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"Son impact dépasse les simples stats": Chris Paul, le chaînon manquant pour Wembanyama et les Spurs?

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À l’intersaison, les San Antonio Spurs ont fait venir Chris Paul, l’un des meilleurs meneurs de NBA sur ces 20 dernières années. À 39 ans, il va pouvoir amener toute son expérience et son leadership à l'équipe de Victor Wembanyama. Au point de faire passer un véritable palier à la franchise texane?

Les fans des San Antonio Spurs ont visualisé cette action tout l’été. Les yeux fermés, ils s’imaginaient alors Chris Paul, balle en main, profiter d’un écran de Victor Wembanyama avant de voir le meneur vétéran servir le géant français dans les airs. Un pick & roll d’école, ponctué, au hasard, d’un dunk ravageur du rookie de l’année. Comme "Wemby" et "CP3" sont des hommes du peuple, les deux joueurs des Spurs n'ont même pas attendu la fin du premier quart-temps de leur tout premier match ensemble pour donner au public ce qu’il attendait.

Dans la nuit du mercredi 10 au jeudi 11 octobre, à l’occasion de leurs grands débuts en pré-saison, face au Orlando Magic (victoire 107-97), l’intérieur et le meneur des Spurs ont gratifié le public du Frost Bank Center, sevré de basket depuis six mois, d’un premier coup d’éclat, avec Chris Paul à la baguette et Victor Wembanyama à la conclusion d'un alley-oop vu des millions de fois sur les réseaux sociaux.

Une carrière XXL

Il ne s’agissait évidemment que d’un match de pré-saison. Mais les deux hommes ont d’ores et déjà donné un aperçu des étincelles que pouvait faire leur duo. Arrivé à l’intersaison, Chris Paul, libre après la fin de son contrat avec les Golden State Warriors, est l’une des principales curiosités des San Antonio Spurs version 2024-2025. Avec une question centrale: peut-il faire passer un palier aux Texans, avant-derniers de la conférence ouest la saison dernière (22 victoires, 60 défaites)?

En faisant venir Chris Paul, les Spurs s’offrent tout simplement l’un des meilleurs meneurs des 20 dernières années en NBA. Arrivé dans la ligue en 2005, le natif de Caroline du Nord cumule 12 sélections au All Star Game, quatre présences dans la All NBA First Team (le meilleur cinq de NBA) et trois titres de meilleur passeur (2008, 2009, 2010). Tout proche d’être élu meilleur joueur de NBA en 2010 (deuxième du classement de MVP derrière Kobe Bryant), il est également le premier joueur de l’histoire à avoir combiné 20.000 points et 10.000 passes.

Au fil de sa carrière, il s’est construit une réputation de chef d'orchestre capable de distiller les passes décisives en perdant très peu de ballons, ce qui témoigne d’une extrême propreté. Auteur d’un match à 20 points, 20 passes décisives et 0 balle perdue (décembre 2016 avec les Los Angeles Clippers), du jamais-vu dans l’histoire de la ligue, Chris Paul a même hérité du surnom de "Point God", jeu de mot en référence à son poste ("point guard", meneur de jeu en anglais) et une maîtrise qui ferait de lui un joueur touché par la grâce, voire un modèle à suivre ("god"=Dieu).

En attaque, un peu d’ordre au milieu du joyeux bazar de la saison 2023-2024

Bref, Chris Paul est une référence à son poste. Et ça tombe bien, c’est précisément dans ce secteur que les Spurs avaient de grosses lacunes la saison dernière. En 2023-2024, le poste de meneur a été partagé entre Tre Jones, que beaucoup d'observateurs considèrent comme un bon remplaçant mais trop juste pour être titulaire, et Jeremy Sochan, testé à ce poste qui n’est absolument pas le sien, lui l'ailier-fort de formation. Résultat: Victor Wembanyama n’a pas assez été servi dans de bonnes conditions et le Français a trop souvent donné l’impression d’évoluer au milieu d’un joyeux bazar.

