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Que l’OM "redevienne la plus grande équipe française": les confidences et l’ambition de Rulli

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Geronimo Rulli, qui sort d’une grande performance face à l’AS Monaco (victoire 2-1, dimanche 1er décembre), savoure son début d’aventure convaincant avec l’OM. Le gardien olympien assume son rôle de leader et défend avec vigueur les sorties de balle, parfois risquées, demandées par Roberto De Zerbi. L’Argentin, ambitieux, annonce la couleur: l’objectif est que Marseille redevienne la plus grande équipe française. Entretien RMC Sport.

Geronimo, il y a eu un moment fort après le match contre Monaco. Quand le virage Sud s’est mis à scander votre nom. Racontez-nous ce que vous avez ressenti?

Ça fait chaud au cœur. Je ne m’y attendais pas. C’est impressionnant et ça me rend très fier qu’ils aient chanté mon nom comme ça, spontanément. J’espère que ce n’est pas l’histoire d’un soir uniquement, et que cela arrivera plusieurs fois, ce sera bon signe.

Êtes-vous un affectif et est-ce que ça vous booste d’entendre votre nom?

Sans aucun doute! Jouer ici, à Marseille, avoir plus de 60.000 personnes qui vous poussent, c’est un privilège. Si les supporters sont heureux que je représente ce club en tant que gardien, j’en suis le plus heureux. C’est gratifiant, ça me donne beaucoup de reconnaissance et c’est une motivation supplémentaire pour continuer de tout donner.

"Le Vélodrome te donne beaucoup d’énergie et de frissons"

Cela veut dire que le Vélodrome ne fait pas peur. On a beaucoup parlé de ce stade qui serait intimidant pour certains jeunes joueurs. Est-ce qu’il y a parfois de l’appréhension?

Ce n’est pas de la peur, c’est énormément de respect pour ce stade mais dans le bon sens du terme. C’est impressionnant, en fait. Quand on joue au Vélodrome, on a envie de finir le match en fêtant une victoire avec un tour d’honneur, d’aller voir chaque virage pour chanter avec les supporters. Ce stade te donne beaucoup d’énergie et de frissons. Quand tu interceptes un centre ou que tu stoppes une occasion de but, tu entends que les gens sont heureux et ça te donne le sentiment que tu es en mission pour représenter ce public. J’ai besoin qu’il se sente identifié par rapport à mon style et mes performances. Mais il ne faut jamais oublier qu’on est une équipe relativement jeune. On arrive de différents clubs, chacun avec son caractère et ses qualités, et ici on vit le football comme nulle part ailleurs. Ça peut donc nécessiter un petit temps d’adaptation. Je pense qu’à partir de maintenant, et depuis ce match contre Monaco, tout ira de mieux en mieux au Vélodrome.

Pour finir sur les tribunes, il y avait d'immenses banderoles ou tifo, dimanche. "Le Vélodrome est avec vous " pour le virage sud. "Allez l’OM, à la vie à la mort" pour le virage nord. Est-ce que vous avez lu ces messages en entrant sur la pelouse?

Oui, bien sûr, on les lit! Et cela nous a donné beaucoup de confiance et de force, même si chacun le vit à sa manière et que certains peuvent être impressionnés. Je le répète, on sent que les supporters sont avec nous et ils doivent être convaincus qu’on fait le maximum pour être à leur hauteur et les représenter de la meilleure manière. Ça nous procure de la puissance et ça nous permet aussi de remonter certaines situations, comme ce fut le cas contre Monaco.

"Je me sens à l’aise et important dans cette équipe."

Avez-vous le sentiment d’avoir été décisif contre Monaco et d’avoir fait l’un de vos plus gros matchs de la saison?

Je me sens très bien et je me sens important dans cette équipe. Je suis en forme physiquement, mentalement, et du coup je suis à l’aise. Contre Monaco, j’ai eu peut-être moins d’arrêts à faire que lors d’autres rencontres, mais j’ai su répondre présent dans des moments clés, quand l’équipe avait besoin de moi. J’ai donc contribué à cette victoire, oui. Mais, vraiment, il y a eu dimanche une connexion entre le public, les joueurs et le staff. De l’intérieur, on sentait que même si le résultat n’était pas en notre faveur, même si on était mené, on allait remonter au score et renverser le match.

On peut donc parler de déclic?

C’est un peu tôt pour affirmer que c’est un déclic. Mais la manière d’aborder cette rencontre a été vraiment différente, notamment dans l’attitude, par rapport aux précédents matchs à domicile. Il faut quand même confirmer cela lors des prochains rendez-vous, à commencer dès dimanche à Saint-Étienne, dans un stade qui est très difficile. Alors, on en saura plus sur notre forme du moment, avant de retrouver une nouvelle fois le Vélodrome. Vous savez, on bosse vraiment très bien sur les plans tactique et physique, mais aussi sur le plan mental, ce qui fait parfois la différence.

