11kg en un an, vrai risque ou évolution logique? Ce que change l’importante prise de masse de Wembanyama

Comme bien souvent avec Victor Wembanyama, il est encore question de chiffres. Il y a d’abord eu tous les fantasmes autour de sa taille et ses plus de 2,20m sous la toise qui l’ont propulsé en pleine lumière dès ses premiers pas en professionnel. Puis sa place de N°1 de la draft en 2023, une grande première dans l’histoire du basket français. Ou encore ses statistiques affolantes pour sa première saison en NBA, à grands coups de triple-double et de cartons à plus de 30 points.
Pour la grande rentrée médiatique des San Antonio Spurs, le 1er octobre dernier, une autre donnée était au centre de tous les débats: les 11kg que le phénomène tricolore a pris en l’espace d’une saison, passant de 95kg à l’aube de ses grands débuts en NBA… à 106kg sur la ligne de départ de l’exercice 2024-2025. Une prise de poids conséquente qui a pu interpeller.
Pour comprendre cette évolution notable, résultat d’un important travail de musculation et de nutrition tout au long de la saison, il convient de saisir les enjeux d’une telle prise de masse. "Être plus lourd, ça va lui permettre d’opposer une masse corporelle et un poids de corps plus importants dans les duels au sol avec tous ces joueurs qui sont actuellement plus lourds que lui et qui essaient régulièrement, comme Nikola Jokic, de l’enfoncer et de venir le heurter. Victor aura désormais une masse musculaire plus importante à opposer à ça, donc une plus grosse résistance", détaille Manuel Lacroix, actuel préparateur physique de l’équipe de France de basket et de l’Asvel, où il a pu côtoyer Wembanyama.
Autant de kilos sur une silhouette aussi fine, un risque?
Point très important au sujet de cette prise de poids, qui peut sonner comme une évidence: il s’agit de masse musculaire, et non de masse graisseuse. "La masse musculaire, c’est de la masse maigre, donc ce n’est pas la masse grasse. Ce qui fait qu’il est plus fort", appuie Manuel Lacroix. "En prenant cette masse musculaire, en plus d’opposer un poids supérieur, il va opposer une force plus grande. Il est plus fort qu’avant. C’est donc une progression très intéressante pour tous les contacts et les duels au sol." Mais concrètement, ajouter 11kg en 12 mois sur une silhouette aussi fine peut-il être risqué?
"Sur le papier, c’est quelque chose d'impressionnant. Mais ça a été fait très progressivement", tempère Manuel Lacroix.
"Là où c’est un travail intéressant, c’est que c’est très harmonieux, explique-t-il. L’idée est que Victor prenne de la masse musculaire, mais pas trop d’un coup. Que ça soit progressif, pour que son corps ait le temps de s’adapter, pour que ses articulations puissent s’adapter. Il faut souligner le très bon travail qui est fait avec Guillaume Alquier, son préparateur physique, car la prise de masse a été très régulière. Ça a été fait en bonne intelligence."
Stabiliser le poids, un défi considérable pour les joueurs de très grande taille
"Sur les photos, ça ne me choque pas", appuie Pierre-Yves Couve, kiné de Wembanyama en équipe de France U16. "Je ne trouve pas non plus que c’est devenu un golgoth, ce qui est très bien. Il ne faut pas oublier qu'avec l'évolution physiologique, on commence par grandir, c’est pourquoi on est tous un peu fins, avant de s’élargir entre 20 et 30 ans. Donc moi ça ne me choque pas. 106kg pour 2,22m, ça reste en dessous de beaucoup de joueurs."
La prise de poids peut paraître considérable. Mais elle est donc à remettre en perspective avec la taille de l’intérieur des San Antonio Spurs. "Quand on est aussi grand, ça ne représente pas tant que ça", tranche Manuel Lacroix. "Pour les très grands gabarits, les poids de corps peuvent varier de 2 à 3kg d’une semaine à l'autre. On a souvent de grandes variations."
