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Tour de France: comment la course devient de plus en plus écolo

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Le Tour de France 2022 débute ce vendredi à Copenhague au Danemark et va ensuite se poursuivre pendant plus de trois semaines jusqu’à l’arrivée sur les Champs-Elysées le 24 juillet prochain. Entre les coureurs, les membres des équipes, les partenaires et les organisateurs, plusieurs milliers de personnes vont s’activer pour faire de ce rendez-vous une fête populaire. Et grosse nouveauté depuis quelques années, la Grande Boucle entend devenir un exemple d’événement écoresponsable et durable.

Evénement populaire par excellence et épreuve mythique du sport français et mondial, le Tour de France suscite pourtant de vives polémiques ces dernières années. Plusieurs villes françaises ont même refusé de l’accueillir en raison de son impact écologique. En 2020, le maire écologiste fraîchement élu à Lyon, Grégory Doucet, s’en prenait à la Grande Boucle et lui reprochait de ne rien faire pour la planète. Rebelote en 2021 lorsque la ville de Rennes a refusé d’accueillir le grand départ du Tour de France au dernier moment. Une décision provoquée par la grosse empreinte carbone laissée par le passage de la Grande Boucle et de son imposante caravane de voitures, de camions et par les quelque 4.000 acteurs de la course.

Et les plus fervents défenseurs de la cause écologistes fustigeront aussi le départ du Tour de France ce vendredi de Copenhague avec un contre-la-montre inaugural puis total trois étapes au Danemark. Le tout avant un retour lundi prochain vers le Nord de la France, à 900km de là, pour la quatrième étape entre Dunkerque et Calais. Un voyage à travers plusieurs pays d’Europe qui va forcément faire bondir les défenseurs de la planète mais qui n’altère pourtant pas les nombreux efforts déployés par les organisateurs d’Amaury Sport Organisation pour diminuer les conséquences néfastes sur l’environnement. Qu’on se le dise, la Grande Boucle travaille pour que le vert ne soit plus uniquement associé au maillot du meilleur sprinteur.

Des objectifs ambitieux via une charte ministérielle

A l’image du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC) porté par plusieurs équipes du peloton et qui cherche à lutter contre le dopage afin de rendre ses lettres de noblesse à ce sport, ASO fait partie des signataires de la charte des 15 engagements écoresponsables des organisateurs d’événements à l’horizon 2024-2025. Soutenus par le Ministère en charge des sports, cette initiative tend à bouleverser la conception des grands sportifs en France.

En devenant partie prenante de ce projet, le Tour de France a donc accepté de révolutionner sa façon de faire en s’attaquant aussi bien aux questions alimentaires, à la problématique des transports, au traitement des déchets sur la Grande Boucle, à la préservation des sites ou encore à la place du vélo dans la société française au quotidien.

Les 5 engagements durables pour le Tour:

Alimentation durable: 80 % de l’offre alimentaire durable.

Mobilités durables: 90 % des déplacements en mobilité durable, Suppression de 95 % des trajets en avion réalisables en moins de 5 heures porte à porte par d’autres moyens de transports.

Réduction des déchets:
Réduction de 90 % du plastique à usage unique mis en circulation.

Sites naturels: Préserver 100 % des sites naturels et espaces verts concernés, 1 programme d’action pour la biodiversité et l’éducation à l’environnement.

Préservation des ressources en eau et en énergies: 100 % de la consommation d’énergie et d’eau maîtrisée et optimisée.

Des véhicules toujours moins polluants

De manière assez paradoxale, en apparence, la plus grande course cycliste au monde donne aussi lieu à une suite incroyablement longue de véhicules motorisées. Entre ceux des 22 équipes participantes (avec notamment des cars), les voitures des sponsors avec 150 véhicules attendus rien que sur la caravane publicitaire, ou celles des officiels et de l’organisation, le Tour de France va donc donner lieu à imposant cortège. Afin de réduire la facture pour la planète, ASO a donc développé plusieurs initiatives d’envergure.