"Sur les 60 matchs perdus la saison dernière, il y en a eu beaucoup sur des mauvaises décisions en fin de match, des mauvais choix. Chris Paul va ramener ça: le bon tir, la bonne passe, annoncer le bon système au bon moment", souligne Stephen Brun, consultant basket pour RMC Sport, dans le podcast Basket Time. "Il va aussi piloter Wembanyama sur le terrain, pour que Victor n’aille pas se promener dans tous les recoins du parquet. Grâce à Chris Paul, Wembanyama aura beaucoup plus de situations faciles, beaucoup plus de paniers simples."

"Chris Paul, dès qu’il arrive dans une équipe, il fait que le collectif est encore meilleur qu’avant", valide Frédéric Weis, également consultant basket pour RMC Sport. "Victor va gommer des imperfections parce qu’il y aura Chris Paul à côté de lui. Chris Paul va pouvoir lui emmener le ballon là où il faut."

Épisode 200 : Victor Wembanyama et Chris Paul peuvent-ils amener les Spurs en playoffs ?
Épisode 200 : Victor Wembanyama et Chris Paul peuvent-ils amener les Spurs en playoffs ?
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Habitué à faire briller les intérieurs

Sur le papier, "CP3" apparaît donc comme le complément parfait de Wembanyama, ce meneur collectif capable de faire briller comme il se doit la superstar en devenir qu’est le Français. Durant sa carrière, tous les intérieurs qui ont côtoyé Chris Paul se sont montrés particulièrement performants. Des pivots comme DeAndre Jordan (aux Los Angeles Clippers), Tyson Chandler (New Orleans Hornets) ou encore Deandre Ayton (Phoenix Suns) ont affiché leurs meilleures moyennes de points en carrière lorsqu’ils ont évolué aux côtés de Chris Paul, capable de sublimer n’importe quel joueur de plus de 2,10m grâce à ses fameuses passes lobées au-dessus de la défense. Dans cette optique, l’association avec Victor Wembanyama, 2,24m sous la toise et une agilité unique pour un joueur de sa taille, fait fantasmer.

Les plus sceptiques mettront en avant l’âge de Chris Paul. À l’aube de sa 20e saison en NBA, le meneur, près de 1300 matchs au compteur, n’a évidemment plus les jambes de ses 20 ans. Ni même de ses 30 ans. Mais à l’image d’un LeBron James qui l’a notamment choisi pour être le parrain de son fils, un certain Bronny James, le meneur a su prendre soin de son corps et affiche une longévité remarquable. La saison dernière, il jouait un peu plus de 26 minutes en moyenne par match avec les Golden State Warriors. Un temps de jeu honorable, même s’il a notamment manqué près de deux mois de compétition entre janvier et mars à cause d’une fracture de la main.

Un mentor pour Wembanyama

Mais pour Chris Paul et les Spurs, le principal enjeu n’est pas de savoir combien de minutes le vétéran passera sur le parquet. Le meneur est avant tout attendu pour son expérience et pour sa capacité à transmettre aux jeunes Spurs tout ce qu’il a appris pendant deux décennies en NBA. "Il encadre parfaitement les plus jeunes, il les fait se sentir bien dans leur peau", appuie Gregg Popovich.

"Parfois, je suis juste fasciné rien qu’en l’écoutant donner des conseils à ses coéquipiers. Et je me dis que j’aurais dû y penser…" ajoute le coach des Spurs.

Ancien président de l’association des joueurs, un poste central qu’il a occupé pendant huit ans entre 2013 et 2021, Chris Paul est une voix écoutée et respectée en NBA. Même s'il a parfois pu être décrit comme un joueur clivant et égoïste. "Certains gars pensent probablement que c’est dur de jouer avec moi. J’essaye de rivaliser toujours au plus haut niveau, être un bon coéquipier. Si tu peux gérer ça, cool. Si c’est pas le cas? Je fais ce que je peux", disait-il notamment en 2019.

