Tour de France: Pinot, la chance de sa vie?

On le disait éliminé de la course au maillot jaune, hors de portée d’un sacre à Paris. Les jambes toujours fraîches, mais le moral dans les chaussettes... Lundi dernier, pris dans une terrible bordure sur la route d’Albi, Thibaut Pinot concédait 1’40’’ à ses rivaux pour le général comme Thomas, Bernal, Kruijswijk, Buchmann, mais aussi Alaphilippe, et peinait à retenir ses larmes. C’était il y a une semaine. Depuis, la donne a bien changé…
Non content d’avoir triomphé en patron au Tourmalet, samedi, le coureur de la Groupama-FDJ en a remis une couche dimanche au Prat d’Albis, lors de la 15e étape. Histoire de marquer les esprits, et de se relancer: ce lundi, Pinot est remonté à la quatrième place au général, à 1’50’’ du leader Julian Alaphilippe, mais surtout à 15’’ de Geraint Thomas, et 3’’ de Steven Kruijswijk. Et si les bookmakers font désormais du Franc-Comtois le favori, ce n’est pas un hasard: la dernière semaine de course lui offre, à 29 ans, sa plus belle occasion de remporter le Tour.
Un tracé favorable
Sur le papier, les six dernières étapes du Tour 2019 sont parfaites pour Pinot. Déjà, parce qu’aucune d’entre elles n’est un contre-la-montre: même s’il a bien progressé dans ce domaine, et a su limiter la casse vendredi à Pau, le Français a tout de même perdu 35’’ sur Thomas, et 49’’ sur la machine Alaphilippe. Autant dire qu’un nouveau chrono ne lui aurait pas rendu service.
Mais surtout, c’est l’aspect montagneux du tracé qui rend optimiste. Après une étape de plat mardi à Nîmes (où il faudra éviter les pièges et le coup de chaud...), puis une de "transition" mercredi, le Tour va s’offrir trois journées à plus de 2000m d’altitude jeudi, vendredi puis samedi, avec de terribles enchaînements de cols dans les Alpes.
Or, lorsque la route s’élève, Pinot a montré depuis le départ de Bruxelles qu’il est individuellement au-dessus de tout le monde. Même si Thomas, pour ne citer que lui, se refait un peu la cerise, le leader de la Groupama-FDJ aura plusieurs occasions de lui chiper les quelques secondes manquantes, encore plus avec le jeu des bonifications. Quant à Alaphilippe, le maillot jaune a montré pour la première fois au Prat d’Albis qu’il pouvait souffrir de la succession de montées et des changements de rythme d’un pur grimpeur comme Pinot. 1’50’’ d’avance, c’est conséquent, mais c’est aussi très peu en cas de défaillance…
Un train Ineos qui grince
Victorieuse de six des sept dernières éditions, l’armada Sky a par le passé autant impressionné qu’elle a pu démoraliser ses adversaires, capable de boucher tous les trous et d’empêcher les offensives même lorsque son leader était dans un mauvais jour. Mais en 2019, le Team Ineos est moins flamboyant: Geraint Thomas et Egan Bernal ont une carte à jouer, et aucun des deux ne semble prêt (à l’heure actuelle) à se sacrifier pour aider l’autre, tandis que les lieutenants Wout Poels et Jonathan Castroviejo n’ont pas fait une énorme impression dans les Pyrénées. Ce qui a aussi permis à Pinot de faire la différence à la pédale.
Finalement, c’est peut-être Kruijswijk (Jumbo-Visma) le mieux épaulé chez les rivaux, et encore, le Néerlandais a vite perdu Laurens de Plus dimanche, avant que George Bennett ne craque à son tour. Alaphilippe (Deceuninck-Quick Step) et Buchmann (Bora-Hansgrohe), qu’il ne faut pas enterrer, ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
Mais une Groupama-FDJ qui sourit
Ce qui n’est pas le cas de Pinot. Pas cette année. Pointée du doigt après le coup de bordure d’Albi - elle a reconnu une "connerie" -, l’équipe Groupama-FDJ s’est rattrapée avec la manière. Samedi, c’est elle qui a longtemps roulé après l’échappée, comme une formation ambitieuse, pour faire en sorte que la gagne se joue entre les leaders, et on a vu dans le Tourmalet que Pinot peut sans doute compter sur l’équipier le plus efficace en montagne: David Gaudu. Le grimpeur de 22 ans, à l’avenir radieux, est non seulement en mesure de suivre la cadence le plus longtemps possible, mais il a les cannes pour accentuer le rythme, et faire sauter les cadors les plus fébriles. Et c’est sans compter sur Rudy Molard ou sur le Suisse Sébastien Reichenbach, dont on attend beaucoup dans les Alpes.
Ne reste plus qu’à espérer pour Pinot que ses partenaires feront aussi barrage à son habituelle malchance, et aux microbes qui l’ont régulièrement plombé sur les grands tours. Mais s’il y a une année où le rêve lui est permis, soyons clairs, c’est celle-ci.