Le Barça ou le Real Madrid favorisés sous Franco? Les explications d'un historien

En marge du "Barçagate" et de l’affaire Negreira, Joan Laporta, président du FC Barcelone, a qualifié le Real Madrid de "club de régime". Quel est le contexte de ces accusations ?
Cyril Polycarpe: Les deux clubs sont fondés sur des tensions politiques depuis la création du Real Madrid en 1902. C’est une légende dont la volonté est de montrer qu’il y a un ennemi - le Real au service du pouvoir, du gouvernement et notamment durant cette époque franquiste, et un gentil - le FC Barcelone. C’est une légende qui a été construite par les médias mais qui a été démontrée. Le Real Madrid a essayé de le montrer à travers sa vidéo, il n’était pas franquiste, bien au contraire, il était républicain, son président était un journaliste républicain, Rafael Sánchez-Guerra. Le club a d’ailleurs été détruit par Franco et ce dernier a ensuite participé à la reconstruction de ce Real. Généralement, on parle beaucoup de la reconstruction du Real par ce régime franquiste mais on ne parle pas de sa destruction.
Sur quels arguments se base le FC Barcelone ?
C’est une manipulation de contexte. La Liga est basée sur ce Clasico. Il faut faire monter la sauce. Il faut préparer un état d’esprit, une confrontation. Pour cela, chacun défend son identité, son histoire. Le Real a quand même été dissous par le général Franco en 1939. Le Real devient un club sans équipe, sans stade et sans véritable entité administrative. Mais il renaît car le gouvernement Franco remet en avant une diplomatie qui passe par le sport. Et notamment par le football qui est très important au sein de la communauté espagnole. Ils ont donc obtenu ce consentement de terrain, où est aujourd’hui basé le stade Santiago-Bernabéu. C’est cet élément de contexte qui a causé la rumeur que diffuse le FC Barcelone et qui est reprise par les médias. On n’hésite pas à dire que le Real est un club franquiste. Mais si on regarde bien, d’autres clubs ont bénéficié du régime, dont le FC Barcelone, qui a été sauvé d’une faillite trois fois par le gouvernement espagnol. Tous les clubs espagnols ont encensé le régime de Franco car ils ont bénéficié de cette reconstruction du football dans le pays.
Dans une vidéo publiée lundi soir, le Real a répondu aux accusations de Laporta. Ils publient des archives pour prouver les liens entre le club catalan et Franco. On peut notamment voir des images de l’inauguration du Camp Nou, de la remise de plusieurs distinctions au dictateur. Ces arguments sont-ils exacts ?
Oui, il y a aussi des relations. Le FC Barcelone s’est basé sur un projet à la fois politique et footballistique qui est l’indépendance, mais cette indépendance a des points noirs. Le sport catalan est, dès 1936, chapeauté par des personnages très proches de Franco, notamment des mouvements fascistes comme celui de la Phalange, piloté par Juan Antonio Samaranch. Les relations entre le FC Barcelone et le domaine politique régional ont toujours existé. Il y avait une entité unitaire qui était Franco avec une délégation dans les régions et elles étaient pro Franco. Quels que soient les clubs, ils avaient intérêt à être dans la mouvance de Franco car ils étaient protégés. En cas d’opposition, ils étaient immédiatement dissous.
Pourquoi les deux clubs utilisent-ils des arguments politiques pour se décrédibiliser ?
C’est très récurrent en Espagne. Les deux s’accusent entre eux en permanence. Cela a commencé avec l’affaire Negreira et tout ceci est amplifié car la rivalité entre Barcelone et le Real, c’est le symbole du Clasico. Ce match génère plus de 500 millions de téléspectateurs, des droits TV pour 182 pays. On cherche à toucher le plus de continents possibles, même le continent asiatique. C’est un événement sportif qui doit faire rayonner la Liga et l’Espagne. Ça génère beaucoup de tensions. On s’accuse aujourd’hui d’avoir acheté des arbitres car la Liga est en crise. Depuis le départ de Messi et Ronaldo, le Clasico s’essouffle donc il faut relancer certains débats.