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Coupe du monde féminine 2023: aller supporter les Bleues, une vraie galère pour les Français

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L’équipe de France féminine entame sa Coupe du monde ce dimanche face à la Jamaïque (12h) à Sydney. Les joueuses d’Hervé Renard devront bien entamer leur compétition, même si les supporters tricolores seront peu nombreux… du moins en début de compétition.

Quatre ans après une soirée difficile au Parc des Princes, marquée par une élimination en quart de finale de la Coupe du monde face aux Etats-Unis (2-1), les Bleues retrouvent le quotidien du Mondial ce dimanche avec un premier match face à la Jamaïque (12 heures). Au Sydney Football Stadium, les joueuses d’Hervé Renard veulent entamer leur compétition de la meilleure des façons contre la 43e nation au classement FIFA. Et ce, même si les supporters des Bleues seront peu nombreux en tribunes.

Au moins 500 Français sur les quelque 50.000 expatriés en Australie, sont attendus pour l’entrée en lice des Tricolores. Plusieurs groupes ont également pris leurs places pour les deux autres matchs de poules, face au Brésil (le 29) et le Panama (2 août), a expliqué l’une d’entre elles à la FFF en marge d’un entraînement de l’équipe de France à Sydney. D’autres feront entendre leurs voix dans les fan-zones.

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L’organisation de la neuvième édition en Australie et Nouvelle-Zélande est loin d’être une bonne nouvelle pour les fans tricolores résidant en France métropolitaine, dont beaucoup ont dû tirer un trait sur l’idée d’aller supporter Eugénie Le Sommer et ses coéquipières à l’autre bout du monde. C’est notamment le cas des France Ang’Elles, le principal groupe de fans de l’équipe de France. “Une vingtaine de personnes devait faire un périple de trois semaines et demi avec des camping-cars entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande, explique Richard Farjot, le président du groupe de supporters, auprès de RMC Sport. Mais le projet est tombé à l’eau au dernier moment, lorsque la hausse des tarifs a eu raison des projets des supporters. Plus les jours passaient, plus le prix du carburant augmentait, tout comme les billets d’avion.”

Des Français présents… pour la finale

Après avoir été aux côtés de la sélection lors de l’Euro 2017, la Coupe du monde 2019 et le Mondial U20 en 2018, les France Ang’Elles et leur président ont donc mis en place un plan B, non sans avoir “de l’amertume”. “On va se retrouver dans le Nord, entre Lens et Lille, pour suivre cette Coupe du monde. On a choisi cet endroit car il y a la phase finale de l’Euro féminin U19 qui est organisée en Belgique (18-30 juillet), ce sera l’occasion d’aller encourager les Bleuettes.”

Pour les trois matchs de la phase de groupes, il reste encore des billets pour Panama-France, le 2 août à Sydney (entre 12 et 25 euros). Les deux premiers matchs des Tricolores, face à la Jamaïque (le 23 juillet à Sydney) et au Brésil (le 29 à Brisbane) sont quant à eux “low available” sur le site de la billetterie de la Fifa. Traduction: seulement des tarifications spéciales sont disponibles.

Étant donné la distance entre chaque site (900 kilomètres entre Brisbane et Sydney, 870 entre Sydney et Melbourne), les supporters ont dû faire des choix. “J’arrive en Australie le 28 juillet avec trois amies et nous serons sur place jusqu’au 21 août”, raconte Anne, qui suit les Bleues depuis le Mondial 2015. La chef de projet dans une entreprise de transport et logistique n’a pas hésité à prendre un mois de congés pour faire un voyage “2 en 1” entre football et tourisme. “La première semaine, jusqu’au 5 août, on sera en van. Ça permet déjà d’économiser sur l’hôtel et les restaurants. Malheureusement, on a dû se limiter dans le choix des matchs parce que l’Australie est immense”, poursuit la trentenaire.

Un crève-cœur pour cette supportrice, qui a enchaîné un match tous les deux jours lors de l’Euro en Angleterre l’an dernier. “Mais c’est aussi l’occasion de faire un beau voyage.” Anne sera donc dans les tribunes du stade Rectangulaire de Melbourne le 6 août, avant d’enchaîner le lendemain au Lang Park de Brisbane pour les huitièmes de finale. “On a ciblé les équipes qui nous intéressent, comme les Pays-Bas, l'Angleterre et l'Australie. On n’est pas sûres des équipes qu’on va voir mais on s’est organisé en fonction des villes où on était.” En revanche, un rendez-vous est incontournable: la finale, organisée le 20 août au Stadium Australia à Sydney. Où Anne espère retrouver Eugénie Le Sommer et ses coéquipières. “C’est un match qu’on voulait absolument voir”, avoue-t-elle.

Des prix exorbitants

C’est également le choix privilégié par Julie. La militaire, membre des OL Ang’Elles, sera sur place pendant 10 jours avec une amie. Une évidence pour celle qui rêve de faire ce voyage depuis deux ans. “C’est le plus beau match de la compétition. Mes chefs ont été avertis bien assez tôt, un an à l’avance”, explique-t-elle. Au programme: un départ de Paris le 17 août pour une arrivée en Australie deux jours plus tard. Timing parfait pour assister à la finale du Mondial, prévue le 20 août. Une nouvelle compétition vécue aux côtés des Bleues, qu’elle suit depuis les Jeux olympiques 2012, lorsque les Tricolores avaient ramené la médaille en chocolat de Londres.