A titre personnel d’abord, avec 100% de véhicules hybride pour la flotte organisation. La firme Skoda a aussi convenu avec la direction de course de Christian Prudhomme de tester trois voitures totalement électriques sur trois étapes.

"Nous aurons cette année 100% de notre flotte de véhicules qui sera soit hybride soit 100% électrique, se félicite le patron de l’épreuve courant juin auprès de l’AFP. Même s'il est sans doute plus facile de recharger des voitures au Danemark qu'en France."

Christian Prudhomme dans la voiture de la direction de course du Tour de France
Christian Prudhomme dans la voiture de la direction de course du Tour de France © Icon Sport

Y compris pour ses poids lourds, ASO a déjà réalisé de beaux efforts avec 50% des véhicules fonctionnant grâce aux biocarburant. A terme, la flotte de l’organisation roulera sans polluer et voudra le faire dès 2024.

Ensuite, les différents sponsors engagés sur la course jouent aussi la carte écologique et environnementale au moment d’arpenter les 3349,8 kilomètres empruntés lors des 21 étapes. Sans surprise, le groupe Enedis (filiale d’EDF) déploiera des véhicules 100% pour sa caravane et ses invités alors que Antargaz roulera au GPL carburant afin de limiter la consommation d’énergies fossiles. Le Tour de France s’est fixé comme objectif d’atteindre 100 % des voitures suiveuses à motorisation alternative, là encore la date visée est l’année 2024.

Une organisation 100% compensée

Afin de moins peser sur l’environnement, le Tour de France s’est évertué à réduire son bilan carbone. En 2021, 216 388 tonnes de CO2 ont été produites pendant l’épreuve ce qui correspond à une baisse d’environ 40% par rapport à la course en 2013. Mais une part non-négligeable de cette quantité de dioxyde de carbone rejetée provient nécessairement des millions de spectateurs présents le long de la course.

Le Tour de France s’est ainsi associé à différents programmes et labels environnementaux. Plusieurs initiatives vertes permettent à la Grande Boucle de compenser ses émissions de CO2 comme la reconstitution d’une forêt détruite par une tempête dans le parc naturel régional du Golfe du Morbihan en Bretagne ou encore le boisement de prairies aux alentours de Laval ou sur le versant sud du Mont Ventoux.

Le Tour lutte contre les déchets

Parmi les autres axes mis en avant par le Tour de France pour réussir son évolution vers un format plus durable et écologique, la question des déchets a pris une place considérable. Et tout le monde joue un rôle dans cette lutte pour la planète. Les coureurs ne peuvent plus balancer comme bon leur semble leurs restes de repas, et autres tubes de gel alimentaire. Afin de faire adopter un comportement plus citoyen aux participants, les organisateurs ont ainsi revu le règlement de la course pour y inclure ce respect de l’environnement.

"Afin de respecter l’environnement et dans un souci de sécurité, il est interdit de se débarrasser d’aliments, de musettes, de bidons, de déchets ou de tout autre accessoire en dehors des zones de collecte ou de tout autre lieu prévu à cet effet, annonce ainsi ASO dans son texte référénce pour l’édition 2022. Le port et l’usage de récipients en verre sont formellement interdits."

Un passage de bidon chez Astana sur le Tour de France
Un passage de bidon chez Astana sur le Tour de France © AFP

Qu’on se le dise, la Grande Boucle ne veut plus de bidons jetés n’importe comment et fait appliquer à la lettre les règles de l’UCI en la matière. Si l’instance internationale a, un peu, assoupli ses normes en 2021, le non-respect des consignes vis-à-vis des déchets ne pardonne pas pour les coureurs. Un premier jet de bidon ou déchet en dehors des zones ne peut plus entraîner qu'une amende, de 100 à 500 francs suisses (90 à 450 euros), et un retrait de points UCI. Dès la deuxième infraction, un coureur écopera de 30 secondes de pénalité puis risque même l’exclusion de la course en cas de nouvelle récidive et donc de troisième incident lié à un jet de déchets.

