Tour de France 2025: "Il faut garder les yeux ouverts", que penser des folles performances de Pogacar?

La tournée du patron. Stratosphérique la veille à Hautacam, Tadej Pogacar s'est chargé ce vendredi d'assommer encore davantage le Tour de France lors de la 13e étape, un contre-la-montre menant à l'altiport de Peyragudes qu'il a évidemment raflé. Avec 36 secondes d'avance sur un Jonas Vingegaard désormais repoussé à plus de 4 minutes au général. Le Danois n'a pourtant pas sombré, loin de là. Mieux, il a assuré avoir connu l'une de ses "meilleures" journées sur un vélo. "Je pense que je peux être satisfait de ma performance aujourd'hui", affirmait à l'arrivée le chef de file des Visma-lease a bike.
"J'ai probablement réalisé ma meilleure performance et, pour être honnête, Tadej était plus fort et il méritait de gagner. Félicitations à lui. Je pense qu'hier a été l'une de mes pires performances. C'est bien de revenir comme ça. J'ai fait tout ce que je pouvais." Un constat lucide sur son propre niveau et en même temps un aveu d'impuissance face à ce Pogacar magnifique de maîtrise pour certains, écœurant de facilité pour d'autres. Chez UAE-Emirates, on répète pourtant que rien n'est joué, qu'il faut rester sur ses gardes jusqu'aux Champs-Élysées, et qu'une gamelle est vite arrivée, comme celle subie - sans gravité - par le champion du monde à Toulouse.
Mais tout de même, difficile de ne pas préparer les coupes de champagne alors qu'il en est déjà à quatre succès sur cette édition. "Notre avantage devient assez intéressant, ça nous permet de mieux contrôler la situation. Mais ce n'est pas fait, le Tour est long. À partir de demain, on s'attend à beaucoup d'attaques, de tentatives", répétait Mauro Gianetti, le directeur sportif de la formation émiratie, sans vraiment convaincre. "C'est sûr que Tadej nous surprend mais on a vu hier le niveau de chacun. C'est toujours lui et Vingegaard qui sont à la bataille. Il faut qu'on reste concentrés sur notre Tour. On a perdu un coureur (João Almeida, ndlr), le travail reste immense."
Un "homme hors du commun, un extraterrestre"
Il est a priori bien engagé, à coups de performances maousses et de numéros étourdissants, comme à Hautacam, qui risquent inévitablement de faire ressurgir certaines questions, dans ce sport qui échappe rarement au poids du soupçon, avec des champions sans cesse sommés de justifier leurs exploits.
"Pogacar est un coureur exceptionnel, d'abord génétiquement. Il appartient à une autre catégorie de coureurs, il est hors-norme. Dès qu'il est passé professionnel, on a compris qu'il était exceptionnel mais là, il est en train de dépasser tous les cracks, Bernard Hinault, Eddy Merckx, etc. À son âge, il s'avère être le plus fort de toute l'histoire du cyclisme", observait ce vendredi matin Cédric Vasseur, manager de Cofidis, au micro de RMC Sport. "Dans le monde du cyclisme, toutes les dominations ont toujours interpellé. Je pense que c'est aux autorités de nous garantir que tout est mis en œuvre pour garantir l'authenticité de la performance. Nous on ne voit pas de raison à ce que Pogacar soit différent d'un coureur d'une autre équipe. Il est contrôlé. J'espère évidemment qu'on n'apprendra rien de négatif à ce sujet-là mais vu sa régularité et sa constance à ce niveau-là, on est tout simplement sur un homme hors du commun, un extraterrestre."
Pas question non plus pour notre consultant RMC Jérôme Pineau de jeter l'opprobre sur le maillot jaune ou le reste du peloton. "Pogacar est né pour être un champion. Il est en pleine possession de ses moyens et Vingegaard, le seul adversaire qui peut le gêner, a manqué de compétition à cause de sa commotion cérébrale subie sur Paris-Nice. Ça donne ces quatre minutes d'écart sur le Tour. C'est normal de s'interroger, le cyclisme a souffert de longues années de soupçons et d'affaires de dopage avérées. On peut se poser des questions, mais ne pas tirer de conclusions. Regardez le nombre de contrôles antidopage auxquels sont soumis les coureurs! Le vélo souffre encore de son passé. On ne peut pas empêcher les gens de se questionner", dit-il.
"On doit rester vigilant mais on ne peut pas forcément douter de Pogacar"
Pour Jérôme Coppel, également consultant pour RMC, il est même sain de s'interroger. "Ces questions doivent revenir sur le devant de la scène. Le passé du vélo fait qu'on a pu croire à certaines choses qui n'étaient pas possibles. On doit rester vigilant mais on ne peut pas forcément douter de Pogacar. On a toujours vu des sportifs dominer leur sport. Sans preuve, on ne peut pas accuser Pogacar de dopage", étaye-t-il.
Reste cette question : comment expliquer l'outrageuse domination du Slovène et cette faculté à hanter les esprits de ses rivaux tout au long de la saison, des Strade Bianche aux Mondiaux, du Tour des Flandres au Tour de Lombardie? Et puis que penser d'un ovni plus très loin d'aller chercher le record de huit étapes remportées sur un même Tour? "Il a des prédispositions de base et il a su prendre un énorme ascendant mental sur la concurrence depuis deux ans", reprend Coppel.
"Aujourd'hui, on parle beaucoup de ces coureurs, y compris des Français, qui battent des temps d'ascension d'anciens coureurs dopés. Je ne suis pas surpris que ça arrive. Ça n'explique pas tout, mais le matériel a énormément évolué. Il y a aussi maintenant les entraînements en altitude, l'évolution de la nutrition et de la récupération, etc. Il faut prendre en compte tous ces paramètres. Des records sont battus dans tous les sports. Mais oui, on ne peut pas être sûr à 100% qu'ils sont battus uniquement sur ces raisons. C'est pour ça qu'il faut garder les yeux ouverts", conclut Coppel.