa Romeo a revu son jugement, et estime ce phénomène comme "un peu délicat", rendant sa position "pas très confortable". Pour le Finlandais, cela "peut affecter le freinage" et altérer le contrôle de la monoplace, même si cela ne reste "pas un problème" pour Max Verstappen.
En terme de performance, les dommages semblent assez limités même si Lewis Hamilton loue une gestion meilleure du marsouinage des autres écuries, sans doute pour justifier des performances en-deçà. Son coéquipier Russell avait lui aussi un temps minimisé le phénomène: "Je ne me soucie pas du confort tant que la performance est là". Mais la jeune recrue de Mercedes concède finalement que "le rebond affecte notre capacité à mettre la voiture dans la bonne ‘fenêtre’".
"Nous avons beaucoup de travail à faire d’ici la semaine prochaine pour mieux comprendre la voiture". Le clan Mercedes reste confiant sur ses capacités de réaction, à l’image de son directeur de l’ingénierie Andrew Shovlin qui note "un peu de progrès dans les rebonds". "Tous les problèmes que nous avons eus à Barcelone semblent désormais derrière nous", se réjouissait de son côté Bottas. Mais le marsouinage pourrait continuer de faire des dégâts.
Quelles sont les conséquences?
"Cela ressemble à des turbulences dans un avion" racontait Charles Leclerc, affirmant que cela rendait "un peu malade", alors que Lance Stroll soulignait aussi un effet qui "secoue un peu le cerveau". Si les pilotes ne paraissent pas spécialement choqués malgré des images de cockpits agités assez impressionnantes, des problèmes d’adhérence dans les virages pourraient se montrer beaucoup plus dramatiques, comme le souligne Bottas. Pour rappel, seuls deux week-ends de tests ont été organisé avant le début des hostilités: fin février à Barcelone et jusqu’à ce dimanche à Sakhir.
Le confort ne semble pas obnubiler les pilotes mais ces secousses à répétition pourraient à terme poser des problèmes de santé, notamment au niveau du dos. Mais les conséquence ne devraient pas seulement toucher directement les sportifs. La piste de Catalanya a en effet semblé marquée par ce phénomène, selon la photo partagée Motor Inside. Les voitures aussi pourraient en pâtir puisqu’un trou aurait été aperçu sur une Alfa Romeo lors d’un essai privé à Fiorano, indique aussi le média spécialisé.
Des solutions existent-elles?
L’écurie italienne n’est pas la seule à voir ce souci comme du passé. "À Barcelone on avait ce problème. On a réussi à le résoudre avec quelques solutions, mais pas complètement encore", déclarait Leclerc ce samedi. Une information confirmée par Binotto: "Nous avons apporté quelques évolutions pour travailler là-dessus". Ferrari et Red Bull ont bien modifié leur plancher entre Barcelone et Bahreïn selon Racing News 365, réduisant ainsi le marsouinage sur leurs monoplaces.
Pour les autres écuries, plusieurs solutions existantes pour endiguer le phénomène se heurtent aux interdictions de la FIA. La dernière en date, celle de l’installation d’un système l’hydraulique sur les suspensions, date justement de cette saison. Pour connaître les changements à apporter, les écuries doivent d’abord trancher sur leur priorité: le confort de leurs pilotes ou l’amélioration de leurs performances. La saison n’a pas encore commencé que la révolution de l’aérodynamique joue déjà pleinement son rôle dans le paddock.