Beaucoup de supporters ou d’observateurs considèrent que l’OM a recruté "un grand gardien". Est-ce que vous acceptez avec grand plaisir ce statut ou, au contraire, votre humilité vous pousse à dire que c’est prématuré?

C’est un mélange de ces deux sentiments. J’accueille ces louanges de manière très positive. C’est une grande fierté et un plaisir que les gens aient une belle opinion de moi et de mes performances. Mais, en même temps, cela me donne une grande responsabilité. Bon, je suis à une étape de ma carrière et de ma vie où je pense avoir suffisamment d’expérience pour faire face à cette pression. J’assume ce statut et je dois répondre aux attentes de mes coéquipiers et du staff.

"Fenomeno? C’était le surnom de Mandanda, non?"

Nos confrères du journal La Provence ont titré un article vous concernant de cette manière: "Rulli, El Fenomeno". Est-ce que vous comprenez le jeu de mots et ce à quoi cela fait référence ?

"El Fenomeno…" (Rires). C’était le surnom de Mandanda, non?

Oui, bien joué! Ça vous fait sourire ou c’est un peu exagéré?

Pour me comparer à Steve, il faudra que je joue ici 500 matchs, alors que j’en ai joués à peine une dizaine. Il n’y a même pas de point de comparaison entre nous. Mandanda est sûrement le plus grand gardien que l’OM ait connu, à égalité avec Fabien Barthez. Moi, je suis venu ici pour écrire ma propre histoire, et je suis vraiment très content du début de cette aventure. Je veux vraiment continuer à profiter et à donner le meilleur de moi-même.

Après OM-Monaco, Roberto De Zerbi vous a décrit comme "un grand gardien, un grand homme et un grand leader". De quelle manière assumez-vous ce rôle de leader justement?

Déjà, le fait que notre entraîneur, un technicien comme Roberto, m’adresse ces paroles-là, c’est très gratifiant. Vous savez, je suis l’un des vieux du vestiaire. J’ai vécu pas mal de situations importantes dans ma carrière. Certaines positives, d’autres plus négatives. C’est ce qui me permet de jouer un rôle dans le leadership de l’équipe. On est plusieurs à avoir cette légitimité : Pierre-Émile (Hojbjerg), Léo (Balerdi), en tant que capitaine, Kondo (Kondogbia), "Adri" (Rabiot)… Il y a quelques garçons qui sont donc les leaders de ce vestiaire, sans oublier ceux qui sont ici depuis très longtemps et qui sont très importants, comme Valentin (Rongier). Mais on gère ce rôle de manière très naturelle, ce n’est pas forcé ni imposé. Notre objectif, c’est uniquement que chacun soit à son meilleur niveau, donne le meilleur de ses capacités, et surtout que tout le monde soit épanoui. C’est d’ailleurs ma façon de voir la vie. Il faut que ça respire la joie et le football dans un vestiaire, qu’il y ait beaucoup de solidarité et aucun "égo". On est vraiment sur le bon chemin en ce sens.

"Venir à l’OM a été l’une de mes meilleures décisions"

Est-ce que vous vous dites régulièrement que vous avez fait le très bon choix en venant à Marseille?

Chaque jour, quand je me lève, j’en parle avec ma femme et avec mon fils, même s’il n’est pas forcément à un âge de donner son opinion (sourire). Ça a été l’une de mes meilleures décisions. Quand Roberto De Zerbi m’a appelé et contacté pendant les Jeux olympiques, je n’ai pas hésité à venir et signer ici à Marseille. Plus les jours passent, plus je me sens heureux dans ce club et dans cette ville, avec ces supporters et ces coéquipiers.

Quel a été le rôle de Léonardo Balerdi dans cette adaptation. Est-ce important d’avoir un ou deux compatriotes à côté de soi pour rapidement s’intégrer?

Clairement, oui. Quand la possibilité de signer à Marseille a surgi, la première personne que j’ai appelée a été Léo. Il m’a vraiment motivé à venir. Ici, c’est un grand capitaine, un leader, il connaît la vie à Marseille, il est là depuis longtemps et il a vécu des bons comme des mauvais moments. Donc, pour moi, c’était une référence importante pour comprendre l’OM. Cela m’a aidé. Au jour le jour, on parle espagnol, mais aussi italien, anglais, français, évidemment. On est tous mélangés, et il n’y a pas différents groupes au sein même du vestiaire, comme parfois c’est le cas dans certaines équipes.