Choisir ses matchs est l’un des sacrifices acceptés par ces supporters. Même si les prix des billets restent abordables (à partir de 11,30 euros pour les adultes), les autres dépenses alourdissent très sérieusement le budget. “Pour 10 jours sur place, le budget tourne autour de 5.500 euros, dont 3.300 euros de billets d’avion et 800 euros d’hôtel”, confie Julie. Pour Anne, la case transport représente également un budget conséquent. Outre le vol Paris-Australie, elle a aussi réservé six vols intérieurs pour relier les différentes villes au pays des Wallabies, pour une facture avoisinant les 4.000 euros. “Après notre première semaine en van entre Adélaïde et Melbourne, on prend un avion pour aller dans le nord à Brisbane, puis un autre pour se rendre à Darwin (nord du pays). De là-bas, un autre avion nous emmène à Alice Springs (centre), avant d’arriver à Sydney, explique la grande fan d’Eugénie Le Sommer. On est obligé de reprendre l'avion parce qu’avec les distances, ce sont deux jours de route. Pour gagner du temps, on prend l'avion, mais on sait évidemment que ça nous coûte plus cher.”

Un manque d’accompagnement de la FFF ?

Aller voir la Coupe du monde à l’autre bout du monde demande donc du temps et - beaucoup - d’argent. Ce qu’une partie des supporters tricolores n’ont pas. C’est pour cette raison que Richard Farjot a cherché de l’aide auprès de la Fédération. Selon le président des France Ang’Elles, la FFF “ne joue pas le jeu” pour aider les fans des Bleues, “contrairement aux autres Fédérations”. Et ce, quelque soit le match des féminines. “C’est compliqué pour notre groupe, qui n’est pas officiellement reconnu par la FFF. Je suis en bon terme avec eux mais je refuse mon droit d’adhérer, je préfère être indépendant”, explique-t-il.

Contactée, la FFF fait savoir que le budget pour la Coupe du monde a été revu à la baisse. L’institution a bataillé pour permettre aux joueuses d’avoir leurs familles en Australie. “La Fédération a mis des choses en place pour que nous puissions faire venir nos familles. C'est très loin et donc cela nécessite toute une organisation. Mes proches vont partir longtemps et cela coûte assez cher mais ce sera aussi une expérience dingue pour eux”, expliquait Eve Périsset en conférence de presse dès les premiers jours de préparation.

Plus généralement, Richard Farjot estime que “le football féminin est martyrisé en France” et n’a pas profité de l’organisation du Mondial 2019 pour perdurer. “Après le quart de finale perdu face aux Etats-Unis, c’était le no man’s land. On a manqué le coche.” Le représentant des France Ang’Elles s’étonne du choix des stades accueillant les matchs post-Coupe du monde, lors de la toute nouvelle Ligue des nations. “L’équipe de France féminine, ce n’est pas que la Bretagne ou le Nord !”. Face aux critiques, la Fédération rappelle que ce sont les appels d'offres qui sont déterminants. Or, aucune ville du sud du pays n’a répondu favorablement pour accueillir un match des joueuses d’Hervé Renard, qui joueront la saison prochaine à Valenciennes, Rennes, Reims, Sochaux, Metz et Saint-Étienne.

Les JO 2024, un nouveau tournant ?

Si les supporters des Bleues ne seront pas nombreux en Océanie, une grande partie a déjà réservé ses billets pour les Jeux olympiques de Paris l’été prochain. “J’ai déjà ma place pour la finale (au Parc des Princes) et deux matchs à Lyon, où jouera l’équipe de France", avance Julie, qui retrouvera Anne, déterminée à aller voir les Tricolores lors des trois matchs de poule au Groupama Stadium et à Geoffroy-Guichard. “Dans ces Jeux olympiques qui vont nous coûter un bras si on veut des places, par chance, le foot féminin est un des sports abordable (des places à 30 euros sont encore disponibles pour aller voir les Bleues, ndlr).”

Dans des stades que les supporters espèrent remplis, dans la lignée du Mondial 2019, l’équipe de France jouera gros pour cette nouvelle compétition à domicile. Peut-être même plus que la Coupe du monde, où les Bleues ont une étiquette d’outsiders. “Pour le titre dès cet été, ça peut paraître juste étant donné qu’Hervé Renard vient d’arriver. Il n’a pas eu trop de temps pour travailler. Mais ce groupe va engranger de la confiance pour repartir du bon pied après la gestion catastrophique de Corinne Diacre”, poursuit Julie, qui ne crachera pas sur un premier trophée en compétition internationale dès cet été en Australie pour une équipe habituée aux places d’honneurs ces dernières années. Même si c’est à l’autre bout du monde.

Analie Simon Journaliste RMC Sport