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OL: Dans les coulisses d'une dépression hivernale qui dure

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Avec en perspective une possible nouvelle saison sans Ligue des champions à l’automne 2023, l’OL traverse dans la morosité l’exercice en cours, à l’image de son très mauvais classement en Ligue 1 (9e), sur fond de grogne lancinante des fans. Avec l’espoir que la "régénération" d’un vestiaire concrétisée par le mercato actif de janvier 2023 inverse la tendance sur le court terme avant de laisser place à un rebond salvateur.

La soirée et les événements post match du 14 janvier 2023 disent tout de la période: une défaite de plus au compteur (8e en 19 matches) face à Strasbourg qui n’avait gagné qu’une rencontre sur les 18 précédentes journée ; un classement dans le ventre mou (9e) de la Ligue 1, du jamais vu dans les années 2000; la Ligue des champions inatteignable (17 points d’écart avec le podium) dès la mi-parcours; L’Europe qui dépend au fil de la compétition des hasards futurs du tirage (après une Ligue 2, Metz et un club de N3, Chambéry, c’est un "cador" de Ligue1, Lille qui s’annonce en 8e de finale); Et des supporters, qui après les banderoles installées au centre d’entraînement, les multiplient au stade, notamment une, immense représentant une chèvre. Le tout sous les yeux de John Textor, officiellement le nouveau patron depuis quelques jours et qui fait sa première visite en tant que "boss". Il constate que la banderole "La maison brûle" a raison …

Mais qui (ou quoi) a "mis" le feu pour reprendre l’image? "C’est une bonne question et je vous remercie de me l’avoir posée", répondent des habitués de la maison OL bien embarrassés pour cibler tel ou tel moment. Tant finalement, depuis 2019, ils s’accumulent: "S’il s’agissait que d’une cause à l’origine de cette situation, elle aurait été identifiée et donc réglée, mais dans ce cas, c’est une succession de décisions qui tournent au mauvais choix, finalement", glisse l’un d’eux.

Un vestiaire pas forcément "méchant, mais sans âme, ni ressort"

Pêle-mêle et sans être exhaustif: la création d’un nouveau poste – directeur sportif – donné au légendaire joueur, Juninho, sans l’entourer, pour calmer la gronde des exigeants fans lyonnais ; ces derniers qui, ne "supportant" plus un entraîneur maison, forcent Bruno Genesio – qui emmenait pour la 3e fois en 4 saisons l’OL en Ligue des champions à céder malgré un forcing de Jean-Michel Aulas qui espérait encore l’associer au Brésilien, pour l’escorter dans ses premiers pas dans un rôle nouveau au club ; des recrutements dans l’urgence à l’été 2021 (arrivée de Jérôme Boateng et non départs d’Houssem Aouar et de Moussa Dembele) ou en janvier 2022 (arrivées de Romain Faivre, Tanguy Ndombele et Tete) qui suivent tous la même aspiration, vers le bas, du moment dans un vestiaire pas forcément "méchant, mais sans âme, ni ressort" dixit un proche du groupe; l’annonce en mars 2022 du départ de deux actionnaires importants qui contraint Jean-Michel Aulas à passer près de six mois pour concrétiser la vente : un temps précieux pris sur le suivi de la vie du "sportif", lui l’omniprésident qui depuis 1987 a eu à gérer moult moments chauds de la vie du club. Et à chaque fois, avait trouvé la clef pour faire redémarrer la "Formule 1".

Mais ca, c’était avant, quand l’OL était dans un cercle vertueux où il "suffisait" de trouver un pilote de la F1, alors que l’institution au début des années 2020 n’arrive pas à se sortir d’un tourbillon, qui a tous les atours du cercle … vicieux : l’exemple du prêt avorté à Séville, il y a une semaine de Jeff Reine-Adelaïde, l’un des plus gros transferts du club en 2019, qui a du subir deux opérations au genou illustre la période creuse. Il rebondira à Troyes pour un prêt, sans l’option d’achat andalouse à 12 millions d’euros… Un ancien président de la République ne disait-il pas "que les emm … cela vole en escadrille?"

Crise à tous les étages

L’OL a certes déjà traversé des crises… de résultats, comme aimait à les qualifier à chaque fois, Jean-Michel Aulas, le président lyonnais; mais celle de 2023 prend une autre dimension car elle embrase et embrasse toutes les composantes du club.

