Tour de France: David Gaudu a-t-il déjà tiré un trait sur le podium du général?

Le regard est sombre, le visage fermé. Pas besoin d’avoir fait des études poussées en analyse comportementale pour comprendre ce que ressent David Gaudu au moment de regagner le bus de la Groupama-FDJ. Agacé, frustré, déçu, sans que l’on sache vraiment quel sentiment domine le plus l’autre, le Breton de 26 ans lâche son vélo et s’engouffre aussitôt derrière un rideau. Pas un mot pour les journalistes qui l’assaillent de questions, pas d’explication sur sa journée galère. Il faudra sans doute attendre la journée de repos ce lundi pour avoir son regard et son analyse personnelle sur ce qui s’est passé lors de cette neuvième étape du Tour de France.
En attendant, le constat est là, froid et implacable: après une semaine de course, l’objectif affiché de monter sur le podium à Paris est bien mal embarqué. C’est à la huitième place qu’il pointe ce dimanche soir au classement général, avec plus de trois minutes de retard sur le troisième, l’Australien de la Bora-Hansgrohe et éphémère maillot jaune, Jai Hindley.

Au-delà des chiffres bruts, il y a cette impression laissée sur les pentes du Puy de Dôme. Cette bouche grande ouverte, cette impuissance dans les derniers kilomètres, et cette souffrance pour rester dans la roue de Thibaut Pinot, qui n’a cessé d’encourager et de pousser son leader. Pour tenter de limiter la casse. Pour continuer de croire à un top 3 final.
Pinot prend sa défense
"Oui, ça peut être compliqué mais la route du Tour est très longue, on le répète souvent, voulait positiver Pinot à l’arrivée. On n'a pas fait encore de grosse étape de montagne. Aujourd'hui c'était juste l'arrivée au Puy de Dôme. Il y aura encore des possibilités quand il y aura vraiment des étapes de cols. Pour l'instant ça nous empêche peut-être de faire autre chose que suivre. On espère qu'à partir de la semaine prochaine il y aura des possibilités de faire autre chose." Les optimistes diront que le quatrième du Tour 2022 aime généralement les troisièmes semaines de Grands Tours et qu’il a les armes pour se caler derrière l’intouchable duo Jonas Vingegaard-Tadej Pogacar. D’autres rappelleront son calvaire vécu sur le dernier Dauphiné et ses sensations qui peinent sérieusement à s’améliorer sur ce Tour. Mais Pinot l’assure, Gaudu est peut-être touché, mais pas coulé.
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"C'est mitigé, disait-il. On avait l'ambition de prendre l'échappée, on ne pensait pas que ça partirait si tôt si vite. Ça a fait blocage direct, on s'est fait piéger sur l'échappée. Après on perd un peu de temps sur la montée finale. On va dire que c'est une montée mitigée. On n'a pas craqué mais on perd quelques secondes... c'est mitigé. La montée était vraiment difficile, il y avait un gros rythme d'entrée. Ça roulait très vite, il faisait très chaud, ce n'était pas évident. On a bien géré, il ne fallait surtout pas exploser. On a géré notre montée mais c'est sûr qu'on aurait espéré un peu mieux aujourd'hui." Un drôle d’euphémisme, même si Pinot clame "qu’il n’y a pas de raisons de douter".
Pour Madouas, "rien n’est perdu"
"On a montré qu'on était là, Valentin (Madouas) marche très fort aussi. Ce n'est pas parce qu'on perd un peu de temps aujourd'hui qu'il faut tout remettre en question. Oui je pense que le podium est jouable. Et s'il n'y a pas le podium, il y a le top 5, ce n'est pas non plus ridicule! Sur un Tour qui roule vite, il ne faut pas cracher sur un top 5. On se bat pour ça et on va essayer d'aller le plus haut possible", insistait encore le Franc-Comtois, en parfait défenseur de son coéquipier breton.
Pas d’inquiétude exacerbée non plus du côté de Valentin Madouas: "On n'est pas contents de cette journée parce qu'on aurait voulu être encore plus devant mais rien n'est perdu, on n'est pas non plus très, très loin. C'est une course par élimination, il y a encore beaucoup de coureurs qui ont tout perdu aujourd'hui. Il ne faut pas oublier ça, qu'on est toujours dans le match, même si c'est clair qu'on a perdu un peu de temps. Aujourd'hui oui, les autres ont gagné un peu de temps mais sur les dernières journées, c'était presque David qui en avait pris. C'est clair que c'est embêtant, ce n'est pas la meilleure des journées. Il faut se dire que c'était juste une montée sèche, qu'il y aura de grosses étapes de montagne et que les défaillances, mieux vaut les avoir sur des journées comme celle-ci. Même si pour moi, David est très, très loin d'une défaillance."
Une suite de Tour vraiment plus favorable?
Et d’ajouter: "Il est tout simplement à son niveau. Il y a de quoi faire sur tous les cols, c'est là que les différences se feront. David est à 3-4 minutes du podium mais ce n'est que la première semaine et pour moi, ce n'est rien par rapport à ce qui arrive rapidement." La suite, c’est le Massif central, les reliefs du Beaujolais, le Grand Colombier, le redouté col de Joux Plane, Saint-Gervais Mont-Blanc, Courchevel, le Markstein, sans oublier le contre-la-montre individuel programmé le 18 juillet. Un programme censé mieux correspondre à Gaudu si l’on en croit son équipe? Est-il vraiment capable de retrouver son niveau de l’an dernier? Son raté ce dimanche s’explique-t-il seulement par le profil du final?
"Au panneau des cinq kilomètres, ça a vraiment accéléré, racontait Madouas. Ça a vraiment tiré très, très fort. Après David nous a dit de rester à notre rythme, que ça allait exploser devant. On a essayé de monter sur nos valeurs de record. On n'a rien à dire, on a donné le maximum aujourd'hui, on est tous les trois satisfaits de nos sensations et de notre performance parce qu'on était à 100%. Devant ça a été plus fort aujourd'hui mais c'est une montée sèche, il se passera tellement de choses en deuxième et troisième semaines..." C’est aussi ce que doit espérer le public français, qui n’a plus eu de représentant sur le podium du Tour depuis Romain Bardet en 2017. Une éternité.