Angleterre-Sénégal: Marcus Rashford, la renaissance après la charité

Il n'a eu besoin que d'une centaine de minutes pour mettre trois buts. Et lors de sa seule titularisation dans la phase de poules de cette Coupe du monde 2022 au Qatar, il a rendu la confiance accordée avec un doublé. Dans la lignée de ses récentes prestations à Manchester United (huit buts et trois passes décisives toutes compétitions confondues), Marcus Rashford donne de nouveau satisfaction. "Je suis heureux d'apprécier mon football. Je ne souffre d'aucune blessure ni d'aucun pépin. J'ai l'impression d'être plus proche [de mon meilleur niveau] que je ne l'étais l'année dernière ou les 18 derniers mois. Je travaille encore pour y arriver, mais je suis satisfait des étapes franchies jusqu'à présent", avait-il dit avant d'affronter le Pays de Galles.
À 25 ans, Marcus Rashford revient déjà de loin. La saison passée a été difficile: seulement treize titularisations en championnat, cinq buts toutes compétitions confondues. Un déclin initié lorsqu'il est devenu l'un des boucs-émissaires des supporters anglais avec son tir au but manqué à Wembley pour la finale perdue de l'Euro contre l'Italie. Ce raté avait été suivi d'un déferlement d'insultes racistes sur les réseaux sociaux. Pour ne rien arranger, une blessure récalcitrante à l'épaule l'avait obligé dans la foulée à subir une intervention chirurgicale.
Pour beaucoup, son passage à vide s'explique par sa dispersion ou son altruisme, c'est selon. Pendant un temps, Marcus Rashford n'était plus un simple footballeur, mais un personnage politique philanthropique. En s'engageant contre la malnutrition et la pauvreté des enfants, le "Prince d'Angleterre" a obtenu gain de cause deux fois dans des combats menés contre le gouvernement conservateur de Boris Johnson. L'engagement est alors si colossal que la reine Elizabeth II le fait Membre de l'Empire britannique (MBE).
"Il a besoin d'être structuré, encadré, entouré"
Mais ses actions caritatives suffisaient-elles à expliquer cette méforme? "Au contraire, il a fait tellement de bonnes choses dans tout le pays que ça aurait dû le booster", nuance Julien Laurens, consultant Angleterre dans l'After Foot sur RMC. "Mais il s'est perdu parce qu'il a eu des entraîneurs mauvais à Manchester United. Il a besoin d'être structuré, encadré, entouré. Ce n'était pas du tout le cas avec Solskjaer et Rangnick. Il a beaucoup souffert du désordre à United. Comme par hasard, avec l'arrivée de Ten Hag, le retour de quelque chose de beaucoup plus structuré et discipliné, il est forcément bien meilleur".
Le feeling avec l'entraîneur néerlandais est effectivement bon. "Il veut que je sois dans les bonnes zones pour que je marque des buts et que je presse haut sur le terrain, décrivait le numéro 10 des Red Devils en octobre. Même si je ne suis pas dans mon meilleur jour, il faut se tenir à ces principes. Ce sont des fondamentaux pour la performance".
Un été américain très fructueux
Un autre élément de réponse est à chercher du côté des États-Unis. L'été passé, Marcus Rashford s'est rendu dans l'Oregon, et plus précisément au centre de performance de Nike, son équipementier. Au programme, selon le Daily Mail: des sprints de 200 mètres en pente, des courses avec des poids des élastiques ou des poids de 50 kg, mais aussi une batterie d'analyses.
Les spécialistes de la marque à la virgule lui ont fait modifier sa posture dans ses accélérations, pour qu'il évite de s'appuyer trop longtemps sur son pied arrière. Il a aussi été question de retravailler sa coordination pied-oeil. Il s'est alors avéré qu'il était meilleur s'il se tournait de la gauche plutôt de la droite. Les examens ont même conclu qu'il devait réduire le nombre de massages afin que son corps apprenne à mieux récupérer de lui-même.
Peut-il se faire une place dans le onze ?
Lorsqu'il est revenu au centre d'entraîement de Manchester United, des habitués l'ont décrit comme un homme nouveau. "Aux yeux de beaucoup à Carrington, il est une personne différente de celle d'il y a six mois", écrivait The Athletic.
Gareth Southgate a aussi vu un déclic. "Je suis allé le voir pendant l'été et j'ai eu une longue discussion avec lui, a confié le sélectionneur anglais à Doha. Il avait des idées claires sur les choses auxquelles il pensait devoir réfléchir et qu'il devait faire. (...) Nous avons une version complètement différente du joueur que nous avions à l'Euro l'été dernier. (...) C'est génial pour lui et pour nous".
Après l'Euro 2021, Marcus Rashford n'avait plus été appelé chez les Three Lions. Le voilà désormais joker de luxe pouvant envisager de griller la politesse à Raheem Sterling pour le huitième de finale contre le Sénégal, dimanche soir (20h).