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Liga: qui du Barça ou du Real Madrid a eu les faveurs de Franco? La presse espagnole divisée

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Sur fond de tensions dans l'affaire Negreira, le Real Madrid et le FC Barcelone se sont mutuellement accusés lundi d'avoir été historiquement favorisés par Franco durant sa longue dictature. La presse espagnole tente depuis de démêler le vrai du faux - non sans prendre parti selon son identité barcelonaise ou madrilène.

Qui du Real Madrid ou du FC Barcelone a historiquement été favorisé par Franco? Cette question divise le pays depuis des décennies, et davantage encore depuis lundi, depuis que les deux clubs rivaux se sont mutuellement accusés de faveurs passées de la part de l'ancien homme d'Etat, à la tête d'un régime dictatorial en Espagne entre 1936 et 1975.

Dans une vidéo diffusée vers 21h30 dans l'émission Real Madrid Conecta, puis devenue virale une fois partagée sur ses réseaux sociaux, la Maison blanche a voulu illustrer les liens supposés entre le Barça et Franco. Dégainant des images d'archives, parfois sans véritable contexte. S'appuyant sur le travail du site indépendant Futbolgate.com, qui a enquêté sur plusieurs cas les plus controversés du football espagnol, le média El Espagnol l'affirme: le club "le plus favorisé" a été le FC Barcelone.

"Le fameux 'Més que un club' trouve son origine dans un discours franquiste"

"S'il y a un club qui a vraiment souffert de la présence de Francisco Franco au gouvernement, c'est bien le Real Madrid. Une grande partie de l'équipe a connu de graves problèmes après la Seconde République et la Guerre civile." Le média rappelle que "l'une des figures les plus persécutées" fut Rafael Sánchez-Guerra, président du club et conseiller républicain à la mairie de Madrid. "Pendant son mandat, le club est saisi par les milices et il est même arrêté et emprisonné en 1939. (...) À l'instar du président susmentionné, plusieurs joueurs et personnalités du Real Madrid de l'époque et des années précédant la Guerre civile ont été persécutés par les troupes franquistes. Les cas les plus célèbres sont ceux de Perico Escobal et d'Antonio Ortega."

"Alors que le Barça a toujours utilisé la figure de Franco pour attaquer le Real Madrid, l'équipe azulgrana a essayé de faire en sorte que des passages comme ceux de Francesc Miró-Sans ou d'Enrique Llaudet passent inaperçus, poursuit El Espagnol. Ces hauts responsables du club sont devenus présidents alors qu'ils appartenaient à La Phalange (organisation nationaliste d'obédience fascisante, qui sera intégrée au régieme franquiste après la Guerre civile, ndlr). Et même le slogan sportif du Camp Nou, le fameux "Més que un club", trouve son origine dans un discours du franquiste Narcís de Carreras lors de son investiture à la présidence du Barça (en 1968)."

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Le pacte de Pazo de Meirás

Dans sa vidéo, le Real Madrid affirme également que "Barcelone a été sauvé trois fois de la faillite avec trois requalifications par Franco". "Le Barça a probablement connu son moment le plus critique en 1965, lorsqu'il était au bord de la faillite. Mais c'est à ce moment-là que la main de Francisco Franco est apparue pour façonner un sauvetage qui a permis au club de renaître de ses cendres", confirme El Espagnol.

"Le caudillo (Franco) autorise une série de reclassements majeurs qui permettent au Barça de se maintenir financièrement. Le plus important a lieu en août 1965. Un pacte est signé au Pazo de Meirás, qui autorise la requalification du site de Les Corts. Il approuve le changement d'affectation d'un espace vert dans le plan partiel d'urbanisme de la zone nord de l'avenue du Général Franco, entre les places de Calvo Sotelo et du Pape Pie XII, dans la ville de Barcelone. Grâce à cette décision, Francisco Franco et Fernández Miranda sont devenus membres honoraires du Barça. Suite à cette décision, le Barça obtient en trois ans quelque 450 millions de pesetas (2,7 millions d'euros)."

Liens entre dix présidents de la Commission des arbitres et Madrid

Dans cette bataille rangée, la presse pro-barcelonaise a elle cherché à confirmer la véracité des propos de Joan Laporta sur un supposé favoritisme historique de l'arbitrage espagnole en faveur de Madrid ("Pendant sept décennies, la majorité des présidents d'arbitres ont été d'anciens membres de Madrid, d'anciens joueurs ou d'anciens dirigeants"). S'appuyant sur un document publié par La Vanguardia, quotidien barcelonais et majoritairement lu en Catalogne, le Mundo Deportivo couche dans une infographie les liens entre dix présidents de la Commission des arbitres et Madrid.

Dans un autre papier, le Mundo Deportivo déconstruit l'argumentaire utilisé dans la vidéo madrilène selon lequel "Barcelone a décoré le dictateur franquiste à trois reprises". "Ce qui n'apparaît pas dans le document blanco (madrilène), c'est que ces médailles ne sont plus en vigueur, car l'Assemblée des membres (du Barça) a retiré les médailles et les honneurs décernés au dictateur en 2019 sur proposition du conseil d'administration de Josep Bartomeu", pose le média catalan.

Si chaque camp cherche à défendre bec et ongles ses intérêts, la rupture Real Madrid-Barcelone est désormais "une réalité", affirme le pro-madrilène Marca. "Les deux clubs ont tombé le masque. (...) Désormais, le Real Madrid et le FC Barcelone seront considérés comme deux clubs antagonistes, sans compromis et enterrant toute forme de pacte de non-agression". Son concurrent madrilène AS rappelle que "bien que Real Madrid TV ait diffusé une vidéo en réponse aux accusations de Laporta, aucun membre du conseil d'administration, de l'encadrement ou du personnel n'y répondra, car ils considèrent que son intervention tente de justifier l'injustifiable: que le club ait payé le vice-président du Comité technique des arbitres (CTA), Enríquez Negreira".

Romain Daveau Journaliste RMC Sport