Sur l’ensemble du Tour, pas moins de 106 zones de collecte ont ainsi été prévues soit entre 5 et 8 par étape afin que les coureurs puissent jeter leur bidons et déchets. ASO en assurera ensuite le nettoyage pour éviter toute conséquence néfaste pour l’environnement. La chasse aux produits polluants lancée par l’organisation vise une récupération, un triage et un recyclage de 100% des déchets à l’horizon 2024. Si cela ne tient pas compte des déchets du public, les spectateurs présents sur le bord de la route ou dans le village-étape font l’objet d’une sensibilisation via des messages des speakers avant les départs, en marge des arrivées ou lors du passage de la caravane du Tour.

Vers la fin du plastique sur le Tour?

En parallèle de cette chasse aux déchets, le Tour de France affiche une réelle volonté de réduire l’usage du plastique. Aussi bien dans les gestes du quotidien que dans les évolutions de grande envergure. Assez symbolique en apparence, la suppression des gobelets en plastique et surtout leur remplacement par des verres compostables ou entièrement biodégradables va permettre de réduite drastiquement la consommation de plastique pendant les trois semaines de course. Exit aussi les pailles ou les contenants en plastique. Place au bambou par exemple pour les plateaux repas distribués pendant tout l’événement.

Certains regretteront pourtant de ne pas avoir vu le Tour de France imiter la Vuelta. En 2021, le Tour d’Espagne a ainsi annoncé la suppression des bouteilles d’eau. Pendant les trois semaines de course, près de 180.000 récipients en plastiques ont donc été remplacé par des fontaines à eau et les bouteilles ont été bannies chez les partenaires, pendant les étapes et dans le village. Mais il n’en sera rien sur la Grande Boucle. En tout cas en 2022, la porte ne semble pas irrémédiablement fermée pour le futur. La présence d’un partenaire ambitieux en France, comme c’était le cas de l’autre côté des Pyrénées avec la société Aquaservice.

"Autrefois quand les gens distribuaient des tee-shirts c'était entouré de plastique, aujourd'hui les seuls éléments qui sont entourés de plastique c'est ce qui est alimentaire pour des raisons évidentes d'hygiène, rappelle encore Christian Prudhomme avant les trois semaines de course. Donc nous travaillons depuis des années déjà dans ce sens-là."

Les partenaires ne ratent pas le virage écologique

A l’image des organisateurs, les partenaires aussi ont embrassé la cause écologique ces dernières années. Fini les cadeaux jetables, place à des objets utiles et recyclables ou en matière recyclée. Surtout, il y a une véritable volonté de ne plus offrir des "objets à usage unique ou sans réelle utilité" selon les vœux de l’organisation de course. Vivement le retour du désormais célèbre bob Cochonou pour se protéger du soleil sur le bord des routes hexagonales. Le fabriquant de saucisson a également développé un sachet entièrement recyclable pour emballer ses produits depuis le Tour 2021. Idem pour la marque Leclerc. Sponsor du maillot à pois dévolu au meilleur grimpeur du Tour, l’enseigne de magasins n’utilise plus que des emballages en papier pour tous les échantillons distribués pendant la mythique épreuve sur les routes françaises.

Idem au sein du village où la marque de vêtements Jules, fournit aux organisateurs des tenues conçues en partie en coton recyclé ou via l’agriculture biologique. En charge de la restauration auprès dans le Village-Départ ou dans les bus-Arrivée, la société Sodexo s’est aussi engagée à utiliser uniquement des produits "100% français et 100% de saison" afin de réduire son impact écologique. Malgré les 150 véhicules de la caravane et 480 caravaniers pour mettre à l’honneur les 30 marques (ou institutions) partenaires, ASO leur a fait comprendre l’importance du devoir environnemental du Tour de France. Et bonne nouvelle, tous semblent bien avoir intégré cette révolution verte.

