“C’est l’heure de marquer l’histoire”, au Rwanda, pays fou de vélo, on vibre au rythme des Mondiaux de cyclisme

Impossible de ne pas les croiser sur les routes de Kigali, en train de se frayer un chemin au milieu des centaines de moto-taxi. Au Rwanda, le vélo est partout, en ville comme à la campagne. Sauf qu’il ne sert pas à aller se balader sur les routes du pays aux mille collines, mais plutôt à travailler.
"Il est essentiel pour ici, la plupart des Rwandais l’utilisent pour transporter des marchandises”, explique Prince, un Franco-rwandais. A Nyamirambo, quartier musulman emblématique de Kigali, les vélos transportent tout. Chaque nouvelle cargaison pousse un plus loin la limite: des dizaines de kilos de bananes à quatre bouteilles de gaz, sans oublier les taxis-vélo.
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Après quelques jours passés à Kigali, on n’est plus surpris de voir quatre personnes sur une bicyclette, avec à la main plusieurs sacs de pomme de terre. “La caisse qu’ils ont pour emmener tout ce qu’ils emmènent sur leur vélo, c’est incroyable”, sourit Pauline Ferrand-Prévot, grande favorite de la course féminine de samedi. “En plus, c’est des vieux vélos qu’ils ont! Je pense que je vais revenir changée à la maison. Voir tout ça, ça fait réfléchir.”
Les vélos utilisés comme dot
Ces vieux vélos, ce sont des “igicugutu”, fabriqués en bois et conçus pour transporter des marchandises. Dans son établi, caché dans une rue passante mais customisé aux couleurs des Mondiaux, Alistair les répare. Ce Rwandais reçoit des dizaines de cyclistes chaque jour pour changer une chambre à air, un frein ou un rayon, bien amoché par les chemins de terre de la capitale.
A Kigali, c’est tout l’un ou tout l’autre: d'un côté, il y a les magnifiques routes goudronnées. De l'autre, les chemins de terres presque impraticables... Le reflet de l’image d'un pays marqué par les inégalités. “C’est vrai qu’on a beaucoup de vélos au Rwanda, mais c’est un moyen de transport pas cher”, sourit timidement Alistair. Un vélo en bois, c’est environ 20.000 francs rwandais, un peu plus de dix euros. Sept fois moins cher qu’un vélo en acier.
Ce dernier est plutôt destiné aux populations aisées ou offert en cadeau. “Si une femme veut se marier, il faudra qu’elle ait un vélo”, nous glisse Jonathan, Rwandais venu assister à la victoire de Célia Géry sur la course Espoirs. Une phrase un peu difficile à déchiffrer au premier abord... puis on finit par comprendre. Ici, le vélo est souvent utilisé comme dot, dans le cadre d’un mariage.
Le Rwanda a encore du retard à rattraper
Pourtant, malgré l’omniprésence du vélo dans le quotidien des Rwandais, aucun cycliste n’est, pour l’heure, parvenu à se hisser au niveau World Tour. Ce qui désole Prince, passionné de cyclisme: “On doit être capables de faire la transition d’un outil de travail à un outil de plaisir. Pour, à l’avenir, former des grands champions”. Jonathan, de son côté, espère que les Mondiaux seront un tremplin pour l’évolution du cyclisme au Rwanda et plus généralement en Afrique. “C’est l’heure pour le Rwanda de marquer l’histoire. C’est super pour notre pays de pouvoir accueillir une course de cette envergure.”
Mais le chemin est encore long. Malgré un terrain d'entraînement exceptionnel, les coureurs rwandais n’ont pas toujours des conditions optimales pour progresser. Entre la qualité des vélos, les difficultés à trouver des pièces pour les réparer ou les problèmes de visa pour rouler en Europe… Le chemin est encore long, avant de voir un Rwandais au sommet du cyclisme mondial.