"Le CSC de Léo (Balerdi) face au PSG? On a beau crier, on ne s'entend pas à cinq mètres. L’erreur est humaine"

Qui fait le meilleur maté? Léo ou vous?

Non, c’est moi… J’ai beaucoup plus d’expérience que Léo… Je suis sévère, le maté de Léo est correct. Valentin essaye à peine, ça le désespère. C’est mon maté qui est le meilleur. Ce n’est pas compliqué, il faut mettre l’herbe qu’il faut, un mélange d’eau froide et d’eau chaude. Le tout est d’avoir la main et la bonne technique.

On dit souvent que pour être un grand gardien, il faut être un petit peu fou. À première vue, vous donnez la sensation d’être quelqu’un de plutôt posé et calme. Est-ce que vous avez un côté "loco" en vous?

On dit qu’on doit être un peu fou car, déjà, le gardien est le seul joueur de l’équipe habillé différemment. Et évidemment le seul à pouvoir prendre le ballon avec les mains. Et qu’on le veuille ou non, être gardien, c’est sûrement le poste le plus difficile dans le football. Tu commets une erreur et cela se convertit en but. Tu peux faire un match extraordinaire et faire perdre ton équipe sur une absence. J’adore ce poste-là. J’aime le foot en général, mais surtout mon rôle de gardien. J’essaye de me nourrir de cette passion pour performer et transmettre à mes coéquipiers.

En parlant de certaines erreurs, que s’est-il passé sur le but contre son camp de Balerdi face au PSG. Vous parlez la même langue, mais vous ne vous êtes pas compris? Ou il ne vous a pas entendu?

Ce sont des faits de jeu, et ce genre d’erreur peut arriver, on est des êtres humains. Dans ce stade, il y a 65.000 personnes, et parfois on a beau crier, parler très fort, on ne s’entend pas même à cinq mètres. Ça arrive vite, ce genre d’action… Je crie à Léo qu’il est seul, je pense qu’il ne m’entend pas. Il croit sûrement qu’il y a un attaquant pas loin ou qu’il y a danger, il touche le ballon et ça fait but. Et ce match se termine comme il se termine… Il faut accepter qu’on a parfois des failles et que les gardiens et défenseurs sont parfois exposés à ce genre d’erreur.

"Les relances courtes? Ils peuvent pleurer, critiquer ou avoir peur, on sera fidèle à notre jeu"

Dans la philosophie de Roberto De Zerbi, les relances courtes et les sorties de balle sont primordiales. Cela donne quelques frayeurs aux supporters. Est-ce une prise de risque assumée?

Je veux bien comprendre qu’il y ait un peu de crainte, et qu'on ait l’impression que l’on prend des risques démesurés. Peut-être que certains supporters ne sont pas habitués à ce genre de relances, mais je vous garantis que c’est le fruit de nombreuses heures de travail. Tout au long de la semaine, on bosse ces sorties de balle et c’est notre style de jeu, il faut l’accepter. Ils peuvent crier, pleurer, critiquer ou avoir peur, on ne va pas changer la nature de notre jeu d’équipe car on croit en notre entraîneur, en sa philosophie et en son projet. Il faut y être fidèle car c’est le chemin correct pour devenir la meilleure équipe de France. Au bout du compte, c’est ça l’objectif.

On a le sentiment que l’équipe est plus équilibrée, depuis deux matchs, avec un milieu renforcé et notamment la présence de Valentin Rongier. Est-ce que vous le ressentez depuis votre but?

Il est indéniable que, lors des deux derniers matchs, on a eu globalement plus de contrôle que sur la plupart des rencontres précédentes. Intégrer Valentin dans le dispositif nous aide effectivement à avoir plus d’équilibre. Il a un jeu très positionnel, il sait colmater les brèches, il a aussi des caractéristiques et un style qui se complètent bien avec les autres joueurs du milieu de terrain. Mais peu importe qui est titulaire, on a en tête des standards de jeu que l’on respecte. On a trouvé une stabilité, mais honnêtement je pense que l’on n’a pas encore vu, ne serait-ce que 50 % de ce que cet OM est capable de donner en tant qu’équipe.

"On n’a pas encore vu 50 % de ce que cet OM est capable de donner en tant qu’équipe"

C’est justement très positif. On a le sentiment que vous avez une grande marge de progression. Et pourtant vous êtes deuxièmes au classement.

