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Zaccharie Risacher, Victor Wembanyama et Nolan Traoré, trois illustrations de la grosse cote des joueurs français à la draft NBA

Zaccharie Risacher, Victor Wembanyama et Nolan Traoré, trois illustrations de la grosse cote des joueurs français à la draft NBA - Photo : Icon Sport / Illustration : Robin Frechet

Wembanyama, Risacher, Sarr, Traoré… Pourquoi la NBA est aussi folle des joueurs français

La venue de la NBA dans la capitale pour les Paris Games, ce jeudi et ce samedi entre les San Antonio Spurs et les Indiana Pacers, est l’occasion de se pencher sur la grosse cote des joueurs français auprès de la ligue nord-américaine. Depuis plusieurs années, les pépites tricolores inondent la draft. Et les raisons de ce raz-de-marée sont nombreuses.

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Un temps porté par de prestigieux représentants (Tony Parker, Boris Diaw, Joakim Noah), le basket français n’a jamais vraiment mangé son pain noir. Mais ce que vit actuellement l’Hexagone, avec une arrivée massive de jeunes talents sur les parquets nord-américains, a tout d’un véritable festin.

Il y a d’abord eu la mise en bouche, avec les drafts de Frank Ntilikina (8e en 2017), Sekou Doumbouya (15e en 2019), Killian Hayes (7e en 2020) et Ousmane Dieng (11e en 2022) dans le top 15 de la traditionnelle grand-messe de la NBA. Puis le copieux plat principal, avec les premières places de Victor Wembanyama (2023) et Zaccharie Risacher (2024) ainsi que les sélections dans le top 10 d'Alexandre Sarr (2e en 2024), Tidjane Salaün (6e en 2024) et Bilal Coulibaly (7e en 2023). Avant la cerise sur le gâteau grâce à Nolan Traoré, que certaines prédictions imaginent dans le top 5 de la draft 2025.

29/12/2024
29/12/2024 © Daniel Derajinski/Icon Sport)

Entre la première vague de la fin des années 2000/début des années 2010 (Nicolas Batum, Evan Fournier, Rudy Gobert) et la déferlante du début des années 2020, la France inonde la NBA, où elle est le troisième pays le plus représenté derrière les États-Unis et le Canada.

Mais alors comment expliquer un tel raz-de-marée? "La première raison, c’est la qualité de la formation française, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des clubs", avance Arnaud Marius, scout pour deux franchises NBA (il ne peut pas révéler leur identité, NDLR) entre 2020 et 2024. "Le système français tel qu’il est fait aujourd’hui n’est sûrement pas parfait, mais il nous permet de sortir beaucoup de joueurs de haut niveau. On a un réservoir assez grand, que ce soit en métropole ou dans les Dom-Tom. Le système de détection est performant: dès qu’un potentiel traîne quelque part, on peut l’amener au basket et le développer."

La fin des préjugés

Reconnue pour son vivier de talents, la France et ses plus de 765.000 licenciés (le deuxième sport collectif le plus pratiqué dans le pays derrière le football) bénéficie aussi de l’amélioration de l’image du basket européen. Après des premières pierres posées par Tony Parker, Pau Gasol (Espagne) ou Dirk Nowitzki (Allemagne), Nikola Jokic (Serbie), Luka Doncic, (Slovénie), Giannis Antetokounmpo (Grèce) et Victor Wembanyama permettent au Vieux-Continent d’être enfin respecté par les recruteurs américains. "Forcément, tous les exemples récents aident à ce qu’on fasse confiance aux Européens. À mon époque, le joueur européen était perçu comme un joueur soft. Un joueur avec du talent… mais pas assez dur et costaud pour jouer en NBA", détaille Fred Weis, qui n’a jamais eu sa chance dans la Grande Ligue après avoir été l’un des premiers Français à être drafté en NBA (15e choix des New York Knicks en 1999).

Pour permettre aux Européens de gagner la confiance des Américains, la France a justement joué un rôle prépondérant. "Je me rappelle avoir rencontré Tony Parker à un All Star Game et m’être dit 'Il est fait d’un autre bois’. Mais c'est un autre joueur français, du même âge qui a attiré mon attention: Boris Diaw", confie Roland Lazenby, journaliste américain et biographe de Michael Jordan et Magic Johnson. "Il possédait un tel éventail de skills… On aimait tout ce qu’il apportait au jeu. Cela a créé un précédent essentiel dans ce que les recruteurs de la NBA voyaient et leur a permis de surmonter les préjugés stupides que le sport américain avait à l'égard des joueurs internationaux."