A commencer par la gouvernance qu’il faut réinventer : habituée depuis 1987 à la toute puissance et à l’inspiration d’un charismatique patron, qui savait gérer avec une énergie folle tous ces instants où cela tangue, "l’institution OL" attend la nouvelle répartition des tâches entre le propriétaire, ses argentiers US qui l’accompagnent et le financent et son nouveau patron opérationnel pour trois ans, Jean-Michel Aulas. "Comme dans toute entreprise, cette période de latence génère doutes et interrogations, chez les employés, et les leaders doivent apprendre à travailler ensemble", admet un connaisseur de ce type de situation dans bon nombre de société d’importance, qui insiste aussi sur l’inhabituel ronde des entraîneurs : Laurent Blanc, arrivé en octobre 2022 est ainsi le 5e à s’asseoir sur le banc depuis 2019 (Bruno Genesio, Sylvinho, Rudi Garcia et Peter Bosz).

Certes tous les acteurs en place sont confortés par John Textor, mais cela n’empêche pas les rumeurs de fleurir dans le monde parallèle des réseaux sociaux, caisse de résonnance XXL des questionnements. Certaines deviennent même des légendes urbaines sur le fait, notamment que les dirigeants ne travaillent pas et/ou n’auraient pas de feuille de route. Or, il faut composer avec des allers et retours de joueurs – avec de jolis contrats - recrutés suivant la sensibilité de cinq entraîneurs différents depuis 2019. Sans compter l’intitulé du poste de Vincent Ponsot, étiqueté désormais "Directeur du football" qui brouille et rend injuste la lecture du grand public de son rôle: le contenu de ses missions ne varie pas depuis son arrivée au club, il continue de ne gérer que l’aspect administratif, contractuel et financier des choix édictés par les spécialistes sportifs, mais il focalise les critiques. Et comme les résultats sportifs apportent que très peu de sourires en général, l’impression qu’une chape de plomb recouvre le club s’épaissit de jour en jour.

A l’autre bout de la chaîne de mécontentements, il y a les supporters. Indulgents (avec quelques excès malgré tout qui révèlent des fractures latentes) au temps de Peter Bosz car conscients que tout ne venait pas d’une question de staff, ils accueillent avec bienveillance mais dans une certaine indifférence, Laurent Blanc le 10 octobre dernier : "Je ne me réveille même plus pour voir les matches quand avec le décalage horaire, ils sont pour moi très tôt le matin, explique un fan expatrié au Quebec. Parfois, je préfère même aller faire de la moto-neige ou du ski de fond que de les suivre à la TV!"

En habitué du sport business à l’américaine, Damien comprend les investissements faits depuis le départ de Gerland dans le grand stade et prolongés actuellement par la sortie d’ici fin 2023 de la salle de spectacle qui jouxte le Groupama Stadium. Mais il aimerait bien aussi ressortir une célèbre banderole qui reste dans l’histoire du club au début des années 2000: "OL Coiffure, OL Conduite, OL Pizza. A quand OL Football". Et à l’époque, l’OL gagnait des titres.

D’autres à cran, certains ont ensuite du mal à canaliser leur colère en ce soir de Lyon-Strasbourg particulièrement éclairant sur l’ambiance morose du moment à l’OL: l’épisode de l’arrivée des joueurs avec jets de pétards aux abords du bus ne sera qu’un apéritif avant un après-match plus chahuté avec tentative d’intrusions des supporters sur la pelouse. La morosité vire à l’adversité envers certains joueurs, ce qui rappelle la précédente saison avec ses incidents à répétition. La fin du match face à Strasbourg tourne au baromètre de la popularité des joueurs, des huées accompagnent les sorties de Thiago Mendes ou Karl Toko Ekambi et même l’entrée d’un enfant du club, Houssem Aouar … De quoi ajouter une couche d’anxiogène à la période, déjà sans reliefs.

"Des joueurs ne sont pas heureux à Lyon"

Dans cette atmosphère qui change l’orchestration des conférences de presse, Jean-Michel Aulas hésite puis fera face aux journalistes, promettant "des mouv’" d’ici la fin du mercato. Car il faut "régénérer le groupe". Quelques jours plus tard, il précise sur tweeter, cette fois-ci en Français « qu’il participe, de manière active au grand mouvement de l’hiver. »

Car Laurent Blanc découvre à son arrivée, un vestiaire en difficulté. Le même que Peter Bosz, son prédécesseur quitte le 10 octobre 2022 sur ce sentiment, délivré à la presse de son pays au début 2023: "Il y a bien sûr une raison pour laquelle ils n’ont plus gagné de titres dans les années qui ont précédé mon arrivée. À mon avis, le pouvoir repose trop sur les joueurs et il n’y avait pas vraiment de mentalité de gagnant au club. Ils aimaient tout mais n’étaient pas prêts à performer."

