NBA: pourquoi la chasse au quadruple-double, frôlé par Wembanyama, est une quête légendaire

Il fait figure d’exception dans une NBA où les statistiques individuelles ne cessent d’exploser. Une performance rare, sur laquelle les plus grands noms de ce sport se sont cassés les dents. Et dont la très courte liste de ceux qui ont réussi à atteindre de tels sommets n’a plus bougé d’un iota depuis maintenant 30 ans.
Dans la nuit de mardi à mercredi, l’histoire a pourtant bien failli s’écrire sur le parquet de Denver. Embarqué dans un duel épique avec Nikola Jokic lors de la courte défaite des San Antonio Spurs face aux Nuggets (110-105), Victor Wembanyama a frôlé le quadruple-double, cet exploit qui consiste à atteindre les 10 unités dans quatre catégories statistiques différentes (points, rebonds, passes, contres, interceptions). L’intérieur français a ainsi compilé la bagatelle de 23 points, 15 rebonds, 8 passes décisives et 9 contres, passant à "seulement" deux passes et un contre d’un exploit retentissant.
Car si le numéro 1 de la dernière draft a pris l’habitude de repousser les limites, en allant régulièrement chercher des records statistiques (plus ou moins significatifs), claquer un quadruple-double aurait incontestablement été le plus grand exploit de sa jeune carrière. Depuis la saison 1973-1974, date à partir de laquelle les contres et les interceptions ont commencé à être pris en compte, seuls quatre joueurs ont réussi pareille performance: Nate Thurmond (22 points, 14 rebonds, 13 passes, 12 contres avec les Chicago Bulls en 1974), Alvin Robertson (20 points, 11 rebonds, 10 passes, 10 interceptions avec les Spurs en 1986), Hakeem Olajuwon (18 rebonds, 16 rebonds, 10 passes, 10 contres avec les Houston Rockets en 1990) et David Robinson (34 points, 10 rebonds, 10 passes et 10 contres avec les Spurs en 1994).
Une quatrième catégorie statistique si difficile à aller chercher
Voilà désormais 30 ans que "l’Amiral" Robinson se cherche inlassablement un successeur. Si un triple-double est plutôt courant, Wembanyama faisant partie des 32 joueurs qui ont compilé plus de 10 unités dans trois catégories statistiques différentes depuis le début de la saison, l’étape du dessus représente un Graal quasi inatteignable. En cause: la quatrième catégorie statistique (contre ou interception), réservée aux joueurs dotés d’une extrême polyvalence, capables de sortir de grosses performances en défense tout en dominant en attaque.
L’équation, si subtile, a été résumée par Nate Thurmond, le premier des quatre joueurs de l’histoire à avoir réussi un quadruple double. "La raison pour laquelle il est si difficile de réaliser un quadruple-double réside dans le fait qu’un joueur doit dominer le jeu des deux côtés du terrain, sans être trop égoïste pour atteindre le quota de passes décisives, sans commettre de fautes ou sans avoir un écart trop conséquent pour rester sur le terrain, tout en prenant suffisamment de risques pour contrer et voler assez de ballons."
"La chose la plus difficile à accomplir pour un joueur de basket"
C’est ce qui explique que, dans un passé très récent, seul le très polyvalent Draymond Green s’en est approché. En 2017, le couteau suisse des Golden State Warriors a loupé le quadruple-double… à cause des points (4 points, 12 rebonds, 10 passes, 10 interceptions). Avant Green, il fallait remonter à Tim Duncan, auteur d'un match monumental lors des Finales NBA 2003 (21 points, 20 rebonds, 10 passes décisives et 8 contres).
"C’est ni plus ni moins la chose la plus difficile à accomplir pour un joueur de basket, résume Hakeem Olajuwon, l’un des autres membres de ce club très privé. J’ai un immense respect pour ceux qui ont pu réaliser cela. Quand on y pense, c’est quelque chose d’insensé."
Pour y arriver, il faut donc être une sorte de décathlonien du basket. Mais comme il l’a montré face aux Nuggets, Victor Wembanyama, déjà auteur de deux triple-doubles et d’un five by five (au moins cinq unités dans cinq catégories statistiques) cette saison, en a incontestablement l’étoffe.
L’une des grandes forces du Français pour aller chercher un quadruple-double réside dans son incroyable aptitude au contre, l’ancien joueur de Boulogne-Levallois étant parti sur les bases des meilleurs de l’histoire dans cette catégorie statistique. Joueur très malin, doté d’un QI basket au-dessus de la moyenne, il fait d’ores et déjà partie des meilleurs défenseurs de la ligue. Combiné à son talent offensif, c’est justement cette capacité à dominer des deux côtés du terrain qui lui permet d’entrevoir ce que la plupart des meilleurs joueurs de l’histoire n’ont pas réussi à accomplir.
Que manque-t-il alors au prodige français? Peut-être juste quelques minutes de jeu en plus: face aux Nuggets, Victor Wembanyama a ainsi empilé son impressionnante ligne de stats en 33 minutes, contre 36 pour Alvin Robertson, 40 pour Hakeem Olajuwon, 43 pour David Robinson et 45 pour Nate Thurmond, bien servi par un match conclu après prolongation. De là à considérer que les clés du panthéon statistique sont entre les mains de Gregg Popovich, il n'y a qu'un pas.