Paris-Roubaix: "Il fallait que je termine", le récit touchant de Joseph Pidcock, arrivé hors délais une heure après Van der Poel

Il n'a pas eu droit à la même mésaventure qu'Evaldas Siskevicius, mais pas loin. Au printemps 2018, le forçat lituanien était entré dans l'histoire de Paris-Roubaix à sa manière en arrivant plus d'une heure après le vainqueur. Peter Sagan avait eu le temps de ranger son vélo et de filer à la douche lorsque le coureur de l'équipe Delko Marseille s'était présenté devant l'entrée du Vélodrome. Les portes venaient de se refermer mais un officiel avait eu l'élégance de libérer le passage pour lui permettre de franchir la ligne sous le regard d'une poignée de spectateurs interloqués.
Sept ans plus tard, le "dernier" de l'Enfer du Nord répond au nom de Joseph Pidcock. Moins connu que son frère aîné Tom, qui a notamment triomphé à l'Alpe d'Huez sur la 12e étape du Tour de France en 2022, le Britannique de 23 ans s'attaquait ce dimanche à son premier Monument. Un défi XXL pour celui qui a rejoint cette année les rangs de la formation suisse Q36.5, dans le sillage de son frangin. C'est peu avant 18h qu'il a pointé son nez sur le Vélodrome. Les délais avaient été fixés à 26 minutes et 31 secondes. Lui a passé la ligne 53 minutes et 40 secondes après le maître des lieux, Mathieu Van der Poel.
"Il y a tellement de gens qui n'ont pas l'opportunité de courir ici"
Concrètement, Joseph Pidcock est donc considéré comme "non classé", comme quatre autres coureurs arrivés une vingtaine de minutes avant lui mais suffisamment tard pour ne pas figurer au classement. Pas le plus important pour le natif de Leeds, hors délais certes, mais avant tout fier d'avoir été au bout de lui-même et de sa souffrance. Par respect pour la Reine des classiques et par volonté de tester ses limites. "Je devais finir. Il y a tellement de gens qui n'ont pas l'opportunité de courir ici", confiait-il une poignée de minutes après en avoir terminé, reconnaissant "ne pas avoir eu les jambes" pour faire mieux.
Son visage gracile, marqué par la douleur, disait tout de ses six heures passées sur son vélo, à bagarrer cahin-caha contre la guigne, la violence des pavés, et tout ce qui aurait pu le pousser à jeter l'éponge. "Je ne suis pas arrivé dans la meilleure forme. Mais il fallait que je termine, peu importe le temps que ça prendrait", glissait-il derrière un timide sourire, ému et visiblement très touché par les applaudissements nourris qui ont accompagné son tour et demi de piste. Un soutien précieux venu des rares spectateurs encore présents à cette heure tardive pour saluer son courage et sa ténacité.
"C'était assez cool ! Il y avait beaucoup de bruit", disait-il, ajoutant entre deux respirations avoir "essayé" de prendre du plaisir dans la machine à laver de Paris-Roubaix et ses six millions de pavés aussi tranchants que vachards. "Ce que je me disais ? Je ne sais pas. Je savais que j'allais le faire. Je savais qu'il y aurait encore des gens jusqu'à la fin." Peut-être se disait-il aussi qu'en 2019, soit seulement un an après avoir fini hors délai, Evaldas Siskevicius avait pris une revanche éclatante en accrochant... la 9e place d'une édition remportée par Philippe Gilbert. Rendez-vous est pris pour 2026.