Coupe du monde 2022: Italie, les raisons d’un retentissant fiasco

Un Euro très mal digéré
Personne - peut-être pas même les joueurs - n’y croyait ou presque. Et pourtant l’Italie a remporté l’Euro à la surprise générale l’été dernier alors qu’elle ne disposait pas vraiment de la meilleure génération de son histoire. Quelques mois plus tard, la désillusion est totale avec cet échec en demi-finales de barrage pour la Coupe du monde 2022 face à la Macédoine du Nord (0-1). L’équipe se délite depuis la rentrée internationale en septembre dernier. La Nazionale s’est sabordée en qualifications avec quatre matchs nuls en cinq matchs, dont un affligeant en Irlande (0-0) pour conclure. Une contre-performance synonyme de deuxième place et de barrages. Le large succès face à la Lituanie (5-0) et celui face à la Belgique (2-1) pour la 3e place en Ligue des Nations ont fait illusion au cœur de cette saison où la série d’invincibilité de l’équipe s’est arrêtée à 37 matchs face à l’Espagne (2-1).
Des cadres défaillants
Cela ne séchera pas les larmes mais Marco Verratti est unanimement salué comme le meilleur joueur de l’Italie face à la Macédoine du Nord (0-1). Le milieu parisien fut l’un des rares cadres au niveau. Alessandro Florenzi passe aussi entre les gouttes. Pour le reste, la Nazionale n’a pas pu compter sur ses vieux briscards, Giorgio Chiellini (entré en deuxième période) et Leonardo Bonucci, diminués physiquement. En lice pour le Ballon d’or, Jorginho vit des moments douloureux en sélection. Ses deux penalties manqués face à la Suisse (à l’aller et au retour) lors de la phase de poule coûtent très chers. Il restera "hanté" par ses échecs, comme il l’a confié. Jeudi, c’est surtout l’attaque qui a pêché dans le dernier geste à l’instar du capitaine d'un soir Ciro Immobile (32 ans), en échec en sélection autant qu’il brille en club (21buts en 25 matchs de Serie A avec la Lazio). Lorenzo Insigne est, lui, très critiqué ce vendredi matin. La Gazzetta, très acerbe, l'a ainsi trouvé au niveau pour rejoindre le Canada (il s'est engagé avec Toronto).
Des clubs en perdition en Europe
Dans un tel marasme, la parole d’Arrigo Sacchi (75 ans) - considéré au choix comme une légende, un prophète ou un mentor du football italien - est invariablement recherchée. Pour lui, ce nouveau désastre semblait presqu’inévitable. "Ce qui s'est passé à Palerme contre la Macédoine se passe avec les équipes de clubs depuis douze ans, a-t-il lancé dans la Gazzetta dello Sport. On n'a plus rien gagné en Europe depuis 2010, après l'Inter en Ligue des champions avec Mourinho. La victoire à l’Euro a été une merveilleuse exception pour laquelle nous devons être reconnaissants car elle nous a donné un trophée remporté avec mérite et un bon jeu." Depuis le sacre de l’Inter, la Juventus a bien disputé deux finales de Ligue des champions (2015 et 2017). Mais la Vieille Dame reste sur trois éliminations consécutives en huitièmes de finale.
Le niveau de la Serie A pointé du doigt
Ces échecs répétés en Europe découlent d’un niveau en baisse en Serie A. C’est encore l’avis de Sacchi qui juge le rythme des matchs "ridicule". "Essayez de regarder un match en Angleterre, en Espagne ou en Allemagne, lance celui qui a entraîné le grand Milan (1987-1991). Les joueurs vont beaucoup plus vite, ils s'habituent au niveau européen dans leurs nations. Ici les arbitres sifflent trop, les actions sont toujours interrompues. Comment jouez-vous de cette façon? Je le répète: nous sommes en retard, et pas seulement dans le football. J'aime le football, et le football italien en particulier, mais il faut être honnête: il n'y a pas d'idées. D'abord: il faut apprendre aux enfants à jouer, bref, on ne va pas toujours compter sur le sauveur de la patrie qui peut même venir de l'étranger."
Un réservoir de jeunes à sec?
Malgré les promesses de jeu de Sassuolo ou de l’Atalanta Bergame, l’Italie ne compte pas de vraies stars actuellement. Dans un championnat où les anciens ont toujours eu la part belle, la formation est pointée du doigt. Le sage Sacchi tire encore la sonnette d’alarme sur la manière de travailler des clubs. "On continue d'acheter des étrangers pour nos clubs, et les filières jeunes regorgent aussi de jeunes qui viennent de l'étranger: est-on sûr que c'est la bonne voie ou, au contraire, n'est-ce pas là le vrai problème?, interroge-t-il. (…) Les secteurs de la jeunesse sont pleins d'étrangers achetés comme s'il s'agissait de stocks de fruits et légumes, les clubs sont pleins de dettes, les équipes ne gagnent rien en dehors de l'Italie et personne n’élève la voix pour dire quelque chose? À l'étranger, ils courent, construisent des centres fédéraux, soutiennent la croissance des jeunes. Nous ne le faisons pas. Pourquoi?"
Il conclut sur un constat terrible. "Le football italien souffre d'un retard culturel, il n'y a pas d'idées nouvelles, lâche-t-il. D'autres nations évoluent et nous sommes il y a soixante ans. Je le dis clairement: les moins coupables de cette situation sont les joueurs et l'entraîneur. Ici le problème est 'institutionnel'."