Guerre en Ukraine: le témoignage fort de l'entraîneur du Sheriff Tiraspol, qui s'est engagé dans l'armée

Entraîneur du Sheriff Tiraspol, l'Ukrainien Yuriy Vernydub ne finira pas en principe la saison sur son banc de touche. Depuis le conflit qui oppose son pays d'origine à la Russie, le technicien a quitté la Moldavie où il dirigeait son équipe pour mener une autre bataille et défendre l'Ukraine.
Alors au Portugal le 24 février dernier pour un seizième de finale retour de Ligue Europa face à Braga, Yuriy Vernydub reçoit alors un appel qui va changer sa vie. "Mon fils m'a appelé à 4h30 du matin et il m'a dit que les Russes nous avaient attaqués. Je savais alors que je retournerais en Ukraine pour combattre, a confié l'homme de 56 ans à la BBC. Je suis parti pour l'Ukraine le samedi matin à la première heure. Je me suis inscrit dimanche. Il m'a fallu 11 heures de Tiraspol pour rejoindre mon domicile ukrainien. Je ne peux pas dire que c'était difficile."
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Vernydub: "Je n'ai pas peur"
Habitué à être en première ligne avec sa fonction d'entraîneur, Vernydub a répondu cette fois à l'appel patriotique. "En rentrant chez moi, j'ai vu beaucoup d'hommes forts quitter le pays. S'ils reviennent, je serai heureux. Je comprends qu'ils soient partis avec leurs familles dans d'autres pays. Dans notre région, beaucoup d'hommes sont partis. J'ai compris à ce moment-là que je ne pouvais pas faire la même chose, raconte celui qui a été suivi par sa femme dans ce voyage. Je me suis dit que dès que je rentrerais chez moi, j'irais m'inscrire. Mes proches ont essayé de m'arrêter. Je suis resté fort et je remercie ma femme de m'avoir soutenu. Elle connaît mon caractère. Si je prends une décision, je ne la changerai pas."
Refusant de retourner en Moldavie, celui qui a battu le Real Madrid en phase de groupes de la Ligue des champions cette saison estime en ce moment être "probablement" à 120 kilomètres d'une zone de combat. "Je n'ai pas peur", assure Vernydub, qui a fait l'armée lors de ses jeunes années. "Pendant deux ans, on nous a enseigné la théorie et ensuite on a appris à manier une arme. Mais c'était il y a si longtemps, retrace l'intéressé. Je ne peux pas dire que j'ai du mal à utiliser les armes à feu, je sais comment m'en servir."
S'il a quitté provisoirement son équipe du Sheriff Tiraspol, Yuriy Vernydub en a retrouvé une autre depuis. "Le collectif autour de moi est fou. Dans le bon sens, bien sûr, se félicite le coach. C'est vraiment cool que j'en fasse partie. Il y a différents personnages ici. Mais ils sont unis, motivés et très motivés. Tout est partagé entre nous. De ce point de vue, tout va bien. C'est aussi sympa que beaucoup aient voulu prendre des photos avec moi."
"Penser au football me motive"
"Je n'ai pas le droit de divulguer quel est mon rôle dans l'armée, précise celui qui a été enrôlé. Maintenant, nous sommes instruits. A chaque minute, nous sommes prêts à aller là où ils nous disent. Je n'ai pas encore utilisé mon arme mais je suis prêt, toujours [...] Je n'ai aucun doute dans mon esprit que l'Ukraine gagnera cette guerre. Je ne peux penser à rien d'autre. J'en suis sûr. J'ai vu cette tragédie nous unir en tant que nation."
S'il a un "respect total" pour son président Volodymyr Zelensky, l'entraîneur ne comprend pas "les Russes qui ne sont pas contre Vladimir Poutine", accusant le dirigeant adverse "de mentir" en s'attaquant aux civils ukrainiens. "Je pense que les exigences de la Russie sont impossibles à atteindre", complète Yuriy Vernydub.
Loin de son quotidien habituel, Yuriy Vernydub "pense toujours au football, tout le temps". S'il remercie le reste de l'Europe "pour son soutien", l'Ukrainien a aussi reçu des messages de ses joueurs. "Ces dernières semaines, les joueurs n'arrêtaient pas de me demander pourquoi j'étais triste tout le temps, retrace Vernydub. Je n'arrêtais pas de dire que tout allait bien, mais que bientôt quelque chose allait arriver. Ils n'arrêtaient pas de dire que non, mais j'ai ressenti quelque chose. Le 1er mars, les joueurs ont gagné en championnat et ils ont gagné. J'apprécie cela. Penser au football me motive. Le football, c'est ma vie. J'espère que cette guerre ne durera pas longtemps. Nous gagnerons et je retournerai à mon travail bien-aimé."