Laurent Blanc l’avoue volontiers et spontanément en conférence de presse avant le 16è de finale face à Chambéry le 20 janvier: "Des joueurs ne sont pas heureux à Lyon. Et pourtant, on fait un métier extraordinaire et l’OL est un grand club. Après, le club est quand même en droit de dire: vous avez un contrat, on ne peut pas tout faire et accéder à toutes les demandes, par contre on les prend en considération. Donc vous pouvez imaginer un peu ce qui se peut se passer, on est en train de réfléchir sur beaucoup de cas."

Fin de mercato tambour battant

Et tout s’enchaine dans une fin janvier au galop dans le sens des départs et des arrivées : au final, 5 départs et 3 arrivées! même s’il n’émarge pas à la case des "partants souhaités" par le staff lyonnais, le mercato lyonnais commence par le prêt payant (1,5 million + 1 de bonus éventuel) sans option d’achat de Karl Toko Ekambi à Rennes jusqu’au 30 juin 2023. Il se poursuit par un départ de Matheus Tete à Leicester, les prêts de Romain Faivre (Lorient) et Jeff Reine Adelaïde (Troyes), celui de Juilian Pollersbeck, le gardien de but numéro 3 à Lorient. Quant à la manne rapportée par le transfert, suivi d’un prêt à Chelsea de Malo Gusto - 35 millions d’euros (+ 5 de bonus) – elle ressemble à l’anticipation de la non participation et ses lucratifs revenus à la Ligue des champions la saison prochaine.

Déplumé en attaque, l’OL "casse sa tirelire" (dixit JMA) pour attirer deux jeunes jusqu’en 2027: un Suédois d’Heerenveen, Amin Sarr (11 million d’euros + 1 million de bonus) et un Brésilien de Botafogo, autre club de la galaxie de John Textor, Jeffinho (10 millions d’euros + 2,5 de bonus). Ils complètent le mercato de ce mois de janvier 2023 qui avait débuté le 2 janvier avec le retour d’un ex, Dejan Lovren.

Une nouvelle saison "baroque" se profile avec des changements de pieds réguliers comme autant leviers pour redynamiser l’équipe professionnelle: le retour de l’ADN OL (Lacazette et Tolisso) au printemps, le changement de staff en octobre et donc, désormais le grand chambardement du vestiaire amorphe: "il faut retrouver des joueurs avec la banane, la joie de venir à l’OL et de jouer pour ces couleurs", espère un proche du groupe. La "fraicheur" des nouveaux visages peut y contribuer.

Reste une urgence à court terme : sauver ce qui est à sauver avec cette nouvelle stratégie qui permettra d’apercevoir un bout du tunnel. Car jusque là, les techniciens passent et la moyenne de point ne varie pas : Laurent Blanc égale Peter Bosz en 10 matches chacun: tous les deux ont marqué 14 points (4 victoires, 4 défaites et 2 nuls) et avancent au même rythme (1,4 point par match). Et à ce rythme peu soutenu, l’Europe s’éloigne.

Aulas devant la colère des supporters: "Si j’appréhende? Bien sûr!"

Et pour ne rien arranger dans la période … Les échanges aigres doux entre Jean-Michel Aulas et son ex-DS, idole éternelle des supporters alourdissent encore le climat. Une pétition contre le boss a même fleuri sur les réseaux sociaux. "Si j’appréhende? Bien sûr! répond Jean Michel Aulas à l’issue du match gagné à Ajaccio. J’étais dans le car contre Strasbourg où les bombes agricoles pétaient sous le car, j’ai eu peur. Je ne suis pas sûr que les joueurs ont été dans les meilleures conditions. J’attends une unité. Le hashtag #AulasOUT et la pétition pour notre démission? Bien sûr que ça me blesse, je trouve ça terrible."

Mais les braisent couvent: ainsi aux dernières heures du mercato, les fans poursuivent leur pression et annoncent déjà ce rassemblement à venir le 12 février face à Lens avec comme slogan, "la restructuration générale du pôle sportif". Il est plus qu’urgent d’engranger des points ce soir face à Brest, deux bonnes semaines après les "événements" de Strasbourg qui ont laissé des traces.

Alors Laurent Blanc dédramatise à quelques heures de ce retour: "La vérité c’est que les joueurs doivent avoir envie de retourner jouer au Groupama Stadium. C’est notre terrain, il nous appartient à nous aussi, il appartient à tout le monde, tout le monde, les joueurs y compris. Donc il faut vouloir aller au Groupama Stadium se préparer et gagner les matchs, point ! Ça peut l’inhiber le joueur mais ça peut aussi l’excité, ça peut lui faire faire une performance incroyable mais il faut en avoir envie, il faut être prêt. Si tu ne te sens pas bien dans ton stade c’est très grave quand même, c’est très grave, après il faut être bon, il faut gagner (rire)"

Par Edward Jay