Lorsqu’il travaillait avec Wembanyama à l’Asvel, Manuel Lacroix se souvient de la difficulté de stabiliser le poids du futur N°1 de la draft. "On est monté une fois à 102 ou 103kg, mais il était redescendu après. Comme avec n’importe quel grand gabarit, il y avait beaucoup d'oscillations. Après, il est revenu sous les 100kg, aux alentours de 96kg. Là, c’est un poids stabilisé donc c’est très bien", applaudit le préparateur physique. Pierre-Yves Couve, lui, se souvient d’un adolescent qui "arrivait péniblement à 80kg pour 2,20m" lorsqu’il était son kiné en équipe de France de jeunes.
La crainte de dénaturer son jeu
Wembanyama sort du lot par sa capacité à combiner la mobilité d’un joueur d’1,95m dans un corps de 2,22m. Et c’est précisément pour cette raison que le Français et son clan ont toujours été très prudents sur cette question de la prise de masse.
Après sa draft, beaucoup de fans de basket pouvaient avoir peur que l’ancien joueur de Boulogne-Levallois ne fasse pas le poids face aux monstres athlétiques qui pullulent dans les raquettes NBA. Mais la stratégie a toujours été d’y aller crescendo pour ne pas dénaturer son jeu.
"Les gens ont tort. Nous ne sommes pas du tout concentrés sur son poids", balayait d’ailleurs Bouna Ndiaye, l’un de ses agents, après les grands débuts de Wembanyama en Summer League, en juillet 2023.
"Quand vous ajoutez du poids, vous ajoutez une charge supplémentaire, donc potentiellement des déplacements plus lents… et l’un de ses points forts est justement la vitesse de déplacement", nous confiait déjà Geoffrey Wandji, médecin de l’équipe de France de basket, il y a un an.
Le rapport taille-agilité-vivacité de Wembanyama est une anomalie de la nature. Tout l’enjeu est donc de réussir à le rendre plus fort, notamment dans sa résistance aux impacts, sans lui faire perdre sa mobilité ni son explosivité, ce qui fait de lui un joueur unique. "Si vous ajoutez plus de poids, plus de masse, il y a aussi potentiellement des changements sur la biomécanique du shoot. En termes de mobilité, ça va à l’encontre de son jeu actuel", insiste Geoffrey Wandji.
En un an, l’évolution physique du N°1 de la draft 2023 saute aux yeux. Entre son départ du championnat de France, en juin 2023, et les Jeux olympiques de Paris, cet été, le natif du Chesnay (Yvelines) s'est considérablement étoffé. Il y a bien évidemment eu un gros travail sur les bras, nettement plus dessinés. Mais le joueur des San Antonio Spurs présente également des jambes bien plus épaisses.
Désormais, Wembanyama dégage une impression de grande stabilité, aux antipodes de cette image de grand échassier qui pouvait lui coller à la peau il y a encore quelques mois. "La priorité est la force sur le bas du corps, qu’il soit assez puissant sur ses cannes pour pouvoir encaisser et enchaîner les contacts, courir en étant bas sur ses appuis", détaillait d’ailleurs Guillaume Alquier, son préparateur aux Spurs, dans les colonnes de L’Équipe avant le début de saison dernière.
"Si vous lui remettez 15kg l’année prochaine, je serai un peu plus inquiet"
Le travail a donc porté ses fruits, avec une différence notable sur la balance. Et à l’aube de cette deuxième saison, toute la question est désormais de savoir combien de kilos vont encore être ajoutés sur sa grande carcasse. "11kg, ce n’est pas gênant. Mais si vous lui remettez 15kg l’année prochaine, je serai un peu plus inquiet. Car au bout d’un moment, il y aura forcément de la mauvaise graisse, pas que du muscle", alerte Pierre-Yves Couve, son ancien kiné.
"Si une prise de masse est encore envisageable l’année prochaine? Oui bien sûr, c’est possible", tranche de son côté Manuel Lacroix. "Ce n’est pas exclu que ça soit dans la stratégie des Spurs à partir du moment où tous les voyants sont au vert. Il est performant, il est peu blessé, il progresse, il stabilise son poids de corps… Tous les voyants sont au vert. Après, impossible de savoir jusqu’où son poids doit grimper. Un joueur comme Victor ça n’existe pas, donc je n’ai aucun élément comparatif. Au départ, on aurait pu se dire qu’il devait avoir le même poids qu’un Rudy Gobert, mais on ne sait pas en fait. Il est tellement unique qu’on n’en sait rien (rire)." Wemby nous a de toute façon habitués à remettre tous les logiciels à zéro.