"Ces préjugés existaient"

"Je me souviens très bien les avoir entendus dans les années 1980 et 1990. Au final, il est logique que la France, une culture ouverte sur le monde, soit une telle source de talents", assure Roland Lazenby.

Tony Parker et Boris Diaw lors d'un match NBA des San Antonio Spurs - le 20/01/2015
Tony Parker et Boris Diaw lors d'un match NBA des San Antonio Spurs - le 20/01/2015 © DOUG PENSINGER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Des joueurs athlétiques… formés dans un championnat qui se rapproche de la NBA

Le basket européen dans son ensemble a donc la cote outre-Atlantique. Mais dans cette "européanisation" globale de la NBA, la France, qui compte 14 représentants dans la ligue nord-américaine - contrats non garantis inclus - est de loin le pays qui tire le mieux son épingle du jeu. L’Hexagone devance largement l’Allemagne (huit joueurs), la Serbie (cinq joueurs), l’Italie (deux joueurs) ou l’Espagne (un joueur) grâce à des profils et un championnat qui correspondent mieux à ce que recherchent les recruteurs NBA. "Très souvent, le joueur français est très athlétique. Ensuite, il évolue dans un championnat qui ressemble beaucoup à la NBA. D’un moindre niveau, évidemment, mais qui est très athlétique, très physique. Ça court dans tous les sens, ce n’est pas le championnat espagnol, qui est un petit peu plus posé", détaille Fred Weis, qui a passé la majeure partie de sa carrière en Espagne après avoir éclos au CSP Limoges.

"Lorsqu’il s’agit de pointer la force des joueurs français, les Américains pensent souvent aux qualités athlétiques, en tout cas un patrimoine génétique intéressant", confirme l’ancien scout NBA Arnaud Marius. "Il y a les qualités athlétiques et le fait qu’on forme très bien sur la défense", complète Emmanuel Le Nevé, spécialiste du sujet pour le site Envergure, qui analyse et décrypte les prospects du monde entier. "La défense est le point fort de Victor Wembanyama, Bilal Coulibaly, Zaccharie Risacher et Alexandre Sarr", explique l'expert du scouting.

"C’est ce qui a beaucoup séduit les Américains"
Alexandre Sarr et Zaccharie Risacher, sélectionnés aux deux premières places de la draft NBA, le 27/06/2024
Alexandre Sarr et Zaccharie Risacher, sélectionnés aux deux premières places de la draft NBA, le 27/06/2024 © AFP

Une sorte de cercle vertueux s’est par ailleurs installé grâce à Victor Wembanyama. Le phénomène tricolore est incontestablement la meilleure publicité qui existe pour vanter les mérites des joueurs français. Il a également permis de braquer les projecteurs sur la Betclic Elite, un championnat devenu particulièrement attrayant aux yeux des recruteurs NBA.

"Les scouts ont beaucoup vu de Betclic Elite grâce à Victor et ils se sont dit que ce championnat pouvait être la meilleure préparation au jeu physique, athlétique et rapide de la NBA", tranche Arnaud Marius. "Les scouts voient qu’on donne des responsabilités à des jeunes qui jouent dans un championnat qui ressemble un peu à une sorte d’antichambre de la NBA par certains aspects, en misant sur les qualités athlétiques, la vitesse de jeu etc. Le risque est donc un peu plus contrôlé sur ce genre de choix à la draft."

Victor Wembanyama et Bilal Coulibaly lors du match NBA entre les San Antonio Spurs et les Washington Wizards, le 20/01/2024
Victor Wembanyama et Bilal Coulibaly lors du match NBA entre les San Antonio Spurs et les Washington Wizards, le 20/01/2024 © AFP

La Betclic Elite, le terrain de jeu idéal

Championnat proche de la NBA par certains aspects, la Betclic Elite est également devenue le terrain de jeu idéal pour les jeunes en quête de temps de jeu et de responsabilités. Comme Wembanyama et Coulibaly à Boulogne-Levallois, Risacher était la saison dernière l’un des joueurs majeurs de Bourg-en-Bresse, finaliste d’Eurocoupe et demi-finaliste du championnat de France.

Idem pour Nolan Traoré cette saison à Saint-Quentin. "Aujourd’hui, Nolan Traoré est titulaire à Saint Quentin, il a des responsabilités, il est exposé", loue Arnaud Marius. "Et Julien Mahé, son coach, a fait le choix de confier les rênes à un gamin de 18 ans. Ça expose les jeunes et ça rassure les scouts NBA et les dirigeants des franchises sur le passage du fossé entre l’Europe et les États-Unis."

Plusieurs clubs français axent donc leur stratégie sur le développement de ces prospects NBA. Après avoir propulsé Tidjane Salaün, sixième choix de la draft 2024, Cholet Basket a par exemple décidé de remplacer le nouveau joueur des Charlotte Hornets par Mohamed Diawara, un autre jeune qui aspire à rejoindre les parquets nord-américains. "Les entraîneurs et les clubs arrivent à mettre le bon équilibre sur un ou deux 'projets jeunes' par an, un équilibre entre leur donner des responsabilités et ne pas mettre en péril la compétitivité de l’équipe", souligne Arnaud Marius. "Cette confiance-là grandit au fur et à mesure des années et permet aux talents d’éclore encore plus vite."

Un virage dans la stratégie du basket français

Le basket français a bien compris la valeur du trésor qu’il a entre ses mains. Désireuse d’offrir la meilleure vitrine à ses joyaux, la Ligue nationale de basket (LNB) a même décidé de lancer son Young Star Game, dont la première édition a eu lieu ce mardi 21 janvier au Palais des Sports Marcel-Cerdan, à Levallois (Hauts-de-Seine). Pour cet événement, les 20 meilleurs jeunes de Betclic Elite, Pro B et du Centre fédéral ont été rassemblés pour montrer leur talent aux recruteurs NBA, venus en nombre en marge des NBA Paris Games entre les San Antonio Spurs et les Indiana Pacers. Un véritable virage dans la stratégie de la LNB.

Même si certains talents lui échappent encore, à l’image du parcours original d’Alexandre Sarr, parti au Real Madrid, aux États-Unis puis aux New Zealand Breakers avant sa draft, le circuit français est devenu le tremplin idéal vers la NBA. Et la pépinière officielle des jeunes talents promis au rêve américain. "Ça n’a d’ailleurs pas forcément été simple à faire comprendre qu’il ne faut surtout pas les cacher", glisse Philippe Ausseur, le président de la LNB.

"Le dicton 'vivons cachés, vivons heureux' ne fonctionne pas"

"Au contraire, il faut qu’on expose au grand jour ces talents. C’est un leurre de croire qu’on les protège en les cachant, et c’était pourtant l’avis de certains coachs, notamment dans le championnat espoirs", assure le patron de la LNB.

Tidjane Salaün avec les Charlotte Hornets
Tidjane Salaün avec les Charlotte Hornets © IconSport

"On a enfin compris qu’il fallait se servir de la NBA et ne pas en avoir peur"

Pour encourager les clubs à faire confiance à leurs pépites, la Betclic Elite a notamment fait évoluer son règlement. "La règle qui s’applique désormais, c'est que si vous transformez un jeune en contrat professionnel, ça ne vous 'consomme pas' un des trois changements qui sont tolérés jusqu’au 28 février", détaille Philippe Ausseur.

"La nouvelle génération de coachs a envie de confier des responsabilités aux jeunes, idem chez les dirigeants", estime l’ancien scout Arnaud Marius. "Ils se rendent compte qu’il y a de belles opportunités à vendre aux sponsors. Envoyer un joueur en NBA, c’est quelque chose qui marque l’histoire d’un club".

"Aujourd’hui, héberger un potentiel NBA dans un club français, c’est devenu une richesse plus qu’une contrainte"

"On a enfin compris qu’il fallait se servir de la NBA et ne pas en avoir peur", abonde Fred Weis. "Quand t’as un grand frère qui est aussi puissant, c’est parfois compliqué de savoir comment se positionner par rapport à lui. Avant, on essayait de garder nos joueurs coûte que coûte. Maintenant, on a compris qu’on est une ligue tremplin et il n’y a pas de honte à ça." Au contraire, cela permet au basket français de s’offrir des festins annuels à chaque édition de la draft.

Felix Gabory Journaliste RMC Sport