Des étapes pensées pour favoriser l’écologie

Tout au long du parcours du Tour de France, les organisateurs ont conçu les étapes en pensant à l’écologie. Si la course permet de profiter de la richesse des paysages et des territoires français, les organisateurs entendent aussi protéger les espaces traversés.

Pas moins de 64 zones naturelles protégées ont ainsi été mises en place lors des 24 jours de la Grande Boucle et les coureurs passeront ainsi par huit parc naturels dans tout l’Hexagone.

Et si les étapes vont donner lieu à de belles batailles entre favoris, notamment en montagne, la direction de course à chercher à adapter le tracé de la course aux contraintes environnementales. I bien que lors de certains moments-clés de la Grande Boucle 2022, plusieurs cols ne seront accessibles qu’aux spectateurs à vélo ou à pied. Une vraie volonté de la part de Thierry Gouvenou, traceur du parcours et qui contribue à limiter l’usage de véhicules à moteur dans des zones écologiques plus fragiles.

"On a changé notre façon de travailler. En déportant parfois la zone technique (camions de l’organisation, studios télé et radios, zones d’interviews, etc., ndlr) dans les vallées, on a réussi à faire des arrivées à des endroits où ça n’était pas imaginable avant. C’était par exemple le cas au Col du Portet au-dessus de Saint-Lary, d’Izoard ou l’Aubisque. Cela le sera au Col du Granon cette année… On n’y faisait pas d’arrivées avant, analyse l’ancien cycliste pour RMC Sport avant le départ de la course. La contrepartie c’est de faire attention à la nature, de respecter la montagne, d’où ces mesures pour limiter les accès. Et puis pour les gens qui montent en vélo, ça donne la vraie grandeur de la course cycliste. Ils ont aussi conscience de l’importance de préserver l’environnement et ça les dérange de moins en moins de marcher et de faire du vélo pour assister à ce spectacle."

Le développement du Label "ville à vélo"

Un fabuleux spectacle avec en plus une vraie conscience écologique. Voilà l’ambition du Tour de France pour 2022 et pour les années à venir. Derrière ce vœu pieux d’ASO, le besoin de faire comprendre aux gens que malgré une énorme organisation et des habitudes qui ne paraissent pas toujours écolos, la course est beaucoup plus verte qu’avant. A l’image de la société et des mentalités, la Grande Boucle évolue et a même lancé son propre label en faveur de la planète nommé "Ville à vélo". Derrière ce nom se cache l’envie de consacrer les villes qui s’engagent pour la mobilité à vélo. Mais comme pour les gens au quotidien cela demande un temps d’adaptation. Et la maire de Paris, Anne Hidalgo de se féliciter de cette prise de conscience lorsque sa ville a reçu le Label "ville à vélo" par ASO à la mi-juin.

"Moi ce qui m’intéresse c’est de montrer qu’on est tendus vers la recherche d’éco conception de ces différentes épreuves sportives, lâchait ainsi l’édile parisien. Prise de conscience des coureurs, avec leurs bidons notamment. Tout cela sensibilise une population beaucoup plus large. Il y a une dimension pédagogique du Tour en matière d’écologie."

Si 34 villes ont déjà obtenu ce label, seulement trois ont été récompensé par le plus haut niveau celui des "4 vélos": la ville de Valkenburg aux Pays-Bas ainsi que Copenhague et Paris. La capitale danoise et la capitale française, qui accueilleront respectivement cet été le départ et l’arrivée du Tour de France. Voilà bien la force du Tour de France, donner un coup de projecteur sur ce sport et le faire rentrer dans la vie de tous les jours. Histoire que vélo rime définitivement avec écolo.

Jean-Guy Lebreton avec PYL, AS et PTh