Paris-Roubaix: "Le pavé, ça tape, ça fait mal, mais c'est un plaisir", confie Stefan Küng

Derrière Van Der Poel, Van Aert, Ganna et Laporte, Küng semble être le plus en mesure de dompter les pavés saillants du Nord pour la 120e édition de la Reine des Classiques, dont il avait terminé 3e l'an passé. RMC Sport a rencontré le toujours très prolixe et souriant rouleur de la Groupama-FDJ ce matin après la reconnaissance d'une partie des secteurs pavés, tout au bout de la Trouée d'Arenberg.
Stefan, vous avez fait le choix avec votre équipe de ne reconnaitre que les onze premiers secteurs pavés avant la course alors qu'il y'en aura 29 dimanche, pourquoi ?
Parce que la première partie des pavés, normalement c'est là où on est encore tous ensemble. C'est là que le placement est vraiment très important. Donc il faut vraiment connaître les pièges parce qu'une fois qu'on est dans le peloton, dans la file des coureurs, c'est très difficile de voir quoi que ce soit.
Donc, c'est à cause de ça que c'est presque plus important de voir la première partie. Après, à partir de la Trouée d'Arenberg, c'est plus à la pédale que ça se passe, et normalement les secteurs sont plus propres.
Les pièges, vous les connaissez bien justement, vous connaissez presque tous les pavés maintenant ?
Oui, mais on a beau connaître les pavés, c'est important de venir. On a vu aujourd'hui que les premiers secteurs sont très, très sales, il y a beaucoup de boue, il y a beaucoup de terre, il y a de l'eau. J'espère que les organisateurs vont passer encore un coup de balayeuse dessus parce que comme ça, ça va être très dangereux. C'est vraiment très glissant.
Vu ces conditions un peu glissantes, la course peut-elle se décanter encore plus tôt que d'habitude, peut-être même dès Arenberg à 95 km de l'arrivée ?
Se décanter, je ne pense pas. Mais oui, ça va faire un écrémage si c'est comme aujourd'hui. Il va y avoir des chutes, il va y avoir des problèmes mécaniques et ça va éliminer des coureurs peu à peu. Mais après la course, est longue. À l'entrée de Troisvilles, au premier secteur pavé, on est à 160 km de l'arrivée. Donc la vraie course pour la gagne va plutôt commencer après Arenberg, et le plus important c'est de passer tous les secteurs jusque-là sans souci.
Tu prends un certain risque quand tu prends le départ de cette course parce qu'il y a tellement de choses qui peuvent arriver...
Est-ce vous pouvez nous dire un petit peu ce que ça représente pour vous Paris-Roubaix ?
Pour moi, c'est la plus belle course de l'année, c'est vraiment la Reine des classiques. C'est vraiment une course à part. Sur des flandriennes, on a des pavés aussi, mais ce n'est pas pareil qu'ici, ils sont plus durs. C'est une course très particulière. Tu prends un certain risque quand tu prends le départ de cette course parce qu'il y a tellement de choses qui peuvent arriver...
Ça ne gâche pas un peu le plaisir, tous ces pavés, si durs ?
Non, pour moi, c'est un plaisir. Certes, ça tape, ça fait mal, mais bon... Quand je repense à mon premier Paris-Roubaix en 2015, je vois la différence aussi au niveau du matériel qui a bien évolué. Les pneus tubeless nous permettent d'aller plus vite sur le pavé. Je dirais même que c'est encore plus de plaisir qu'avant.
On a compris que physiquement c'était du plaisir. Mais mentalement, Paris-Roubaix, c'est la plus difficile ?
C'est comme le Tour des Flandres, c'est une course où tu ne peux pas te permettre d'être déconcentré une seconde. On a plus que 50 km de pavés, et il faut être tout le temps concentré. Le placement aussi est très important, surtout à l'approche des premiers secteurs pavés. C'est un peu déjà comme un sprint dans le peloton. C'est physique, c'est rapide, ça frotte, ça se joue dans la tête.
Mais il faut avoir conscience à chaque fois qu'on a mal, que tous les autres ont mal aussi. C'est là qu'il faut faire le petit effort en plus. Même une fois que ça s'est décanté, que tu es en petit groupe, tu ne peux pas te permettre de traîner à l'arrière du groupe. Avant chaque secteur pavé, tu dois te replacer et te remettre à la bataille jusqu'à la fin.
L'un de mes rêves de pouvoir lever les bras au Vélodrome
Depuis deux ans, vous êtes un des gros outsiders de Paris-Roubaix. Ça fait quoi de venir sur cette course en sachant que vous pouvez la gagner ?
Ça change quand même l'approche parce qu'avant oui, je venais en me disant que ça serait cool que je puisse faire une place. Là, je me réjouis car je sais que je suis en mesure de jouer la gagne ici. C'est un de mes rêves de pouvoir lever les bras au Vélodrome.
Vous allez quand même devoir faire face à Van Der Poel, ou même à l'armada Jumbo. La force collective c'est plus que jamais important sur Paris-Roubaix ?
Je pense que physiquement sur Paris-Roubaix, je me sens plus à l'aise que sur les autres courses, donc je n'ai pas peur. Après, Jumbo a l'avantage du nombre sur le papier. Et ça, ça joue forcément beaucoup plus sur Roubaix que sur le Ronde.
T'imagines : si dans un groupe de 20, Jumbo a trois coureurs, elle peut faire un gros jeu d'équipe. Ça c'est davantage possible sur Roubaix que sur le Tour des Flandres. Il y a plein de coups qui peuvent partir entre les secteurs pavés, et là, même si tu as les jambes, tu ne peux pas faire grand-chose.
Le duel Van Der Poel-Van Aert, il n'est pas inéluctable ?
L'année dernière on annonçait pareil, un duel entre ces deux-là. Et puis à la fin aucun des deux n'a gagné, donc ça peut encore se passer comme ça. Après, on parle d'eux comme des deux archi-favoris... C'est tant mieux, c'est eux les favoris. Je le leur dirais aussi si je suis avec eux pendant la course : "C'est vous les favoris et c'est à vous de rouler." Moi ça me va très bien comme ça.