Mais le volcanique meneur a su mettre de l’eau dans son vin en vieillissant. Lors de la saison 2019-2020, il s’est mué en mentor de Shai Gilgeous-Alexander à Oklahoma City, où son professionnalisme et son leadership ont impressionné. "Ce qui retient beaucoup l’attention, parce qu’il est si vocal, c’est ce qu’il dit, et il y a beaucoup de sagesse dans ses paroles", souligne Mark Daigneault, coach du Thunder. "Mais la manière dont il se prépare chaque jour à jouer au basket à haut niveau est plus subtile mais davantage saisissante. Et son esprit de compétition l’est tout autant: pendant le match, sa vie ne tourne qu’autour du basket car il s’attend à gagner chaque rencontre qu’il dispute."

"Il ne va pas prendre un jour de repos"

Malgré cette mentalité de compétiteur, le titre de champion NBA lui a toujours échappé. Il s’en est pourtant approché de très près lors de la saison 2021-2022. Propulsé lieutenant de Devin Booker chez les Phoenix Suns, il a finalement échoué en Finales NBA contre les Milwaukee Bucks de Giannis Antetokounmpo.

Dans l’Arizona, son mental de compétiteur a encore une fois marqué les esprits. "Je me souviens qu’en début de saison, nous parlions des playoffs et Chris a gueulé dans le vestiaire, genre: ’16 équipes font les playoffs, ce n’est pas ça notre objectif!' En voyant cette énergie et sa passion quand il a dit ça, je me suis dit: ‘Ok, nous sommes sur la même longueur d’onde.'", avait confié Devin Booker à la fin de cette saison 2021-2022. "Et il y a sa mentalité… Il ne va pas prendre un jour de repos, il ne va pas se reposer sur la moindre possession. Il m'inspire à de très nombreux égards", avait poursuivi Devin Booker, admirateur. "Avec Chris, son impact dépasse les simples stats. Les gens doivent comprendre ça. Son impact n’est pas seulement aux points et passes, il fait en sorte que les joueurs restent sur les bons rails au quotidien et rien que ça devrait le mettre dans la discussion pour le trophée de MVP chaque année." Une déclaration d’amour qui en dit long sur l’apport d’un CP3 dans un vestiaire.

Après un seul match de pré-saison, Victor Wembanyama a pu se rendre compte de ce que change la présence du meneur à ses côtés. "D’être sur le parquet avec lui, on a l’impression qu’il a tout sous contrôle. C’est vraiment rassurant. C’est un coéquipier en plus sur lequel je peux compter dans les moments de doutes ou les moments difficiles", a souligné l'intérieur français.

Suffisant pour atteindre les playoffs?

Avec l’arrivée de Chris Paul, Victor Wembanyama aurait donc ainsi trouvé son mentor, un meneur aussi bien capable de le mettre dans les meilleures positions sur le parquet que de lui apprendre toutes les ficelles d’une NBA qu’il maîtrise sur le bout des doigts. Au point d’imaginer les Spurs passer un très gros palier et être candidats aux playoffs? "Le gap me paraît trop important. Il y a aura une progression, c’est clair. Mais les autres équipes me paraissent supérieures sur le papier", tempère Stephen Brun. "L’année dernière, les Warriors, derniers qualifiés pour le play-in, avaient 46 victoires. Ça voudrait dire que les Spurs doivent en gagner 24 de plus par rapport à l’année dernière (22 victoires, NDLR), soit plus du double."

La seule arrivée de Chris Paul aura donc du mal à faire passer les Spurs dans une autre dimension. Les Texans, qui ont également recruté l’expérimenté Harrison Barnes, partent de trop loin, et la jeunesse de l’effectif va demander un peu de patience avant d’imaginer les hommes de Gregg Popovich titiller la première partie de tableau de l’Ouest.

Mais le meneur devrait incontestablement bonifier l’équipe texane. "Impossible pour les playoffs, mais j’aime beaucoup cette équipe", approuve Fred Weis. "Stephon Castle, drafté en quatrième position et amené à s’installer au poste de meneur, va pouvoir grandir sous la coupelle de Chris Paul… C’est hyper intéressant." Une raison de plus, comme s’il en fallait une autre, d’attendre avec excitation l’an 2 de Wembanyama en NBA.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport