"Ça peut finir en château de cartes": le regard de Marc Madiot sur la chicane polémique de Paris-Roubaix

Marc Madiot, que penser de cette chicane?
Bah déjà je vais aller le reconnaître sûrement demain, quand on va faire notre reco du parcours avec les gars. L'intention est louable de vouloir ralentir avant l'entrée de la tranchée. C'est une bonne initiative déjà de la part de l'organisation et Thierry Gouvenou, c'est à saluer. Après, le problème qui se pose, c'est que c'est un peu dans l'urgence et faire un demi-tour sur la route quand t'es à l'entrée du secteur et que tu vas avoir une meute qui va arriver à 60 à l'heure avant le premier virage à droite et avant le demi-tour, moi j'ai peur que ça fasse a minima un embouteillage, ça ce n'est pas encore très grave mais ça peut finir en château de cartes quoi.
Thierry Gouvenou en avait bien conscience, il a prévenu les coureurs: que peut il faire de plus?
Pas grand-chose de plus. Il a bien conscience que ça représente un risque. Maintenant, faire un demi-tour, ça va ne faire que déplacer le problème que d’une centaine de mètres j'en ai bien peur. Au lieu de tomber pavé, ça va tomber sur la route.
Manifestement les coureurs préfèrent...
Ce n’est pas ce que préfère Mathieu Van Der Poel.
Et les vôtres, ils en disent quoi?
Je ne sais pas, je les ai pas encore vu. Je les retrouve tout à l'heure pour aller sur les pavés demain, donc on en reparlera demain. Moi mon appréhension,c'est que si ça tombe dans les 5/6 positions, il va y avoir un château de cartes quoi. Au mieux ça va mettre pied à terre, au pire il va y en avoir 80 au sol mais en même temps.
Est-ce que ce n'est pas finalement une mesurette pour parer à l’urgence de changer quelque chose sur les chutes récurrentes?
Il faut se poser les bonnes questions par rapport à la sécurité sur les courses cyclistes et pas juste là dans le cadre de Paris Roubaix.Il y a des chutes partout, tout le temps, dans toutes les courses.
Quelles en sont les raisons?
Simplement parce que le vélo n'est plus adapté à la circulation moderne sur la voie publique, c'est tout. D'un côté, on fait tout ce qu'il faut pour ralentir la circulation, par mesure de sécurité, par rapport aux véhicules, par rapport au vélo, aux motos, etc. Et nous, les coureurs cyclistes et la course cycliste, on va de plus en vite avec un niveau moyen du peloton qui est de plus en plus élevé. Donc à un moment ça ne passe plus.
Est-ce la faute du matériel?
C'est d'abord le matériel. Moi je pense que les freins à disque c'est bien en VTT, mais sur la route ça freine brutalement et ça ne prévient pas derrière. Quand t'avais les freins traditionnels, t'entendais le freinage donc t'avais une attention supérieure. Après on est quand même sur un vélo aujourd’hui comme dans une voiture avec un téléphone. Le coureur il a l'oreillette, il a le capteur de puissance sous le nez en permanence, donc en fait il n’est plus concentré à 100% sur ce qui se passe devant lui ou autour de lui. Donc inévitablement ça provoque des strikes comme on voit de plus en plus souvent, surtout avec des vélos qui vont de plus en plus vite. Le vélo n’est pas assez puissant pour régler ce souci comme le sport auto.
Comment ça? Que faudrait-il faire justement?
C'est un sujet récurrent. Il faut ralentir, ralentir l'évolution au niveau du matériel, limiter les interactions radio, les oreillettes. Qu'est-ce qu'on va dire tous dimanche quand on va être à l'approche d'Aremberg ? Qu'est-ce qu'on va dire dans les oreillettes ? On va donc tous dire la même chose : « remontez, soyez placés, faut virer en tête ». Et là, ça risque de créer le danger malgré la chicane.
Il faut interdire la radio à ce moment-là alors?
Moi je dis, il faut plus de radio du tout, il faut enlever tous les artifices qui font qu'on va plus vite et qu'on maîtrise mieux la situation.
Mais est-ce réaliste ou non?
Il suffit de dire on enlève tout hein, mais on le fera pas.
Pourquoi?
Parce que les gens sont habitués, c'est le confort du manager, c'est le confort du coureur, ça lui facilite la vie.