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EXCLU RMC SPORT

FFF: "Je me demande si Noël Le Graët est encore lucide", s’interroge le président du Conseil national d’éthique

Patrick Anton, président du Conseil National d'Ethique (CNE) de la Fédération française de football (FFF), prend la parole pour la première fois après les premiers éléments de l'audit dévoilés lundi par RMC Sport. Ce pré-rapport commandé par le ministère des Sports à la mi-septembre devait faire un bilan sur la gouvernance de la "3F" et les accusations de violence sexiste et sexuelle au sein de l'instance.

Quelle est votre première réaction après l’audit de la FFF dévoilé lundi par RMC Sport ?

L’audit vient confirmer la décision qu’on avait prise au Conseil national de l'éthique de demander le retrait du président Noël Le Graët. Cette décision au comité d’éthique, nous l’avons prise à partir du moment où il y a eu l’interview dans l’émission de Marion Bartoli et qu’on a vu de quelle manière une légende du football français, Zidane, était considérée. Ce n’était pas un fait isolé, ça vient se rajouter à d’autres faits.

Noël Le Graët s’accroche encore à son siège à la Fédération, vous réitérez votre demande de départ ?

Je me demande si Noël Le Graët est encore lucide pour prendre une décision de manière totalement rationnelle. Je crois qu’il est encore dans le déni et qu’il ne veut pas reconnaître les fautes qu’il a commises. Je crois que l’audit sur ce point-là est assez clair et la parole s’est libérée. Quelques jours après l’interview de Sonia Souid, on a vu plusieurs personnes se plaindre de Noël Le Graët. S’il n’y a plus cette lucidité, ce que je crois, je crains qu’il ne s’accroche encore à son poste et juridiquement (sauf si convocation d’une assemblée exceptionnelle, ndlr) personne ne peut le déloger. Le problème est maintenant de savoir combien de temps il va rester, et ça personne ne le sait pour le moment.

Cet audit remet en cause toute la gouvernance de la FFF, est-ce que pour vous un élément est à mettre en avant ?

Le manque d’opposition. Je trouve qu’il faut passer à un autre stade avec une gouvernance démocratique, il ne faut plus de liste bloquée. Une opposition doit exister à l’intérieur de la gouvernance avec des nouvelles voix et des idées nouvelles. De lire que le Comex n’est qu’une chambre d’enregistrement, on est très loin du fonctionnement que l’on peut attendre de la première Fédération de France. Il faut supprimer ces listes bloquées avec une dose de proportionnelle et des candidats d’opposition. On peut raisonner comme en politique. En politique il y a des contre-pouvoirs, ça serait peut-être bien d’en instaurer à la FFF. Le président ne peut pas de manière dictatoriale imposer ses décisions.

"Le premier dirigeant du football français n’est pas au-dessus des lois"

Après la sortie lunaire de Noël Le Graët début janvier, le Conseil national de l’éthique a été le seul organe de la FFF à prendre la parole. Un vrai contre-pouvoir ?

Il n’y a aucun honneur, le Conseil est le seul organe indépendant, nous n’avons pas à demander l’avis du Comex ou du président pour prendre une décision. L’autre personne à avoir pris une décision, en Comex, c’est Eric Borghini. C’est le seul membre du Comex à avoir demandé à Noël Le Graët de se mettre en retrait ou de démissionner. Contrairement à ce qui se dit, le CNE travaille. Depuis une saison et demie à la tête de cette commission, nous traitons tous les dossiers envoyés. On n’a pas médiatisé notre fonctionnement. Je suis certain que ça a été une surprise pour beaucoup de monde que la commission d’éthique donne son avis sur ce dossier. Le premier dirigeant du football français n’est pas au-dessus des lois, comme les autres dirigeants on a décidé de proclamer que l’on souhaitait la démission de Noël Le Graët.

Demander sa démission était la décision la plus logique ?

Demander sa démission, on peut interpréter ça comme une sanction. Mais c’est plus une mesure de protection. Je savais que le déballage allait être terrible pour lui et son entourage par la suite. J’ai connu le président Noël Le Graët comme président de Guingamp et comme président de la LFP, ça a été un excellent dirigeant, le seul dirigeant de la LFP, FFF et d’un club de foot. On aurait voulu qu’il sorte par la grande porte mais ce que je crains c’est que dans quelques années on ne retiendra que le côté négatif de Noël Le Graët. On oubliera le grand dirigeant du football français.

Propos recueillis par Nicolas Pelletier