Je le répète, on est une équipe avec quatre mois d’ancienneté, très peu de vécu et de compétition ensemble. On peut même déduire, sur trois mois consécutifs, quinze jours pendant lesquels dix ou douze internationaux sont partis avec leur sélection… Dans ces conditions, que l’on ait déjà vu certaines choses intéressantes, qui normalement mettent beaucoup de temps à se mettre en place, ça signifie qu’on est vraiment sur le bon chemin. On est deuxième, et quand on obtient des résultats, c’est toujours plus facile de travailler. J’insiste, on croit vraiment en ce projet et en notre entraîneur. On n’a pas encore vu la moitié de ce que l’on est capable de faire.

Les matchs à Saint-Étienne et contre Lille arrivent. Avez-vous le sentiment que vous êtes lancés, et désormais en pleine confiance?

On s’est donné comme objectif de gagner les trois derniers matchs avant Noël. On veut être à 32 points en championnat, et évidemment encore en course en Coupe de France. On va se concentrer évidemment sur le prochain déplacement à Saint-Étienne. On doit rester soudés, comme une équipe, comme une famille.

"Quand Roberto De Zerbi parle, j’ai l’impression que c’est moi qui parle"

Qu’avez-vous pensé de la colère de Roberto De Zerbi après OM-Auxerre? Il n’a pas supporté cette défaite et a eu des paroles fortes. C’est son côté passionnel et compétiteur?

Je vais être sincère: quand Roberto parle, j’ai l’impression que c’est moi qui parle. En fait, il arrive à extérioriser certains mots que j’ai au fond de moi, mais qui parfois ne sortent même pas parce que tu n’extériorises pas tes émotions. C’est pour ça que je pense qu’on a l’entraîneur adéquat pour ce club. Roberto et l’OM se ressemblent, et il est en train de construire une équipe avec ses valeurs, pour que les gens, à Marseille, s’identifient à ce groupe.

C’est important de se retrouver en stage trois ou quatre jours, de partager quelques moments, d’être à deux dans une chambre. Avec qui étiez-vous d’ailleurs?

Moi, avec Bamo (Meïté). Oui, il nous manquait peut-être cette petite cohésion d’équipe. Mieux se découvrir, plus se connaître, c’était l’objectif de ce stage, et je crois que cela a été décisif dans la réaction qu’on a eu contre Monaco. Cette victoire, on la doit principalement aux trois jours que l’on a passés en mise au vert. On a réagi et pensé en tant qu’équipe, et non chacun de notre côté, comme individualité.

Qui a la plus grosse frappe à l’entraînement?

La plus grosse frappe, je ne sais pas. Mais la plus impressionnante, c’est celle de Mason (Greenwood), sans aucun doute. J’adore son jeu, il est différent, c’est le genre de joueur de plus en plus rare dans le football d’aujourd’hui. On doit être heureux et ravi de l’avoir parmi nous. D’ailleurs, chaque veille de match, on s’exerce aux penaltys. Ça va… je garde un bon niveau et un bon taux de réussite (rires)! L’autre fois, je me suis testé face à Mason, Léo, Valentin, Elye (Wahi), Jonathan (Rowe)… J’ai sorti quelques arrêts.

"La technique pour arrêter les penaltys? C’est l’intuition, et ça dépend aussi de la course d’élan, du score, du temps de jeu…"

Quelle est votre technique, pour arrêter un penalty?

C’est un peu l’intuition. Parfois, je sens que je dois partir d’un côté plutôt que de l’autre. Je regarde aussi beaucoup la course d’élan. Il y a quelques facteurs et quelques détails qui m’aident à me faire une idée. Ça dépend aussi du score, du temps de jeu, si on gagne ou si on perd… Des petits indicateurs qui me permettent de choisir si je vais plonger, ou de quel côté je vais plonger.

En parlant de penaltys… "Dibu" (Emiliano Martinez) va bien?

(Rires) Oui, oui, très bien, très bien. C’est un phénomène. On a une très bonne relation. On s’appelle toutes les semaines. La dernière fois, il a dû sortir parce qu’il s’est fait mal à une main, j’ai pris de ses nouvelles. Lui, il est très content de savoir que je suis bien à Marseille car il sait que je suis dans un grand club, et moi aussi ça me fait plaisir de savoir que tout va bien pour lui, en Premier League et avec la sélection.

Merci pour cette interview, Geronimo. On retiendra beaucoup de choses intéressantes… Vous voulez notamment que l’OM redevienne le plus grand club français, vous l’avez dit, c’est un objectif?

C’est ce que je pense! Et je crois en ce que je dis. Aujourd’hui, nous ne sommes pas la plus grande équipe française. Mais on est en train de travailler pour le redevenir, c’est l’objectif, ça ne fait aucun doute.

Propos recueillis par Florent Germain, à Marseille